Les flops de l’année 2022
Du prix des voitures à la multiplication des radars en passant par l’inadéquation entre l’électrification à marche forcée et son accompagnement pour les automobilistes, retour sur les points noirs de l’année automobile 2022.
L'argus dresse sa liste des flops de l'année 2022.
L'argus
Que l’on parle d’écologie, de politique ou d’économie, l’automobile est au cœur des grands phénomènes qui transforment le monde. Elle est aussi au centre de la vie de bien des individus. Or l’année 2022 pourrait avoir été celle du schisme entre ce que l’on attend d’elle et ce qu’elle propose.
L’automobile pour tous, c’est fini
- Des voitures toujours plus chères
L’accès à l’automobile devient de moins en moins aisé. Aux interruptions de production dues à la pandémie ont succédé les perturbations d’approvisionnement engendrées par la guerre en Ukraine, sur fond de pénurie de semi-conducteurs qui dure. Des matières premières viennent à manquer en sus. Les cadences d’assemblage s’en trouvent fortement ralenties, ce qui rend les voitures rares et chères, y compris en occasion récente, solution de repli face à des délais de livraison supérieurs à la normale en neuf. En outre, les constructeurs doivent rapidement électrifier leurs gammes pour suivre la réglementation. Or les chaînes de traction hybrides ou électriques coûtent cher, ce qui est également le cas des systèmes de dépollution destinés aux thermiques. De quoi faire encore grimper le prix des voitures. À ce coût s’ajoute en France, pour un nombre croissant de modèles, un malus écologique portant sur leurs émissions de CO2 et dont les montants ont augmenté pour plafonner à 40 000 €. Enfin, dans la limite de ces 40 000 € ou 50 % du prix, s’ajoute encore le malus au poids introduit en 2022.
- Un usage plus coûteux
Autre conséquence de l’offensive russe en Ukraine : le coût du carburant a flambé. Cette hausse tempérée en 2022 par les ristournes du Gouvernement et de TotalEnergies se ressent d’autant plus maintenant que ces aides n’ont plus cours. Rappelons aussi qu'en février dernier le prix des péages avait augmenté de 2 % environ.
- Une utilisation plus restreinte
Comme si cela ne suffisait pas, les ZFE se font plus nombreuses et plus restrictives en France. Ces zones interdisent l’accès de certains centres-ville aux automobilistes qui possèdent un véhicule trop ancien pour y être admis mais qui n’ont pas les moyens de le remplacer par un plus récent. Or les alternatives ne suivent pas, comme en témoigne l’annonce en décembre 2022 d’un retard dans la construction du métro périphérique Grand Paris Express, qui ne sera pas terminé en 2030 comme prévu.
Le réseau de recharge public à la traîne
Quand bien même une voiture électrique ou hybride rechargeable correspondrait à ses moyens et à ses besoins, encore faut-il pouvoir la recharger. Parmi les propriétaires d’autos « zéro émission » résidant en maison individuelle, 90 % chargent à domicile. Mais il en va autrement pour ceux qui habitent en immeuble (54 %). D’où la nécessité urgente de déployer le réseau d’infrastructures publiques. Or le « plan 100 000 bornes » annoncé par le Gouvernement en 2020 pour fin 2021 a dépassé l’année de retard. Au 30 novembre 2022 (derniers chiffres officiels), on dénombrait 77 318 points de charge publics en France. Cela représente 51 % de plus qu’un an auparavant. Dans le même laps de temps, le nombre de véhicules électriques et hybrides rechargeables en circulation en France a crû de plus de 30 % pour atteindre 1,06 million d’unités.
Mondial de Paris 2022, le pétard mouillé
- Une exposition avec trop peu d’exposants
Quelle désillusion que le Mondial de Paris 2022, qui devait symboliser le retour des grands Salons ! De très nombreux constructeurs ont fait l’impasse, et certaines des marques chinoises qui y étaient présentes en force ne commercialisent pas encore leurs véhicules dans nos contrées. Mention spéciale pour Citroën, absent sur ses terres alors que son concept Oli fut dévoilé quelques jours avant l’ouverture du Mondial. Par ailleurs, les 100 véhicules annoncés pour le centre d’essais étaient finalement 14, dont 10 badgés BYD, et les animations peu nombreuses.
- Un Salon trop cher
Trop onéreux pour la plupart des exposants habituels, le Salon l’était aussi pour les visiteurs avec un ticket « journée » facturé 30 € (billet « séance » sur plage horaire définie à 16 €).
