Fin du thermique en Europe en 2035. Pourquoi la mesure a du plomb dans l’aile
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Fin du thermique en Europe en 2035. Pourquoi la mesure a du plomb dans l’aile

Après l’opposition de dernière minute de l’Allemagne, qui veut laisser une place aux carburants de synthèse, le vote final du texte visant à interdire la vente de véhicules thermiques neufs en 2035 a été reporté. L’argus fait le point sur ce qui pourrait se passer désormais. 

Publié le Mis à jour le

Le moteur thermique n'est pas encore enterré. Le vote qui prévoyait son interdiction de vente en neuf en Europe en 2035 a été reporté à la suite d'un risque d'abstention de l'Allemagne.

Adrien Cortesi

Le moteur thermique n’a peut-être pas dit son dernier mot. Au départ, le texte visant à interdire la vente en neuf de ce type de mécaniques à l’horizon 2035 en Europe semblait pourtant sur de bons rails. Mais le vote final de cette mesure, qui devait avoir lieu le 28 février lors d’une réunion des ministres à Bruxelles, a été remis à une date ultérieure. Un choix justifié par l’abstention annoncée de l’Allemagne, qui refuse d’entériner cette décision si elle ne comporte pas une ouverture suffisamment claire pour les carburants de synthèse. 

Nous avons toujours dit clairement que la Commission européenne devait présenter une proposition sur la manière dont les carburants synthétiques pourraient être utilisés dans les moteurs à combustion après 2035 (...). Ce qui manque maintenant, c'est la réalisation de cet engagement, a justifié le ministre allemand des Transports, Volker Wissing. 

Le fait que Porsche soit aujourd’hui l’un des constructeurs les plus en pointe sur cette solution technologique n'est pas étranger à ce revirement. La marque allemande a récemment ouvert une usine-pilote au Chili pour produire de l’essence sans utiliser des produits pétroliers, en partenariat avec des entreprises comme Siemens ou ExxonMobile. Elle profite du climat très venteux de cette région du monde et de sa faible densité de population pour fabriquer du carburant de synthèse de manière « climatiquement neutre ». Pour l’instant réservés à des expérimentations en compétition, les barils obtenus pourraient permettre, à terme, de garder un moteur thermique dans certains véhicules de route. 

L'Allemagne et l'Italie défendent leurs constructeurs

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Porsche a commencé récemment la production expérimentale d'un carburant de synthèse au Chili, mais son utilisation est pour le moment réservée à la compétition.

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Même si Ferrari prévoit de lancer sa première sportive électrique d'ici à 2025, la fin du thermique demeure une menace pour l'attractivité des modèles de la marque italienne.

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Cette probable abstention de l’Allemagne n’aurait pas forcément permis au texte d’obtenir la « majorité qualifié » nécessaire. Dans ce cas, pour qu’une proposition soit approuvée, il faut que 55 % des États membres expriment un vote favorable et qu'ils représentent au moins 65 % de la population de l’Union européenne. Nos voisins d’outre-Rhin, avec leurs 83 millions d’habitants, ont donc un poids bien plus important que Malte et ses 500 000 habitants environ. Sachant qu’une abstention est considérée comme un vote négatif, l’interdiction du thermique partait ainsi avec un sérieux handicap.
Les ventes étaient d’autant plus contraires que l’Italie, forte de 59 millions d’habitants, a aussi exprimé une opposition de longue date à cette mesure. La terre de Ferrari et de Lamborghini ne se résigne pas non plus à abandonner le thermique, qui pourrait priver ces marques sportives d’un de leurs principaux arguments de vente. D’après Xavier Horent, délégué général de Mobilians, l’organisme qui représente la filière automobile en France, la Pologne serait également dans le clan des opposants au texte, alors que la Bulgarie aurait choisi l’abstention. En revanche, la France ne semblait pas décidée à intégrer ce petit cercle, même si elle tient à soutenir son industrie automobile. Clément Beaune, le ministre français chargé des transports, a d'ailleurs appelé son homologue allemand pour l'inciter à revoir sa position. Lors d'une émission matinale de la chaîne LCI, il a déclaré qu'il faut « garder cet objectif [NDLR : d'interdire les ventes de véhicules thermiques en 2035]. Il est très important, y compris pour nos industriels, en France, en Allemagne ».

