Essai BMW iX5 Hydrogen. Au volant du SUV électrique à pile à combustible
Alors que nombre de constructeurs misent tout sur les batteries, BMW continue de développer la technologie de la pile à combustible. La marque a même produit une petite flotte de X5 capables de produire de l’électricité grâce à l’hydrogène, et L’argus a pu essayer l’un de ces prototypes.
Essai, fiche technique et perspective d'avenir : retrouvez notre avis sur le BMW iX5 à hydrogène.
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L’hydrogène a t-il encore de l’avenir dans l’automobile ? Voilà une question qui a peu de chance de tomber au prochain bac de philo. En revanche, si vous voulez susciter un débat entre ingénieurs du secteur, vous avez l’assurance de gagner. Plusieurs constructeurs d’envergure ont décidé de renoncer totalement au développement de véhicules faisant appel à ce composant chimique, aussi abondant sur la planète que complexe à dompter. C’est le choix effectué notamment par tout le groupe Volkswagen. D’autres, comme Stellantis ou Renault, ne voient un avenir pour lui que dans le secteur du véhicule utilitaire léger, alors que Mercedes ou Volvo se sont recentrés sur les poids lourds.
Mais chez BMW, on pense que le dihydrogène, alias H2, peut se révéler utile même pour les voitures particulières. La marque bavaroise nous a invité en Belgique, à Anvers, pour prendre le volant de l’iX5 Hydrogen, un prototype de X5 à pile à combustible, et nous expliquer sa position par la même occasion. C’est donc un essai très spécial que nous vous proposons aujourd’hui, car aucune commercialisation n’est envisagée à court terme. Seule une petite flotte de moins d’une centaines d’unités doit être fabriquée pour servir à des tests en conditions réelles ou à des démonstrations. Si le feu vert est donné, ce qui reste encore incertain, une vraie production en série se fera seulement sur la base de la future plate-forme Neue Klasse, attendue pour 2025, et uniquement après le lancement de modèles électriques à batteries plus grand public. Autant dire que de l’hydrogène a le temps de couler sous les ponts avant que vous puissiez envisager un achat en concessions…
Comment fonctionne une pile à combustible ?
Avant de poursuivre, il convient de rappeler que l’hydrogène dans l’automobile peut être utilisé de deux manières distinctes. Au début des années 2000, BMW avait conçu la Hydrogen 7, une Série 7 qui se servait de ce composant sous forme liquide pour alimenter directement son V12. Sur le papier, l’idée avait de quoi séduire. Hélas, le noble moteur atmosphérique perdait trop de plumes dans l’affaire. Il passait de 445 ch lorsqu’il fonctionnait au sans plomb à seulement 260 ch. Le projet a fini par être abandonné, et tous nos interlocuteurs nous ont indiqué qu’ils ne croyaient plus en cette solution… même si Toyota et quelques autres ont récemment relancé l’espoir de la voir se concrétiser.
La marque bavaroise juge, elle, que le rendement restera trop faible et les modifications mécaniques à apporter trop importantes. Elle préfère donc miser désormais sur la pile à combustible ( « fuel cell » en anglais), qui se sert de l’hydrogène pour produire de l’électricité. Pour cela, il faut une réaction chimique appelée oxydoréduction, qui intervient en mettant le H2 en contact avec l’oxygène contenu dans l’air. Le résultat est censé être inoffensif pour l’environnement, car il donne de l’eau et de la chaleur en plus de l’électricité.
Ravitaillement BMW iX5 Hydrogen
L’avantage le plus connu face à un accumulateur classique, c’est la vitesse de ravitaillement. Vu que la pile produit elle-même son électricité, il n’y a pas besoin de la brancher sur secteur. Il suffit de faire le plein d’hydrogène, ce qui est à peine plus long et compliqué qu’un ravitaillement en essence. Ou plutôt en GPL, car le H2 est ici employé sous forme gazeuse. Dès le début de notre essai, nous avons fait une halte dans la station de l’entreprise CMB Tech, à Anvers, capable d’alimenter aussi bien des voitures que des camions et des bateaux. L’hydrogène étant compressé ici à 700 bar et hautement inflammable, l’électronique de la pompe « dialogue » en permanence avec celle du véhicule. Elle vérifie ainsi que toutes les conditions de température et de pression sont respectées, ce qui engendre quelques pauses dans le processus. Le bruit de gaz caractéristique s’interrompt alors, avant de repartir assez vite.
