La rage au ventre
A la Peugeot 206 S16, Fiat oppose une Punto HGT survoltée. Preuve que, si les petites sportives ne s'appellent plus GTi, elles ont encore la soupape fiévreuse.
La catégorie des petites voitures se porte bien. Saxo, 206, Clio, Fiesta, Polo, Punto, et autres modèles de gabarit comparable, jouent des coudes sur un marché où les citadines s'épanouissent largement. Une popularité d'ailleurs justifiée : volontiers routières, elles accordent une certaine priorité aux aspects pratiques de la vie en automobile.
Cette famille va toutefois au-delà du transport touristique et quotidien. Quelques versions versent dans un genre très sportif qui stimule toute la gamme et propose aux conducteurs enthousiastes un agrément d'utilisation vraiment récréatif. Une sorte de prolongement de la mode des GTi qui a marqué les années 80. Si le nom de GTi a perdu de sa notoriété, les petites rageuses sont toujours au rendez-vous. Les versions 16V, 16S ou Sport fleurissent sur les catalogues avec des puissances proches à 130 ch, voire supérieures.
La 206 attire le regard et fait chavirer les coeurs. Ses phares lui donnent un petit air asiatique, et le dessin de la carrosserie élabore une voiture compacte mais charpentée. Chaussée de pneus larges à taille basse, la version la plus musclée de la gamme évoque l'agilité d'une voiture nerveuse et le sérieux d'une automobile bien construite. L'appellation S16 est devenue un label technique et commercial que Peugeot utilise à bon escient sur quelques modèles de pointe, comme la 306 S16. Héritière de l'ancienne 205 GTi, la 206 S16 est donc le fer de lance d'une tradition.
La dernière génération de Punto exploite un ensemble homogène de motorisations. Elle progresse très sensiblement en matière de confort et d'équipement. Cela étant, les ingénieurs italiens caressent eux aussi des ambitions sportives qu'ils matérialisent dans une version HGT survitaminée. Cette autre petite bombe sur roues se donne les moyens de venir rivaliser avec la 206 S16 sur son terrain.
Mécanique
Le moteur de 2 l Peugeot a pour lui l'amplitude de son architecture et de ses dimensions. L'excellente valeur de son couple maximal traduit l'homogénéité de sa mise au point. Cette mécanique généreuse possède de la vitalité sur une plage importante de régime. Le bon étagement de la boîte de vitesses assure le relais sans temps mort ni perte d'accélération. Le potentiel de vitesse est parfaitement suffisant pour nos autoroutes brimées, la progressivité des reprises est également un gage d'obéissance, et les effets sonores épargnent à l'engin d'être montré du doigt, du moins tant qu'on tire raisonnablement sur les cinq rapports. Une puissance autoritaire, mais facile.
Fiat, par atavisme ou par orgueil, a conçu un véhicule amusant, brillant, indiscutablement plus latin et, il faut le dire, plus tapageur. Les variations du compte-tours sont un régal pour les amateurs. Elles risquent cependant de perturber le sommeil de quelques villages...
Menée tambour battant, la Punto HGT s'entend de loin, et elle n'est pas de tout repos pour ses passagers. La cylindrée porte, certes, sa part de responsabilité dans une course aux performances qui permet à la voiture italienne de taquiner étroitement son adversaire.
Quoi qu'il en soit, la Punto HGT se flatte, elle aussi, d'un bon échelonnement des rapports de démultiplication et d'un système d'injection efficace. Il convient de saluer le travail accompli sur le collecteur d'admission à géométrie variable et le calage évolutif de la distribution du moteur 1.8 16V commun à la Punto, à la Barchetta et au Coupé Fiat.
Dans cette querelle de sentiments, les deux voitures ont chacune un mode d'expression. La Fiat est plus jeune, un peu plus pointue, un peu plus gourmande. En dépit d'une commande de boîte occasionnellement rugueuse, la Peugeot semble plus mûre, discrète et patiente. Aucune n'a cependant un réservoir de carburant digne de ses capacités routières.
Châssis
Deux engins turbulents comme la Punto HGT et la 206 S16 font obligatoirement le sacrifice d'un confort douillet au profit de la meilleure tenue de route possible. Les pneus, par exemple, de dimensions identiques, sont trop durs pour effacer toutes les inégalités du revêtement. A cet égard, il faut accepter quelques secousses à vitesse modérée et tolérer une suspension qui talonne occasionnellement à rythme élevé. La française se révèle assez ferme sur toute sa gamme de performances, alors que l'italienne, apparemment plus souple au petit trot, devient beaucoup plus agitée au grand galop.
Malgré des poids à vide sensiblement équivalent, les réactions des deux voitures sont assez typées et traduisent quelques différences de comportement. La 206 vire à plat, se lance sans folie dans les appuis, très saine sur la corde des virages et très résistante aux traîtrises de la force centrifuge. Aucun dispositif de contrôle de comportement ou antipatinage ne l'aide pourtant à se maintenir sur le pavé. Mais le point de rupture doit être, vraisemblablement, assez brutal. Toutefois, les freins sont stables, et ils semblent d'une fidélité sans défaillance. La direction, quant à elle, fait « corps » avec la trajectoire et guide instinctivement les efforts nécessaires au volant.