- Une fréquentation en demi-teinte
Tout n’était pas à jeter au Mondial 2022, et l’on peut notamment saluer l’engagement du groupe Renault avec ses différentes marques. Les commandes ont d’ailleurs été « satisfaisantes » pour le groupe au losange selon ses dires, comme chez Peugeot qui présentait la 408 au public et annonce avoir dépassé son objectif de ventes. De jeunes constructeurs ont aussi profité du vide pour se faire connaître. Mais cela a juste suffi à s’approcher de l’objectif très raisonnable de 400 000 visiteurs que s’étaient fixé les organisateurs.
Des radars plus nombreux mais pas plus efficaces
- L'appel au privé pour plus de PV
Mi-2021, la Cour des comptes signalait dans un rapport que les investissements coûteux dans les radars devenaient de moins en moins justifiables, les chiffres d’accidentologie évoluant sur un plateau depuis 2013 alors que les appareils ne cessaient de se multiplier. Qu’à cela ne tienne, l’année 2022 allait être celle de l’ajout d’environ 300 radars pour s’approcher du plafond des 4 700 unités, sans compter le remplacement d’appareils anciens par des modèles plus performants. En parallèle, les forces de l’ordre ont confié le volant de la moitié de leurs voitures-radars à des sociétés privées, avec à la clé des durées d’action plus importantes. À noter que 96 % des contrôles réalisés par ces véhicules privatisés ont lieu sur des routes limitées à 80 ou 90 km/h.
- Limitation de vitesse, le grand méchant flou
Justement, 80 ou 90 ? Telle est souvent la question. Car de nombreux départements ont remis certains axes à 90 km/h grâce au décret leur permettant de déroger à la limitation à 80 km/h fixée par l’État en 2018. La confusion règne par endroits pour les automobilistes, mais aussi pour les radars, puisque de nombreux PV ont été envoyés à tort pour cause d’appareils pas à jour.
L’arrêt de mort du thermique, ou la charrue avant les bœufs
- La voie unique de l'électrique
L’année 2022 a été celle de la ratification de l’interdiction de vendre des voitures et utilitaires légers émettant du CO2 à l’échappement sur le marché du neuf pour 2035 dans l’UE. Eu égard aux moyens existants et aux délais, cela signifie l’arrêt des modèles thermiques au profit des véhicules 100 % électriques à cette échéance. La réduction des émissions de gaz à effet de serre est indispensable, et cette directive s’inscrit dans l’objectif de neutralité carbone fixé pour 2050. Mais les mesures d’accompagnement annoncées ne semblent pas être à la hauteur de ce bouleversement. Environ 10 millions de voitures neuves se vendent dans l’UE chaque année. La proportion d’électriques devra donc passer de 10 % à 100 % en douze ans. Cela représente moins de deux générations de voitures (sept ans par cycle en général). La recherche sur d'autres alternatives au pétrole, plus balbutiantes ou même à inventer, s'en trouve donc fortement contrariée. L'électrification est peut-être une solution, mais l'aborder par le produit final revient peut-être à la prendre par le mauvais bout.
- À nouvelle solution nouveaux problèmes
Les voitures électriques étant plus chères que les thermiques, cela contribuera à rendre l’automobile encore moins accessible. Par ailleurs, la nécessité d’accélérer et de relocaliser la production de ces autos et de leurs batteries implique l’établissement de nouvelles mines, usines et infrastructures dédiées, ce qui n’est pas sans poser des questions d’ordre environnemental. En outre, l’électricité destinée aux voitures n’est vertueuse que si sa production est faiblement carbonée. Or, plusieurs pays de l’UE utilisent majoritairement du charbon ou du gaz pour la générer. Mais la méthode standardisée de calcul des émissions de CO2 des véhicules et de leurs sources d’énergie sur leur cycle de vie complet ne doit être présentée qu’en 2025. Et pour recharger les autos, il faudra des bornes, dont le nouveau plan de déploiement est « actuellement en discussion » selon le Parlement européen. Le conflit en Ukraine et l’indisponibilité de plusieurs centrales nucléaires françaises mettent actuellement en exergue certaines faiblesses de l’approvisionnement en électricité sur le Vieux Continent, au point que des coupures ponctuelles de bornes mais aussi d'établissements publics, voire de ménages, sont envisagées. Cela souligne le défi que représentera la demande en courant des véhicules électriques.
- Une mesure disproportionnée ?
D’après les données de la Commission européenne, les 280 millions de voitures et les utilitaires légers en circulation dans l’Union émettent 14,5 % du CO2 de l’UE, soit 1,45 % au niveau mondial. Rien n’est négligeable, et les efforts doivent émaner des tous le secteurs. Mais ce taux déjà relativement bas ne deviendra nul que lorsque tous ces véhicules cesseront de circuler, au terme d’un remplacement bien plus doux que l’impact sociétal, économique et industriel de l’arrêt du thermique neuf. Et l’on ne parle là « que » de l’UE, qui compte pour 10 % des rejets de CO2 mondiaux selon ses chiffres.