Au final, la promesse a été respectée : le plein des 6 kg d’hydrogène de l’iX5, contenus dans deux réservoirs disposés en forme de T sous la banquette et sous le tunnel de transmission, a été effectué en moins de 5 mn. Même les modèles à batteries les plus rapides à se recharger, comme les Hyundai Ioniq 5 et 6, Kia EV6, Porsche Taycan ou Audi e-Tron GT exigent au moins six fois plus de temps. Tout en étant tributaire d’un réseau de recharge à forte puissance électrique encore dispersé et imparfait, qui ne pourra pas se développer suffisamment pour répondre à tous les besoins, d’après BMW.
« C’est une erreur de penser qu’une solution unique peut tout résoudre », assène Oliver Zipse, le patron de la marque. « Il y a une limite au développement des infrastructures de recharge, notamment dans les villes. [....]. Ce n’est pas encore visible aujourd’hui, mais les problèmes se verront de plus en plus lorsque nous approcherons de 2035. »
Dans l'immédiat, le réseau de ravitaillement constitue cependant bien LE principal problème pour l'hydrogène. En France, on ne compte ainsi qu'une quarantaine de stations distribuant ce carburant, dont une dizaine seulement accessibles au grand public. Bien insuffisant pour espérer voyager sereinement, surtout que le territoire est loin d’être couvert de manière équitable.
Cette difficulté, BMW ne la nie pas. Mais la firme à l’hélice se montre optimiste. Elle estime notamment que le développement de ces infrastructures sera porté par les poids lourds, pour qui la technologie de la pile à combustible pourrait se révéler plus vite incontournable. Malgré l’arrivée du Tesla Semi et de quelques autres camions électriques, beaucoup pensent que les batteries ne seront jamais réellement adaptées à ces lourds engins, qui doivent souvent parcourir de longues distances sans s’arrêter trop longtemps. « Aujourdhui, ce sont des réseaux séparés, mais à l’avenir ils seront combinés » , assure Oliver Zipse. La station dans laquelle nous nous sommes arrêtés vient illustrer ce discours. Le patron de la marque évoque aussi de futures pressions législatives qui pourraient accélérer le mouvement, ainsi que la possibilité de convertir assez facilement les stations-services existantes.
Autonomie BMW iX5 Hydrogen
La manière de produire l’hydrogène sera tout aussi cruciale. Aujourd’hui, sa fabrication fait le plus souvent appel aux énergies fossiles, ce qui débouche sur un bilan écologique très peu favorable. On parle alors d’hydrogène gris. L’enjeu, à l’avenir, sera de passer à une majorité d’hydrogène vert, obtenu en utilisant des énergies renouvelables. Grâce à des éoliennes situées en mer, CMB Tech se targue de figurer dans cette catégorie. Hélas, cette propreté à un coût : le kg de H2 était ici facturé 18 € le jour de notre passage, alors qu’on peut trouver du H2 moins vertueux à partir de 10 € le kg environ. Le plein complet de notre iX5 aurait ainsi coûté 108 €, au lieu de 60 € avec de l’hydrogène gris. A première vue, cela reste néanmoins compétitif face à un X5 xDrive30d, dont le réservoir de 69 l engendre une facture de plus de 126 € avec un litre de gazole à 1,84 €. Mais avec sa consommation annoncée de 1,19 kg/100 km, le X5 à pile à combustible doit se contenter d’une autonomie de 504 km sur le cycle WLTP. C’est quasiment deux fois moins que son jumeau alimenté au diesel, et même moins bien que l’iX, le grand SUV électrique à batteries de BMW, qui annonce jusqu’à 630 km selon le même protocole d’homologation, souvent assez optimiste.
Au volant de l'iX5 Hydrogen
La Belgique comporte quelques belles routes sinueuses, du côté des Ardennes, non loin de Spa-Francorchamps. Hélas, notre itinéraire d’essai est resté concentré sur une zone beaucoup plus densément peuplée du pays, entre Anvers et Bruxelles. Il alternait ainsi quelques courts tronçons autoroutiers avec de fréquentes traversées d’agglomération. Un parcours aussi avare en virages que riche en feux tricolores, souvent surveillés par des radars outre-Quiévrain. Autant dire que nous n’avons donc pas vraiment pu vérifier si cet imposant SUV à hydrogène savait réellement afficher un comportement plus agile que ses homologues électriques à batteries, comme le laisse espérer BMW grâce à un poids qui serait inférieur. Une masse plus proche de celle des modèles hybrides rechargeables est évoquée.
