Essai extrême Tesla Model 3 : une électrique au Nürburgring, acte 2 !
Après le test de la Porsche Taycan Turbo S sur la boucle nord du Nürburgring, nous avons soumis une autre berline électrique à notre essai extrême : la Tesla Model 3 Performance. Sera-t-elle plus endurante que l'allemande dans cet usage ? Réponse imminente...
Près de 500 ch, quatre roues motrices, un mode de conduite Piste : la Tesla Model 3 Performance a tout pour briller sur circuit. Du moins sur le papier...
Chez Porsche, la communication autour de la Taycan transpirait un objectif : enterrer la Tesla Model S, réputée pour ses performances ahurissantes sur un départ arrêté… mais rapidement bridée par la surchauffe de ses batteries. Après les 3 425 km parcourus en 24H, les 0 à 200 km/h répétés 26 fois de suite et un joli chrono sur la boucle nord du Nürburgring, la Taycan Turbo S est vite apparue comme l’outil idéal pour affronter nos essais extrêmes.
Las : malgré ses indéniables facultés dynamiques, la berline allemande n’a su boucler plus d’un tour de Nordschleife sans passer en mode « tortue », synonyme de bridage sous les 100 km/h le temps que ses batteries refroidissent. Dès lors ? Il était risqué d’infliger le même traitement à la rivale Tesla Model S, sensible à la chauffe et dont la version « record » (avec trois moteurs, voies très élargies, aileron démesuré) n’a finalement jamais battu la Taycan sur le toboggan allemand.
Pour ce premier essai extrême au volant d’une Tesla, nous avons plutôt choisi la Model 3 : un gabarit plus compact (4,69 m), une version Performance aux… performances déjà costaudes (3,4 s de 0 à 100 km/h et 261 km/h en vitesse maxi) et surtout, un mode de conduite « Piste » qui renforce la récupération d’énergie à la décélération, optimise le refroidissement des batteries et autorise la déconnexion totale de l’antidérapage ESP. Si ce n’est pas un appel à la débauche… En route !
Moteur
Les moteurs en bref. Hormis en version de base Autonomie Standard Plus, la Model 3 possède deux moteurs électriques animant chacun un essieu. Si l’arrière est de type synchrone à aimants permanents (encombrement et poids moindres, couple et rendement élevés), l’avant est asynchrone comme ceux des Model S et Model X (meilleures performances à haut régime, fabrication mobilisant moins de terres rares). L’arrière culmine à 219 kW (294 ch) et 420 Nm de couple, l’avant à 158 kW (212 ch) et 220 Nm. Tesla refuse hélas de communiquer la valeur maxi cumulée (qui dépend surtout de la puissance de la batterie, elle aussi gardée secrète), située à 482 ch selon plusieurs sources. Mais il s’agit là d’une puissance de crête, non disponible en continu.

Notre avis. La remarque est toujours la même, après avoir écrasé la pédale de droite au plancher d’une puissante voiture électrique : quelle santé ! Le couple immédiatement disponible et la motricité sans faille autorisent en effet des accélérations « canons », qui nous propulsent de 40 à 200 km/h en à peine plus de dix secondes dans un silence de cathédrale (pas de bruit artificiel façon Taycan ici). Un propriétaire de 911 GT3 RS aura d’ailleurs du mal à nous semer dans les premières sinuosités du circuit, malgré 520 ch disponibles et son apparente connaissance de la boucle nord.
Cette forme olympique s’émousse toutefois au-delà de 160 km/h environ (contrairement à la Taycan, la Model 3 ne possède qu’un rapport de boîte unique et s’essouffle davantage à haute vitesse)… puis aux allures plus faibles, au fil de la montée en température des batteries. Bien visibles sur l’écran central, les « piles » passent ainsi de la couleur verte à la jaune, puis à l’orangé et enfin au rouge, une dernière teinte qui, lorsqu’elle survient, donne le sentiment que la puissance maxi est réduite de moitié. C’est à 12 km du départ, dans une longue montée nécessitant près d’une minute de pleine charge (après le virage de Bergwerk, pour les connaisseurs) que cette couleur rouge est apparue.
En usage extrême, la gestion de la température demeure donc différente de celle rencontrée avec la Taycan Turbo S. Cette dernière conservait ses performances quasi-intactes sur un tour de 20 km, puis les bridait franchement pour refroidir ses batteries (nous plafonnions alors à 80 km/h). La Model 3, elle, les limite progressivement mais conserve, même en mode « rouge », des ressources suffisantes pour finir le tour en sécurité avec des performances équivalentes à celles d’une auto d’environ 200 ch. Plus rassurant au Nürburgring, où chacun part pour 20 km sans arrêt possible…
Châssis
Le châssis en bref. Depuis une récente mise à jour du mode Piste, la Model 3 Performance autorise un réglage plus fin du niveau d’intervention de son antidérapage, et de la répartition du couple entre l’avant et l’arrière (selon des crans de 5 %). Pour ce bref essai, nous avons opté pour un antidérapage totalement déconnecté et une répartition 50/50 (même si tester une Model 3 Performance 100% propulsion nous démangeait...). Le reste est plus classique : suspension passive à ressorts métalliques, aucun différentiel autobloquant (les plaquettes se chargent de freiner les roues intérieures à l’accélération), et quatre pneus Michelin Pilot Sport 4S en 235/35 R20.
Notre avis. A l’image de ses déroutantes accélérations en ligne droite, la Tesla Model 3 surprend dès les premiers virages. Les raisons ? Une direction très directe (deux tours de volant de butée à butée), un train avant incisif et une répartition des masses idéale (batteries implantées bas, entre les deux essieux), qui gomment les 1 860 kg de l’engin à vide et piègent d’abord le conducteur, qui a tendance à mordre l’intérieur des courbes en braquant plus qu’il ne faut !

