Dans la vie d’un journaliste-essayeur automobile, on alterne entre journées sympa et journées… inoubliables, comme celle passée avec les équipes de Toyota Gazoo Racing, en Espagne, dans un espace de 200 hectares baptisé « Nasser Camp ». En d’autres termes : l’une des propriétés du pilote qatari Nasser Al-Attiyah. Ce dernier a aménagé, littéralement dans son jardin, plusieurs pistes en terre tantôt pour étrenner son Hilux du Dakar, tantôt pour accueillir une GR Yaris préparée pour la compet’.
Avec cette petite teigne, nous croyions avoir tout fait :
- Un premier essai sur route tortueuse
- Un test au Nürburgring et sur autoroute non limitée
- Un match entre la GR Yaris Track et la Pack Premium
C’était sans compter sur les facétieux collègues espagnols et portugais, qui lancent la GR Yaris Iberian Cup en 2022. Au programme ? Une coupe organisée autour de neuf rallyes des championnats locaux, dont quatre manches se déroulent sur asphalte et cinq sur terre. L’équipement de l’auto diffère en fonction de la surface foulée (voir chapitre suivant) et, comme ce fut notre jour de chance, c’est la version terre que nous avons essayée…
De la GR Yaris à la GR Yaris Iberian Cup
Si la fiche technique de la GR Yaris de série fleure déjà bon le rallye avec son 1.6 turbo de 261 ch, sa transmission intégrale permanente, ses différentiels Torsen à l’avant et à l'arrière…, cette déclinaison de compétition reçoit des modifications dignes de ce nom. On trouve à bord : un arceau-cage, deux baquets et plus aucune garniture d’origine. Dehors : des rétros en fibre de carbone, des carters de protection et des roues plus petites pour la terre (15 pouces au lieu de 18), qui imposent des disques avant de moindre diamètre (297 mm au lieu de 356 mm). Sous la carrosserie : une barre anti-rapprochement entre les chapelles d’amortisseurs avant, un échappement en inox après le catalyseur d’origine et des amortisseurs spécifiques, non réglables mais secondés par trois types de ressorts au choix (dur, standard ou souple) pour chacune des surfaces.
Comme le moteur et le turbo, la boîte mécanique à six rapports reste de série, mais elle s’entoure d’un embrayage renforcé (bidisque en céramique) et de différentiels à glissement limité spécifiques (l’utilisation des autobloquants Torsen de la Yaris Track est prohibée). Les assistances à la conduite de type ABS et ESP sont naturellement désactivées, à l’inverse du système de double débrayage automatique au rétrogradage. Peut-être pour ne pas effrayer les plus jeunes pilotes, biberonnés à la boîte séquentielle depuis les simulateurs de conduite jusqu'aux autos de rallye modernes.
Au volant de la GR Yaris Iberian Cup
Harnaché dans un vrai siège baquet implanté au ras du sol, je ne reconnais pas grand-chose de ma GR Yaris préférée. La position de conduite est bien plus adaptée (fini l’assise haute de la voiture de route !), un afficheur numérique remplace les compteurs standard, et la tôle à nu fait résonner le petit trois-cylindres dans un vacarme bien éloigné de la bande-son artificielle du modèle de série. L’embrayage renforcé n’offre plus la progressivité de celui d'origine, mais la commande de boîte à débattements courts demeure.
À droite du levier de vitesses, on trouve la nouvelle « tige » du frein à main hydraulique, sans doute indispensable pour faire virevolter la GR Yaris Cup sur ce tourniquet d’essai long de 900 m et truffé d’épingles à cheveux. Pour ne pas effrayer mon surveillant de passager, je retarde l’action de cette manette magique et passe la première épingle à rythme convenu. « Gaz, gaz, gaz ! » hurle finalement mon copilote, mimant de sa main droite un pied écrasant le champignon. Il n’en fallait pas plus pour m'exécuter… et saisir immédiatement le sens de son conseil.
Naturellement sous-vireuse sur la terre si l’on se contente de tourner le volant, la GR Yaris Cup adopte à la réaccélération un jouissif tempérament de propulsion, permettant de sortir des virages en légère dérive, roues droites, dans une motricité totale. Très joueuse en milieu et sortie de virage donc, l’auto le devient aussi en entrée si on braque en conservant une légère pression sur la pédale de frein, voire en usant d’un petit appel/contre-appel aussi facile à déclencher qu’efficace dans les épingles les plus serrées. Au point de rendre le frein à main inutile, du moins sur terre, où provoquer une dérive sera toujours plus aisé que sur asphalte en pneus slicks.