Au rythme adopté, malgré quelques averses, même l’absence de transmission intégrale ne s’est jamais réellement fait sentir. Emprunté à l’iX, l’unique moteur électrique est en effet installé à l’arrière. Un choix qui peut surprendre sur un tel véhicule, surtout avec 401 ch à transmettre au sol. Mais même si la pile à combustible est moins encombrante qu'il y a quelques années, elle occupe encore, avec divers accessoires indispensables, la majeure partie de la place disponible sous le capot avant. De son côté, l’un des deux réservoirs d’hydrogène empiète sur le tunnel de transmission. Difficile de proposer quatre roues motrices dans ces conditions.
Les quelques moments de répit dans la circulation nous ont malgré tout permis de confirmer que ce prototype savait prodiguer des accélérations à la hauteur de sa fiche technique. On ne joue clairement plus dans la même cour que les Hyundai Nexo et Toyota Mirai, les seuls véhicules particuliers à hydrogène du marché, qui développent respectivement 163 et 182 ch. La pile à combustible, dont les cellules proviennent justement de la Mirai dans le cadre d’un partenariat avec Toyota, ne peut suffire à délivrer autant de puissance. Elle plafonne à 125 kW, soit 170 ch. Elle est donc ici épaulée par une batterie lithium-ion, capable d’ajouter jusqu’à 231 ch. De faible capacité, cet accumulateur est logé sous le plancher du coffre, dont il réduit ainsi le volume. Il ne pourra pas être rechargé sur secteur, contrairement à celui que le groupe Stellantis installe sur ses fourgons à hydrogène. Mais il est capable de se recharger très vite lors des freinages et décélérations, si bien que nous n’avons jamais eu l’impression de perdre de la puissance lors de notre parcours, certes peu exigeant.
Les 6 s revendiqués au 0 à 100 km/h paraissent très plausibles, tant ce grand gaillard est capable d’envoyer ses passagers au fond de leurs confortables fauteuils. Une description qui vous fera peut-être penser à celle de nombreux modèles électriques à batterie performants, et vous aurez bien raison. Malgré des choix technologiques bien différents, l’expérience de conduite proposée par ces deux types de véhicule demeure en effet quasiment identique. Le couple généreux débarque de manière instantanée et en silence… sauf si vous activez la sonorité artificielle créée par le célèbre compositeur Hans Zimmer, auteur de nombreuses musiques de film. La petite nouveauté pour BMW provient de l’arrivée de palettes pour moduler le freinage régénératif selon trois niveaux. Mais c’est une caractéristique désormais bien connue chez de nombreux constructeurs. La seule surprise sur notre prototype est venue d’un fonctionnement inversé par rapport à la logique habituelle, puisque c’est la palette de droite qui sert ici à augmenter le frein moteur. Il n’y a pas vraiment de quoi bouleverser la face de la mobilité électrique… et c’est précisément ce que nous ont indiqué rechercher les ingénieurs présents lors de cet essai.
Déjà assez abouti, cet iX5 Hydrogen pourrait ainsi débarquer chez des clients sans les perturber. Des acheteurs que la marque n'imagine pas forcément très nombreux, même à plus long terme : elle voit plutôt la pile à combustible comme une technologie complémentaire aux batteries, pour répondre à certains besoins spécifiques. Elle se destinerait notamment à ceux qui vivent dans des contrées froides, où l'autonomie prodiguée par les modèles électriques classiques peut drastiquement chuter en hiver. Elle pourrait également se montrer pertinente pour ceux qui ont besoin de tracter, ainsi que pour ceux qui vivent dans des zones au réseau de recharge inexistant. Sans parler de tous ceux qui ont besoin de pouvoir parcourir régulièrement de longues distances sans perdre trop de temps à faire le plein d'électricité, notamment pour raisons professionnelles. Mais les obstacles restent encore trop nombreux pour envisager une commercialisation sur cette génération de véhicules : faiblesse du réseau de ravitaillement, complexité de la production d'hydrogène, coût et encombrement de la pile à combustible… Le principal rôle de cet iX5 sera donc d'aider BMW à être plus rapidement prêt si le marché venait à être enfin plus mûr. Rendez-vous dans quelques années pour savoir si ce moment a fini par arriver.
