Dieselgate. La mise en examen de Volkswagen en France confirmée en appel
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Dieselgate. La mise en examen de Volkswagen en France confirmée en appel

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris vient de confirmer la mise en examen de Volkswagen en France pour tromperie aggravée dans l'affaire du « Dieselgate ». L'argus vous livre son analyse sur cet énième développement judiciaire dans ce dossier loin d'être clos.

Par Gatien-Hugo Riposseau
Publié le Mis à jour le

La cour d'appel de Paris vient de confirmer la mise en examen de Volkswagen en France pour tromperie aggravée dans l'affaire du « Dieselgate ». L'analyse de L'argus.

Patrick Bernard

Volkswagen a fait l'objet d'une mise en examen le 6 mai 2021 au chef de tromperie aggravée dans le cadre du scandale des moteurs Diesel qu'il avait reconnu avoir truqués pour fausser les tests de mesure des émissions polluantes. Mais le géant allemand a contesté cette mise en examen et sollicité son annulation pure et simple. Volkswagen invoquait une irrégularité procédurale concernant une expertise et l'impossibilité de le poursuivre deux fois pour des faits ayant déjà été sanctionnés en Allemagne. La justice française s'était déjà prononcée sur cette argumentation en janvier 2022 et avait rejeté ce recours. L'arrêt rendu le 15 mars 2023 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris refuse d'annuler les poursuites à l'encontre de Volkswagen et confirme donc la précédente décision. Mais la firme allemande semble loin d'avoir dit son dernier mot.

Un risque de double condamnation invoqué par Volkswagen

Le constructeur persiste à contester sa mise en examen en France, en alléguant une précédente condamnation de 2018 à une amende de plus d'un milliard d'euros en Allemagne pour les mêmes motifs. La firme de Stuttgart invoque le principe juridique « non bis in idem », selon lequel nul ne peut être poursuivi et jugé deux fois pour les mêmes faits. Mais la justice vient une nouvelle fois d'écarter cet argument. Pourquoi ? Parce que ce principe juridique ne s'applique que si les faits jugés à l'étranger n'ont pas été commis en France. Et c'est sur ce point que les choses se compliquent. Car, en commercialisant des véhicules diesel équipés d'un logiciel destiné à fausser les tests d'émissions polluantes dans plusieurs pays, Volkswagen a commis des faits susceptibles d'être considérés comme accomplis dans tous ces États.

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En vendant ses voitures partout dans le monde, Volkswagen s'expose à des poursuites dans tous ces États. Le constructeur pourrait ainsi cumuler plusieurs condamnations pour des faits identiques commis dans tous ces pays.

Georges Cousseau

Ensuite, au regard de l'application complexe de ce principe dans cette affaire, il y a fort à parier que les magistrats instructeurs laissent cette question à l'appréciation souveraine du tribunal. Ce dernier pourrait être amené à se prononcer sur l'éventuelle responsabilité de Volkswagen si l'instruction devait aboutir au renvoi du constructeur devant cette juridiction. Et le communiqué du groupe Volkswagen démontre que ce dernier en a pleinement conscience. « La décision rendue ce jour (mercredi) ne préjuge en aucun cas de l'issue de la procédure pénale, et Volkswagen continue de bénéficier de la présomption d'innocence. Il continuera d'utiliser toutes les voies de droit qui lui sont offertes pour présenter cet argument devant les juridictions françaises », explique le constructeur.

Une qualification de tromperie aggravée qui tient la route ?

L'instruction des faits qualifiés de « tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal » est actuellement entre les mains des magistrats instructeurs parisiens, et la firme de Stuttgart continue à bénéficier de la présomption d'innocence. Si ce nouveau revers pour le constructeur allemand n'augure en rien de sa responsabilité éventuelle, la justice française dispose néanmoins d'un élément à charge des plus embarassant. En 2015, à la suite d'accusations de l'Agence environnementale américaine, Volkswagen a reconnu la présence d’un logiciel capable de modifier les émissions polluantes de ses véhicules en phase de test. Une donnée essentielle qui pourrait bien participer à justifier le renvoi de Volkswagen devant le tribunal correctionnel. La qualification actuellement retenue implique cependant que le caractère dangereux pour la santé de cette tromperie soit également démontré. Cette dangerosité supposée est liée au fait que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé en 2012 les gaz d'échappement diesel comme cancérigènes certains. Les émissions de NOx, ici en cause, sont donc concernées par ce classement de nocivité.

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Les aveux de Volkswagen quant au dispositif mis en place pour duper les mesures d'émission polluantes pourraient bien conduire la justice française à poursuivre le groupe pour tromperie.

L'argus

Mais le groupe allemand ne l'entend pas de cette oreille, comme le démontrent ses premières déclarations : « En tout état de cause, Volkswagen conteste le bien-fondé des accusations de tromperie aggravée dont elle est l'objet en France et estime que les consommateurs français n'ont subi aucun préjudice indemnisable en rapport avec l'achat d'un véhicule VW ». Le constructeur réaffirme enfin que l'amende payée en Allemagne « n'implique néanmoins aucune reconnaissance des faits allégués, ni de sa responsabilité ».

Bientôt un procès ?

« Nous espérons qu'enfin un procès pourra se tenir rapidement dans cette affaire » s'est félicité Me François Lafforgue, avocat des associations Écologie sans frontières, Respire et d'une centaine de propriétaires de véhicules de la marque, après le prononcé de la décision du 15 mars 2023. Mais, à y regarder de plus près, il n'est pas certain que le procès intervienne si rapidement que cela. Car, même si l'avis de fin d'information synonyme de la fin des investigations a été rendu en août 2022, la phase d'instruction préalable au jugement est loin d'être achevée. Et pour cause, si les juges d'instruction devaient décider de renvoyer Volkswagen devant un tribunal correctionnel pour y répondre de l'infraction de tromperie aggravée, la firme allemande disposerait encore de la possibilité de faire appel de cette décision de poursuite. Un nouveau recours qui pourrait lui-même donner lieu à un pourvoi en cassation si la cour d'appel devait rejeter les prétentions de Volkswagen

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Le procès du Dieselgate ne semble pas près de se tenir en France car le constructeur allemand peut encore intenter de nouveaux recours dans le cadre de la procédure d'instruction actuellement en cours.

ANTAI

Des enjeux colossaux pour Volkswagen 

Les enjeux sont ici colossaux pour Volkswagen, qui a déjà été condamné à payer environ 30 milliards d’euros d’amendes à l’issue de plusieurs procédures, notamment aux États-Unis et en Allemagne. Car, outre les très lourdes amendes encourues pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires annuel, le constructeur allemand est exposé à l'action de ses clients mécontents. Ces derniers pourraient en effet décider de se saisir du procès pénal pour se constituer partie civile et demander réparation de tous leurs préjudices. De quoi alourdir la note déjà très salée pour le groupe allemand, qui ne semble pas avoir fini de payer les frais de ses orientations industrielles passées.

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