Motorgate 1.2 TCe. Renault condamné à communiquer des documents internes
Le président du tribunal judiciaire de Versailles vient d'enjoindre Renault de transmettre des documents aux près de 1 700 plaignants rassemblés dans une action collective. L'argus revient sur cette nouvelle étape dans l'affaire du « Motorgate ».
La justice vient d'enjoindre Renault de communiquer des documents internes aux plaignants dans l'affaire du « Motorgate ». Focus sur cette nouvelle étape du bras de fer judiciaire entre le constructeur et ses nombreux clients mécontents.
Georges Cousseau
Les moteurs Renault 1.2 TCe et Nissan 1.2 DIG-T n'ont semble-t-il pas fini de faire parler d'eux. La justice vient en effet de se prononcer dans le cadre de la procédure de référé probatoire initiée en juin 2022 par Me Christophe Lèguevaques, avocat des automobilistes concernés et regroupés au sein d'une action collective. Deux séries d'ordonnances rendues le 14 mars 2022 par le président du tribunal judiciaire de Versailles viennent d'enjoindre Renault de communiquer des pièces essentielles du dossier dans cette affaire du « Motorgate ». Forte de ce premier succès, cette action collective pourrait donner lieu à de nouveaux développements dans les semaines à venir.
Une première action face au refus de négocier
Renault et Nissan n'avaient pas voulu répondre à la mise en demeure proposant une négociation amiable adressée par le conseil des propriétaires des véhicules dotés du 1.2 TCe fabriqués entre 2012 et 2018. Face à ce refus, les clients lésés ont saisi le tribunal judiciaire de Versailles en référé dans le cadre d'une action collective pour solliciter la communication de documents internes. Le but de cette première initiative judiciaire est de tenter d'établir que les deux constructeurs avaient conscience du vice de conception du moteur essence 1.2 TCe mais n'avaient pour autant organisé aucune campagne de rappel ni mis en place un correctif technique pour y remédier. Cette action vient de porter ses fruits puisque la justice vient d'enjoindre Renault de se délester d'un certain nombre de pièces jusqu'à présent confidentielles.
Une injonction de communiquer de nombreux documents internes
Au terme de ces deux séries d'ordonnance de référé en date du 15 mars 2023, le président du tribunal judiciaire de Versailles a enjoint Renault de communiquer des documents internes. Car si Renault avait bien versé des pièces aux débats, ces dernières étaient jugées insuffisantes par Me Christophe Lèguevaques puisqu'elles étaient parfois incomplètes car partiellement occultées au nom du secret des affaires invoqué par le constructeur.
La justice, qui a relevé « l'absence de volonté systématique d'obstruction » de la part de Renault, a toutefois donné raison aux plaignants en ordonnant la production d'une longue liste des pièces :
- l'étude de sensibilité thermique de soupape moteur H5FY ;
- les informations des analyses de risques conformes aux normes ISO 9001 ;
- la documentation relative à la non-conformité et les actions correctives mises en place (norme IATF 16949) ;
- les plans de surveillance dans les usines de fabrication des moteurs et de montage ;
- les plans de réaction après la découverte des non-conformités (normes IATF) ;
- les audits des processus de fabrication (et non des produits) ;
- les notes techniques et alertes adressées par Renault aux mécaniciens de son réseau ;
- les rapports, notes et études communiquées par Renault aux autorités publiques (DGEC).
De son côté, Nissan France, qui était également la cible de cette action collective, a été mis hors de cause. La juridiction a en effet considéré que le constructeur japonais « ne [détenait] pas les pièces techniques et administratives internes demandées », si bien qu’aucune communication n’a été ordonnée à son endroit. Ce qui est étrange car Nissan a émis des notes techniques à l'intention de son réseau.
Une communication forcée mais sans contrainte
Dans le cadre de sa décision, le juge des référés a considéré qu'au regard des pièces déjà communiquées il ne pouvait à ce stade être reproché « aucune volonté de dissimulation » à Renault. Un élément qui a permis au constructeur français d'éviter le prononcé d'une astreinte, c'est-à-dire d'une pénalité financière journalière si les documents dont la communication a été ordonnée n'était pas réalisée dans un certain délai.
Plus surprenant, le juge des référés, qui n'a prononcé aucune astreinte, n'a pas davantage fixé de délai pour encadrer la transmission des documents internes par Renault. Un détail qui pourrait bien pénaliser les plaignants, dont les futures initiatives procédurales dépendent nécessairement du contenu de ces pièces. Car, si Renault ne s'exécute pas dans un délai raisonnable, il leur faudra retourner devant le même juge pour que cette injonction de communiquer soit cette fois-ci assortie d'un délai et d'une astreinte, seule mesure de nature à contraindre Renault de s'exécuter.
Une plainte au pénal avant la fin du mois de mars 2023
Même si Renault n'a pas encore communiqué ses intentions, Me Christophe Lèguevaques rappelle que le constructeur a la possibilité de faire appel. Cela n'empêche pas l'homme de loi d'annoncer dès aujourd'hui qu'une plainte va être déposée auprès du procureur de la République de Nanterre avant la fin du mois de mars 2023. Celle-ci visera les délits de tromperie et de mise en danger de la vie d'autrui. Certains clients de l'avocat dénoncent la dangerosité des « pertes très importantes de puissance » survenues sur autoroute dans des conditions ayant menacé leur propre sécurité, mais aussi celle des autres usagers de la route.
Et si le parquet de Nanterre ne devait pas ouvrir d'enquête préliminaire dans le délai légal de trois mois, l'avocat se dit prêt à saisir le juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile ou même à saisir le tribunal correctionnel par le biais d'une procédure de citation directe. Cette dernière action viserait alors à obtenir la condamnation de Renault pour tromperie et mise en danger de la vie d'autrui en plus de l'indemnisation des préjudices des nombreux plaignants. Mais cette citation directe implique que les documents obtenus grâce à la décision du 14 mars 2023 soient suffisants pour agir, sans qu'aucune enquête ait été préalablement accomplie. Mais rien n'est moins sûr à ce stade, cette affaire paraissant au contraire loin d'être terminée. Un véritable chemin de croix pour ces nombreux plaignants, qui ont également fondé une association baptisée « Motorgate ». La plupart des 400 membres sont inscrits dans l'action collective actuellement en cours.