Reste à bien anticiper les rétrogradages et à ne pas hésiter à reprendre la première dans les épingles les plus serrées, histoire de ne pas étouffer le petit trois-cylindres, toujours un peu éteint sous 3 000 tr/min. Après trois tours le petit manège prend déjà fin, mais la suite s’annonce plus jouissive encore.
En passager de la GR Yaris Cup
Pour l’atelier suivant, nous passons dans le baquet passager, à la droite d’un certain Pepe Lopez. Vainqueur junior de la 208 Rally Cup en 2016 et double champion d’Espagne des rallyes 2019 et 2020, le jeune Espagnol nous embarque sur une piste de 5 km, sinueuse et très cassante, qui permettra de sentir tout le potentiel de ce petit jouet. La première accélération en appui confirme la propension de la Yaris à enrouler du popotin, dont Pepe se servira tout au long de son joyeux run.
Malgré l'étroitesse du tracé serpentant entre falaise, ravin et pins adultes, le bougre fait voler la GR Yaris Cup sans trop soulager l’accélérateur, même en arrivant dans le « cassant », confirmant l’efficacité (et la résistance !) de la suspension spécifique. Le grip des pneus terre permet d’imprimer un rythme impressionnant, a fortiori depuis le baquet de droite, dont l'implantation au ras du sol fait arriver les virages presque par surprise (les copilotes, ces grands malades…). Et, puisqu’une courte vidéo vaut mieux qu’un long discours, voici les images embarquées de cette inoubliable session :
Bilan de l’essai GR Yaris Cup
Techniquement conçue pour briller sur les surfaces glissantes, la GR Yaris devient une formidable auto de rallye terre une fois préparée pour la compétition. Le plaisir de pilotage est décuplé par l’équilibre survireur à l’accélération, qui permet de survoler les courbes en légère dérive et de singer la « vraie » Yaris WRC Rally 1. Paradoxalement, la fiche technique de la GR Yaris Iberian Cup l’empêchera de caracoler en tête d’un rallye national, l’auto se montrant un peu lourde (1 300 kg minimum à vide ou 1 460 kg mini avec l’équipage et les outils) et dénuée de boîte séquentielle, désormais généralisée dans la plupart des catégories (relire notre essai Renault Clio Rally 4). Mais elle montre un plaisir de pilotage bien supérieur sur la terre, pour un prix somme toute raisonnable dans l’onéreuse planète rallystique : à 65 800 € hors taxes, la GR Yaris Iberian Cup coûte 10 000 € de moins que la française culminant à 230 ch et deux roues motrices. Sans oublier les jolies primes d’arrivée offertes dans la coupe espagnole et portugaise… On veut la même en France !


Fiche technique GR Yaris Iberian Cup
- Moteur : 3 cylindres turbo, 1 618 cm3
- Puissance : 261 ch à 6 500 tr/min
- Couple : 360 Nm de 3 000 à 4 000 tr/min
- Boîte : mécanique à 6 rapports
- Transmission : intégrale permanente
- Différentiels : à glissement limité AV et AR
- Pneus : 20-65/18 (asphalte), 17-65/15 (terre)
- Freins AV : disques ventilés (356 mm sur asphalte, 297 mm sur terre), plaquettes Pagid RST5 (RST3 autorisées sur terre)
- Freins AR : disques ventilés 297 mm, plaquettes Pagid RST5 (RST3 autorisées sur terre)
- Poids : 1 300 kg minimum
Primes d'arrivée TGR Yaris Iberian Cup 2022
Par rallye :
- 1re place : 7 500 € (+ 1 000 € si le pilote a moins de 24 ans)
- 2e place : 6 000 €
- 3e place : 5 000 €
- 4e place : 3 000 €
- 5e place : 2 000 €
- 6e place : 1 000 €
- 7e place : 750 €
- 8e place : 500 €
- 9e place : 500 €
- 10e place : 500 €
Au classement général en fin de saison :
- 1re place : 25 000 €
- 2e place : 12 000 €
- 3e place : 9 000 €