Conduite autonome. Le gouvernement établit les responsabilités
Le gouvernement français, par voie d'ordonnance, introduit la notion de responsabilité en cas d'accident ou d'infraction au code de la route lors de la conduite d'un véhicule autonome. Ainsi, dans certains cas, le constructeur (au sens large) pourra être reconnu responsable pénalement.
Le gouvernement a publié, au Journal Officiel du 15 avril, une ordonnance établissant les différentes responsabilités lors d'un incident survenu en mode conduite autonome.
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La voiture totalement autonome est déjà prête à rouler, nous assurent les constructeurs. Certes, mais juridiquement parlant, c’est loin d’être possible. Du moins jusqu’à présent. Car depuis le 15 avril 2021, une ordonnance parue au Journal Officiel, établit la responsabilité des différents intervenants (conducteur, constructeur...) lors d’un accident ou d’une infraction au code de la route. « Ici, c’est la définition européenne du constructeur de véhicules qui est prise en compte : l’entité est responsable du processus d’homologation du véhicule », précise Me le Roux, avocate au sein du cabinet Hogan Lovells, spécialiste des questions réglementaires liées aux technologies, aux données et à la cybersécurité dans le secteur de la mobilité. Les équipementiers qui développent les systèmes de conduite automatisée peuvent ainsi également être concernés.
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Le constructeur devient pénalement et pécuniairement responsable

Jusqu’à présent, le législateur avait autorisé la circulation de véhicules autonomes sur routes ouvertes dans le cadre de tests menés par les constructeurs. Avec l’ordonnance n°2021-443, le gouvernement va plus loin en couchant sur le papier la répartition des responsabilités pour des véhicules de série, en fonction de l’activation, ou non, du système de conduite autonome.
Ainsi, avant son activation, l’article L.121-1 du code de la route stipulant que « le conducteur d’un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule ». En revanche, après son activation, le nouvel article L.123-1 est formel : « Les dispositions du premier alinéa de l'article L.121-1 ne sont pas applicables au conducteur, pour les infractions résultant d'une manœuvre d'un véhicule dont les fonctions de conduite sont déléguées à un système de conduite automatisé, lorsque ce système exerce, au moment des faits [...], le contrôle dynamique du véhicule ».
Pour Me le Dall, avocat à la Cour et docteur en Droit, « ce texte avance des pistes intéressantes, et surtout il conserve la notion de conducteur ». De son côté, Me le Roux se montre plus nuancée : « Ce texte permet de poser un cadre, mais, en dehors du cas des systèmes de transport routier automatisés, il ne semble être adapté qu'aux systèmes autonomes de conduite automatisée de niveau 3. Il faudra voir si cela est conforté par son décret d’application ». Or, dans le projet de décret pour l’application des dispositions du code de procédure pénale, du code de la route et celui des transports datant du 20 décembre 2020, les différentes notions d’automatisation (partiellement, hautement et totalement) sont bien mises en évidence.
Le conducteur n’est pas dédouané de toute responsabilité
En effet, outre cette notion de conducteur toujours présent, ce qui induit qu’il faut détenir le permis de conduire y compris au volant d’un véhicule disposant d’une délégation de conduite, une personne doit être physiquement derrière le volant. « Le conducteur doit se tenir constamment en état et en position de répondre à une demande de reprise en main du système de conduite automatisé ». Ainsi, dès que le système indique au conducteur qu’il doit reprendre la main, après une période de transition, celui-ci redevient responsable pénalement des infractions commises.
Qui a accès aux données du véhicule ?

Afin de départager les responsabilités de chacun, un accès aux données du véhicule est obligatoire. Ainsi, les forces de l’ordre pourront en faire la demande en cas d’accident, ou bien lors d’une infraction au code de la route. Mais le titulaire du certificat d’immatriculation pourra également effectuer cette démarche, pour disposer d’une attestation lui permettant d’établir une requête en exonération ou réclamation concernant une contravention. Le code de procédure pénale a, d’ailleurs, été modifié dans ce sens. « Il est intéressant, ici, de constater qu’un délai de conservation des données a été indiqué », souligne Me le Dall. Lorsque le véhicule peut communiquer ses données à distance, ce délai est de 6 ans en cas d’accident, et de 1 an à compter de la date des faits pour les autres infractions.
Une ordonnance qui va dans le bon sens

Cette ordonnance permet de poser la responsabilité de chacun et d’établir le moment de déclenchement de cette responsabilité. Ainsi, la responsabilité du constructeur n’est pas écartée, mais « le texte n’est pas là pour leur faire peur et les empêcher de continuer à développer ce type de véhicule », insiste Me le Dall, qui relève par ailleurs que « la formation des conducteurs aux véhicules autonomes est également prise en compte avec la modification du code de la consommation ». En effet, toute vente ou location d’un tel véhicule est soumise à une information au client des modalités d’utilisation de système de conduite autonome. Toutefois pour Me le Roux, « il serait dommage d’avoir de très fortes divergences d’un État Membre à un autre sur les règles applicables aux systèmes de conduite automatisée. Il faudra probablement rectifier le tir si nous nous engageons dans une réglementation trop française ».
Les textes d’application doivent être publiés dans un délai maximum de 6 mois après cette ordonnance, soit au plus tard le 15 octobre 2021.