Des carburants synthétiques aux ambitions limitées

Ce report du vote a créé la surprise. Mais que les allergiques à une conversion accélérée au 100 % électrique ne se réjouissent pas trop vite. De nombreux constructeurs ont déjà annoncé qu’ils renonceraient au moteur à combustion bien avant la date envisagée par l’Union européenne, dès 2030 ou même encore avant. C’est le cas notamment du groupe Stellantis, qui regroupe Peugeot, Citroën, DS, Opel ou encore Fiat. Même des labels sportifs comme Alfa Romeo ou Maserati se sont fixé un tel objectif. Plus que la législation, ce sont donc le manque d’intérêt des acheteurs ou des contraintes extérieures, comme une potentielle pénurie de batteries, qui pourraient infléchir leur décision. La norme Euro 7, prévue pour l'été 2025, risque en outre de compliquer la vie des véhicules essence et diesel en renchérissant le coût de leur dépollution.

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Porsche a toujours été récalcitrant à l'idée de priver la 911 de son fameux six-cylindres à plat, qui constitue l'une des signatures de cette sportive mythique.

Porsche

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Tout le groupe Stellantis a annoncé son intention de devenir 100 % électrique en Europe en 2030, soit cinq ans avant le planning prévu par le texte de l'Union européenne.

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Du côté de Porsche, les carburants de synthèse n’ont pas non plus vocation à inonder le marché. Très onéreux et complexes à industrialiser, ils sont pour l’instant réservés à des expérimentations en compétition et ne pourront pas se substituer intégralement aux produits pétroliers. L’idée est plutôt de sauvegarder le thermique dans quelques modèles de niche, à commencer par l'emblématique 911. D’ailleurs, la marque pense aussi que les véhicules 100 % électriques à batterie représenteront près de 90 % de ses ventes dès 2030, et sans doute encore davantage à l’horizon 2035.

Une situation qui pourrait se débloquer

Même si la situation demeure complexe, elle est sans doute moins bloquée qu’il n’y paraît. D’après Mobilians, l’Allemagne demande surtout à la Commission européenne de proposer « une législation supplémentaire pour encourager ces carburants de synthèse dans le transport routier. » Des négociations seraient également en cours concernant un autre texte sur les infrastructures pour carburants alternatifs. Si le blocage venait à se prolonger, la procédure prévoit que le Parlement européen et le Conseil, qui regroupe les ministres, renégocient ensemble sur la base du dernier accord établi en octobre 2022. Un accord qui prévoyait notamment un principe de « neutralité technologique » pour éviter de trop favoriser une solution au détriment des autres, ainsi que des délais supplémentaires pour les constructeurs qui produisent moins de 10 000 véhicules par an.

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Si le Conseil européen des ministres bloque le vote du texte, il devra reprendre les négociations avec le Parlement sur la base de l'accord signé en octobre 2022, qui intégrait déjà quelques concessions.

Parlement européen

L’idée d’une clause de revoyure en 2026 figurait également dans le texte, pour permettre de vérifier que l’objectif de réduire de 100 % les émissions de CO2 d’ici à 2035 soit bien réaliste. C’est d’ailleurs un rendez-vous dont certains acteurs ont souligné l’importance, à l’image de Clément Beaune, le ministre français chargé des transports, et de Thierry Breton, ex-ministre de l’Économie français, aujourd’hui commissaire européen chargé du marché intérieur. D’autres concessions du même style pourraient aider à obtenir un consensus… quitte à vider le texte d’une partie de son pouvoir contraignant, au grand dam de certains associations écolologistes qui jugent les carburants de synthèse beaucoup moins « propres » que le 100 % électrique à batteries.

