Essai Toyota GR Yaris "Track" (2021) : jouet club
Comme sa marque l'indique une fois raccourcie, cette Toy est un jouet. Un gros jouet. Dont l'arrivée en vente libre étonne autant que sa réalisation séduit. Vivement Noël.
Avec sa nouvelle GR Yaris ici à l'essai, Toyota éclabousse la concurrence.
Adrien Cortesi
TOYOTA Yaris Track
- - Moteur : Essence
- - Puissance: 261 ch
- - Lancement : Novembre 2020
- - A partir de 37 600 €
- - 6039 € de malus.
- Voir la fiche technique
La Toyota GR Yaris n’est pas une sportive. C’est une licorne automobile. Jugez plutôt : 261 ch extraits d’un 3-cylindres 100 % thermique, quatre roues motrices permanentes, une plateforme de Yaris à l’avant, de C-HR à l’arrière, un pavillon abaissé en carbone, des ouvrants et des ailes en alu, pas une pièce de carrosserie commune avec la Yaris à cinq portes hormis quatre optiques et deux rétros, ou ce qui ressemble à un délire de préparateur qui ne sait plus quoi faire de son temps.

C’est pourtant Toyota, chantre de l’hybride, qui propose cette furie en vente libre sous prétexte d’homologuer sa prochaine Yaris WRC en compétition (en fait, la Yaris hybride à trois portes commercialisée au Japon suffisait). Une démarche encore plus miraculeuse quand on sait que cette « nouvelle » Yaris WRC n’existera probablement… jamais, car la crise sanitaire et la future réglementation sportive des rallyes 2022 (qui n’imposera plus d'être aussi proche d'une auto de série, techniquement) ne l’aurait fait courir qu’une seule saison en l'état. C’est dire l’improbable alignement de planètes qui a enfanté cette GR Yaris de route et, par ricochet, notre excitation à quelques instants d’en prendre son volant.
Versions et prix GR Yaris
Notre premier essai de GR Yaris concerne sa version Track à 37 600 €, qui diffère de la pack Premium vendue 2 000 € moins chère (voir notre match GR Yaris Track vs Premium). Ici, point d’affichage tête haute, de GPS intégré, de système audio JBL ou de radars en tous genre (stationnement, angles morts…), mais une suspension affermie, des différentiels Torsen à l’avant et à l’arrière, et quatre jantes forgées plus légères (enrobées de Michelin Pilot Sport 4S en lieu et place des Dunlop SP Sport Maxx). Les deux finitions se partagent deux beaux sièges baquets, un système de double débrayage automatique désactivable et surtout, une inédite transmission intégrale GR-Four, à embrayage multidisque piloté électroniquement.
En mode normal, le système envoie 60 % du couple vers l’essieu avant et 40 % vers l’arrière. La répartition évolue à 50/50 en mode Track, puis à 30/70 en mode Sport grâce à un rapport de pont plus long à l’arrière qui reçoit alors davantage de couple. Futé. En revanche, pas de différentiel arrière piloté capable d’accélérer la roue extérieure, et encore moins de mode « Drift » à la mode sur les GTI de segment supérieur (Mercedes-AMG A 45 S, future VW Golf 8 R…) : la GR Yaris reste brute de décoffrage, à l’image de sa boîte mécanique à six rapports imposée. En route, vite !
Au volant
En GR Yaris, 100 mètres suffisent pour comprendre qu’il se passe un truc rare. Agréable fermeté des commandes, jolie réactivité de l’accélérateur, extrême mordant du freinage : tout invite à hausser le rythme d’emblée, et à brusquer ce petit levier de vitesses surélevé, aux débattements courts, aux verrouillages précis. Ce qui tombe à pic, car on le manipule plutôt deux fois qu’une vu les montées en régime « éclairs » du caractériel 3-cylindres. Méchant dès 2 500 tr/min. Violent à 3 500. Et ne relâchant pas la pression jusqu’à 7 000 même si, rassasié ou paniqué, le passager derrière le volant (c’est une image) préfère passer le rapport supérieur dès 6 000 et ressentir à nouveau le coup de boutoir.