Plus dissipée, la Punto est un régal de maniabilité. Son apparente légèreté tient à sa suspension, son caractère est rythmé par ses élans sonores. Mais on peut la brusquer, la jeter dans les courbes et la remettre en ligne sans mouvements exagérément parasites, sinon un léger roulis qui donne sans doute l'impression qu'on mène un train d'enfer. Les freins travaillent eux aussi en puissance quelle que soit la vitesse et, à défaut d'une parfaite progressivité, ils sont exempts de faiblesses.
Parallèlement, le constructeur a voulu donner du relief à son modèle de grande diffusion. L'assistance électrique de direction à double programmation (ville et route), en série sur toute la gamme, s'harmonise parfaitement avec une version comme la HGT. Enfin, l'antipatinage TCS filtre le couple aux roues motrices d'une voiture vive au démarrage, une action secourable lorsqu'il pleut ou lorsqu'il neige.
- Vie à bord
Les petites sportives ne sont, par essence, que des compléments de la vie familiale ou des voitures de célibataires. Leur habitabilité aux places arrière et leur coffre passent au second plan, mais on exige généralement de bons sièges. La largeur aux coudes, l'impression d'espace, la visibilité dans les différents rétroviseurs et la place disponible aux genoux des passagers arrière donnent néanmoins un léger avantage à la 206 sur la Punto. Cette supériorité est encore plus nette en ce qui concerne le nombre et la taille des rangements, l'importance des bacs de portière étant remarquable.
Plus sombre et moins originale que sa rivale, la Peugeot se veut rigoureuse et logique. Seul brin de fantaisie, les éléments métalliques du pédalier sport ou du pommeau de levier de vitesse. Ses cadrans sont sympathiques, dépouillés de toute graduation superflue, et particulièrement lisibles.
En face, la Punto cultive la gaieté dans la sobriété. L'instrumentation est assez classique, mais la console centrale façon « alu » rappelle vaguement le charme des modèles anciens. Les tissus clairs de la Punto confèrent une atmosphère souriante, alors que le mélange de tressé, de cuir et de daim synthétique de la 206 forme un habitacle avec beaucoup de chic.
Chacune à leur manière, les deux marques ont donc introduit une note sportive dans l'habillage intérieur. La présentation de ces deux modèles démontre en tout cas que les constructeurs français et italien ont fait de gros progrès en qualité de fabrication.
Dans l'esprit d'aujourd'hui, une excellente mécanique n'est pas le seul argument d'une petite sportive.
- Equipement
La plupart des voitures de petite pointure disposent désormais de l'ABS et des deux sacs gonflables, avec, le plus souvent, une option pour les coussins latéraux. Des aménagements somme toute logiques en ce qui concerne des sportives.
La 206 16S et la Punto sont toutes deux accueillantes envers les passagers avant, à qui elles proposent la radio, les vitres et les rétroviseurs électriques, les appuis-tête, les deux lecteurs de cartes et les deux miroirs de courtoisie. Les ceintures, le volant et le siège du conducteur sont réglables en hauteur.
La Punto se préoccupe du confort et de la sécurité des passagers arrière. Elle seule est équipée de trois ceintures à trois points et de trois appuis-tête.
Les deux adversaires se retrouvent à égalité au chapitre de la fonctionnalité : sur la 206 comme sur la Punto, on peut transformer le coffre selon le mode 2/3 1/3, les vitres latérales arrière s'ouvrent par entrebâillement, le hayon reçoit un essuie-glace, l'éclairage comprend des optiques doubles, un réglage de portée des phares et des projecteurs antibrouillard.
En revanche, la voiture italienne prend une longueur d'avance grâce à son système antipatinage TCS et à sa direction électrique à assistance variable assortie des modes de sélection « ville » et « route ».
La Peugeot réplique avec une climatisation automatique, l'air conditionné de la Punto restant plus classique.
Quant aux roues de secours, elles sont dans les deux cas d'utilisation provisoire, tantôt placées au fond du coffre (Punto), tantôt à l'extérieur, sous le plancher arrière (206).
- Bilan
D'ordinaire, on s'attend à trouver chez Fiat des prix défiant toute concurrence. Cette fois, Peugeot l'emporte de 1 000 F, somme symbolique mais propre à stimuler la vigueur commerciale de cette version. Plus enthousiaste, la Punto est elle aussi fort convaincante.
Ces deux voitures s'attaquent de front. Elles gagneront probablement le coeur de leurs admirateurs à l'aide de moyens subjectifs : esthétique, tempérament du moteur, maniabilité. La 206 S16 est un engin terriblement efficace, une sportive élégante et généreuse, complice de la route. Ce petit fauve sommeille ou se déchaîne selon le rythme qu'on lui impose. A bord de la Punto HGT, on est tenté de faire bondir le compte-tours sans délai et de saisir le volant à pleines mains. Cette italienne a le sang suffisamment chaud pour faire bouillir le nôtre.
La conduite molle n'est pas une fatalité. Deux paquets de nerfs griffés Fiat et Peugeot nous prouvent le contraire.