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Cromwel Le 11/03/2023 - 11:28
L'idée de concevoir et produire du carburant de synthèse n'est pas nouvelle, les Allemands l'avaient fait durant la seconde guerre mondiale avec le procédé Fischer-Tropsch. Que Porsche décide de produire son propre carburant de synthèse en partenariat avec ExxonMobil, en misant sur l'énergie éolienne pour extraire de l'hydrogène me faite penser à notre formidable marque Solex, spécialisée dans la carburation des moteurs thermiques et qui s'était lancée dans la production de "Solexine" en partenariat avec British Petroleum pour alimenter ses fameux Vélos SOLEX ! Certes, l'époque et les enjeux ne sont pas les mêmes, mais la position de Porsche a le mérite d'avoir influé sur l'abstention de l'Allemagne au niveau du Conseil européen pour entériner l'arrêt de la vente des véhicules thermiques en 2035. La France n'a visiblement pas l'intention de s'y opposer vu son engagement dans la transition écologique à marche forcée et l'abdication du groupe Stellantis qui devancera l'échéance...de cinq ans, en 2030!
Yves Ferrer Le 08/03/2023 - 10:28
L'engouement de bien des gouvernements européens pour les VEs était largement provoqué par le cycle électoral qui continue vers une grand convergence calendaire. Les politiciens de tous polis détestent rester 'en arrière' lorsqu'une 'bonne idée' pointe le nez, ergo, ils enfoncent les portes pour figurer 'en tête' du peloton! Il s'ensuit souvent que le rétro-pédalage soit difficile à faire passer mais ces politiciens connaisent bien leur métier: ils peuvent affirmes sans vergogne tout et son contraire! Bof! Un changement se produira dans nos habitudes de transport, la seule inconnue est à quel rythme? Comme disent nos chers anglicistes: 'the rate of entropy'!
Rickmat Le 08/03/2023 - 10:14
Encore des délires de khmers verts, la neutralité carbone n'existera jamais tant que nous consommerons et oui l'humain consomme il est même prié de consommer, donc il faut arrêter ces délires de bobos écolos. Quel serait notre impact sur les pollutions à l'échelon mondial même si demain nous sommes à zéro émission en Europe, car seule l'Europe et un état des états Unis sont prêts pour le moment à faire rouler les véhicules au tout électrique quand plus de 97% des autres pays n'ont aucune intention de changer leur mode de vie ou de circuler, quand 60000 cargos parcourent les mers pour amener les produits fabriqués par des multinationales en Asie pour toujours plus d'enrichissement, que je ne sais combien de paquebots et d'avions promènent ces mêmes bobos en vacances sur les océans ou dans les airs, les bateaux et les avions pollueraient ils moins ?? Alors il serait grand temp de reprendre la raison et faire un mix de tout cela trouver de vraies solutions au lieu d'imposer des idéologies pour faire de la communication qui derrière sert à faire n'importe quoi et n'a que très peu d'effet en actes. Ce qui pollue ce n'est pas temps l'auto mais ce que l'on met dedans pour qu'elle roule, essence, gasoil, pneus et en Europe je ne crois pas que nous aillons les autos les plus polluantes du monde. Ensuite passer au tout électrique puis envoyer nos anciennes autos en Afrique où elles continueront de rouler, ce n'est pas faire de l'écologie mais juste déplacer la pollution. Vieilles voitures qui roulent ailleurs qu'en Europe, extractions des minerais pour le lithium pour les voitures électriques par des enfants de 10 à 12 ans qu'elle belle avancée technologique et résultat de la pollution mais ailleurs qu'en Europe...... Donc ce n'est plus de l'écologie c'est juste essayer de se donner bonne conscience sans voir plus loin que le bout de son nez. La solution n'est pas unique, elle est multiple et demande du bon sens, certainement aussi quelques sacrifices mais pas uniquement au ruraux, aux gens qui ont des petits moyens et des revenus faibles c'est l'affaire aussi des plus aisés qui voyagent plusieurs fois par an en avion en ferry, des plus riches qui roulent avec de grosses autos polluantes mais bizarrement étiquettées crit'air 1, qui voyagent en jets privés, qui exploitent des usines hyper-polluantes à peine entretenue pour pouvoir verser plus de dividendes aux actionnaires, qui délocalisent les productions pour toujours plus de bénéfices ce qui fait que de nos jours chaque objet produit fait des milliers de kilomètres en cargo, camion avant d'arriver chez nous pour de soit disant prix plus bas. Il faut arrêter l'hypocrisie et remettre l'église au centre du village sans oublier que pour moins polluer il faut d'abord mieux et moins consommer. Nos anciens ne parlaient pas tant d'écologie mais eux en faisaient......
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