En ligne droite donc, la Yaris enchante déjà, et semble cracher plus que sa puissance grâce à un combo gagnant : une motricité sans faille, un poids réduit pour une 4x4 (1 280 kg, c’est 300 de moins qu’une Ford Focus RS), et des rapports courts rafraichissants à l’heure où tous s’allongent à outrance pour réduire les émissions de CO2. Tant pis pour le malus (8 000 € à régler dès le 1er janvier), tant mieux pour les sensations à l’ancienne.
La seconde réjouissance ne tarde pas à venir quand, au premier virage, la Yaris plonge vers la corde comme attirée par un aimant (je sais, ce n’est pas possible, surtout avec tous ces éléments en alu). Le duo direction directe/train avant incisif n’y est pas étranger, pas plus que la belle réactivité du train arrière au transfert de masses qui, là encore, rappelle des plaisirs enfuis.
Du léger déhanchement lorsqu’on soulage l’accélérateur… à la franche dérive en arrivant sur les freins, la GR Yaris prouve sa filiation avec sa majesté WRC en enroulant les épingles comme dans les jeux vidéo. Reste à finir le travail, en écrasant l’accélérateur au plancher quand l’auto a pris de l’angle pour sortir du virage roues droites, en légère dérive, façon Sebastien Ogier sur sa Toyota éponyme. Sur le sec, l’astuce fonctionne quel que soit le mode de conduite retenu et, honnêtement, les différences de répartition du couple ne sautent pas aux yeux quand le grip est élevé.
Cette jouissive attitude de « toupie » s’érode un peu si l’on en abuse, car la montée en température des pneus (les arrières accrochent une fois chauds, les avants décrochent une fois trop chauds) rendent l’auto de plus en plus sous-vireuse au fil des passages. Comme un diablotin remettant une pièce dans la machine, la GR Yaris offre alors une ultime possibilité aux amateurs de passages « par les portières » : le frein à main. Relié à de petits tambours dédiés qui le rendent particulièrement mordant, il désaccouple automatiquement le pont arrière pour éviter de bloquer les quatre roues, comme sur une vraie auto de rallye. Pincez-moi, je rêve !
Une fois repu de sa conduite de goret, le conducteur ne se lasse même pas de la suspension, ferme mais jamais sujette aux « coups de raquettes », de l’insonorisation, acceptable (la sonorité du moteur, plus rauque que mélodieuse, n’est amplifiée via les haut-parleurs qu’à l’accélération), ou de la tenue de cap, préservée sur autoroute. On peut même y actionner le régulateur de vitesse adaptatif et l'aide au centrage dans la voie livrés de série, pour se sentir téléguidé comme dans une Toyota Camry.

Certes loin du confort ouaté d’une routière, la GR Yaris n’a donc rien d’un supplice sur longue étape où l’on cherche quels défauts lui trouver, histoire de contrebalancer notre article dithyrambique (je les aurais volontiers tus en échange d’une ristourne mais ici, pas de partenariat rémunéré hélas). En retrouvant un zeste d’objectivité : la commande de boîte est un peu lente ; le système de double-débrayage automatique, pas aussi rapide qu’attendu ; l’éclairage, moyen de nuit sur petites routes reculées. Avec ses ailes extra-larges et son museau carnassier cela dit, on verrait bien une grosse rampe de phares greffée sur le petit capot de cette "rallycar" de route. Punaise. Quel engin.
La GR Yaris en détails







Et la concurrence ?
Une Audi S1 non reconduite, une Ford Fiesta ST sympathique mais au positionnement bien inférieur (200 ch, traction, prix à partir de 26 750 €), des compactes sportives à transmission intégrale bien plus puissantes et onéreuses (Audi S3 310 ch à 62 600 € et Mercedes-AMG A 45 S 421 ch à 85 400 €, malus 2021 compris) : non, la Yaris "Gazoo Racing" n'a pas de rivale directe... et c'est aussi ce qui la rend indispensable.
Bilan de l'essai Toyota GR Yaris
Avec sa GR Yaris, Toyota rend aux puristes ce que les normes européennes (et les constructeurs obsédés par la rentabilité maximale) leur avaient volé : une carrosserie à trois portes, un moteur rageur, une boîte mécanique étagée « court », une transmission intégrale aussi efficace que facétieuse. Sans doute la plus belle surprise de la décennie avec l’Alpine A110, qui partage avec la Toy’ ce curieux paradoxe : s’inspirer d’anciennes recettes pour faire partie des meilleures sportives contemporaines. Pourvu que ça dure.

On aime
- Le tempérament mécanique
- Le châssis efficace ET rigolo
- Le tarif plutôt raisonnable…
On regrette
- …hélas douché par le malus 2021 (8 000 €)
- L’éclairage moyen de nuit
- On a quand même dû la rendre