À bord du BMW iX5 Hydrogen

Comme la carrosserie, le tableau de bord ne profite pas des modifications apportées lors du restylage. Ici, les écrans sont donc plus petits et bien séparés. DR

Malgré la présence d'un des deux imposants réservoirs en carbone sous la banquette, l'habitabilité est tout aussi généreuse que sur la gamme classique. DR

Le coffre souffre de la présence d'une batterie sous son plancher : identique à celui des versions hybrides rechargeables, il perd 150 l par rapport aux modèles thermiques. DR

Un logo Hydrogen Fuell Cell face au passager fait partie des rares différences avec un X5 classique. DR
Prix et concurrence BMW iX5 Hydrogen
Comme évoqué plus haut, ce SUV à pile à combustible ne sera jamais vendu sous cette forme. Nous avons bien tenté de savoir combien il aurait pû coûter si BMW en avait décidé autrement, mais nous avons essuyé une fin de non-recevoir. Seuls les rares autres modèles à hydrogène du marché peuvent donc nous donner une vague indication. Le plus proche par sa carrosserie, le Hyundai Nexo, démarre déjà à 80 500 €, malgré son blason moins réputé et sa puissance beaucoup plus modeste. L’imposante berline Toyota Mirai est, elle, facturée à partir de 72 500 €, alors qu’elle partage les mêmes lacunes que le SUV coréen. Quant aux utilitaires du groupe Stellantis, qui combinent pile à combustible et batterie lithium-ion comme chez BMW, ils s'affichent à un tarif encore plus dissuasif : 160 800 € TTC minimum.
Bien plus performant que tous les exemples énoncés ici, l'iX5 Hydrogen risquerait donc de dépasser largement les 150 000 €… Sans devenir très rentable pour autant. La pile à combustible demeure en effet une technologie très chère, ce qui n’aide pas à sa démocratisation. La faute, notamment, au platine qu’elle utilise, un métal rare et extrêmement coûteux. BMW se montre toutefois optimiste sur ce point en précisant que les quantités utilisées n’ont cessé de diminuer au fil des années. La marque table aussi sur le recyclage des pots catalytiques des modèles thermiques, qui contiennent déjà ce matériau, pour s’approvisionner. Tout en insistant sur le fait qu’une pile à combustible demande 90 % de matières premières qu’une batterie lithium-ion : un argument fort alors que certains redoutent des pénuries à venir.
Bilan essai BMW iX5 Hydrogen
- Bien plus qu'un simple prototype, l'iX5 Hydrogen prouve que performances percutantes et pile à combustible ne sont pas incompatibles. Déjà très homogène, ce grand SUV électrique propose ainsi une expérience de conduite similaire à celle de ses homologues à batterie. Tout en conservant l'argument massue de l'hydrogène : un temps de ravitaillement à peine plus long que celui des modèles thermiques. Hélas, l'encombrement de sa technologie engendre aussi quelques contraintes, et son prix de vente risquerait de faire fuir même les clients les plus motivés. Sans parler de l'absence quasi-totale de stations-service. Pour voir une BMW à hydrogène débarquer en concession, il faudra donc encore patienter au moins quelques années… et rien ne garantit encore vraiment que ce moment arrive réellement un jour.
On aime
- Ravitaillement très rapide
- Fonctionnement déjà convaincant
- Performances musclées
On regrette
- Aucune commercialisation prévue
- Deux roues motrices seulement
- Rareté des stations-service
Fiche technique BMW iX5 Hydrogen | |
Dimensions et poids | |
Longueur | 4,92 m |
Largeur sans rétroviseurs | 2,00 m |
Hauteur | 1,74 m |
Empattement | 2,97 m |
Volume du coffre | 500 l |
Capacité des réservoirs | 6 kg |
Pneus sur modèle d'essai | 275/35 R 22 |
Poids | Environ 2 400 kg |
Moteur et performances | |
Type de moteur | électrique |
Puissance moteur et système | 295 kW/401 ch |
0 à 100 km/h | Moins de 6 s |
Vitesse maximale | Plus de 180 km/h |
Puissance pile à combustible | 125 kW/170 ch |
Puissance batterie lithium-ion | 170 kW/231 ch |
Autonomie mixte WLTP | 505 km |
Consommation mixte H2 WLTP | 1,19 kg/100 km |