Plutôt mobile en entrée de courbes, le train arrière accentue cette tendance et réclamera donc un peu d’attention, ESP débranché, aux amateurs de conduite « avec les fesses ». Malgré le poids, l’absence de pilotage électronique de la suspension et les pneus à flancs ultra-bas, l’amortissement surprend en bien : déformations efficacement digérées, roues presque toujours en contact avec le sol, et un roulis présent mais jamais trop marqué en virages.
Reste à s’habituer aux « grognements » de l’antipatinage, forcé de freiner sévèrement les roues intérieures à l’accélération pour ne pas voir le couple généreux s’envoler en fumée en sortie de virages serrés. Si l’objectif est rempli, le système participe hélas à l’échauffement des freins, vrai point noir de la Model 3 Performance en usage circuit...
Freinage
Le freinage en bref. Reconnaissable à leur peinture rouge, les étriers fixes à quatre pistons de la Model 3 Performance pincent des disques ventilés de 335 mm de diamètre à l’avant (320 mm pour les autres versions). A l‘arrière, seules les plaquettes sont plus épaisses d’un petit millimètre par rapport aux autres Model 3.
Notre avis. En mode Piste, l’écran de contrôle de la Tesla conseille de pousser au maximum (100 %) la récupération d’énergie la décélération, laquelle génère un frein moteur très marqué au lâcher d’accélérateur. Une position à laquelle il faut s’habituer lors des premiers tours… et qui ne suffit pas à soulager le freinage « classique » mobilisant les disques et plaquettes.

A l’image des batteries virant du vert au rouge à l’écran, le dessin des plaquettes adoptent la même teinte et envoient même un message d’alerte de surchauffe au conducteur. Qui s’en était aperçu, avec une pédale de gauche allongeant rapidement sa course et devenant incapable de ralentir efficacement l’auto dans un grognement de plaquettes qui inspire la pitié…
Cette fois, l’alerte est intervenue avant le virage le plus lent du circuit situé à moins de 9 km du départ (Wehrseifhen, pour les intimes), nous conduisant à anticiper les ralentissements en utilisant le freinage récupératif le temps que la chaleur se dissipe. Mais puisque la puissance régresse parallèlement, l’effet est moins gênant que prévu et impose au conducteur de réadapter ses repères… Deux voitures différentes en seul tour de boucle nord : bienvenue en Tesla Model 3 !
Et la recharge ?



Bilan de l’essai Model 3 Performance
Après notre petite déception en Porsche Taycan Turbo S, nous doutions fortement de l’endurance de la Model 3 Performance sur le circuit le plus exigeant du monde. Finalement ? Sa régression de performances survient plus progressivement, permettant d’achever le tour à allure dynamique à défaut de conserver la pleine puissance. A l’arrivée, la « petite » Tesla devrait davantage briller sur une piste plus sinueuse grâce à ses relances canons, son impressionnante agilité en épingles... et son endurance de freinage, clairement insuffisante sur la boucle nord du Nürburgring. Un défaut peut-être solutionné en fin d’année quand sera disponible en France le Track pack, déjà proposé aux Etats-Unis contre 5 500 $. Au programme, au-delà des jantes allégées et chaussées en Michelin Pilot Sport Cup 2 ? Des plaquettes avant et arrière plus performantes, et un liquide de frein mieux adapté aux températures élevées… A suivre !
A LIRE. Tous nos essais extrêmes au Nürburgring
On aime
- L’usage sur piste envisageable avec un Superchargeur à proximité
- L’équilibre amusant en virages, malgré le poids et les pneus routiers
- Les performances élevées…

On regrette
- …mais qui régressent au fil des kilomètres
- Le maintien des sièges en virages
- L’endurance du freinage vraiment insuffisante sur piste