Oubliez vos précédentes expériences en matière de plein de carburant ou d'électrons ! Le constructeur chinois Nio innove pour ses utilisateurs de voiture électrique avec un service d'échange de batteries. Trois sites sont actuellement testés en Allemagne. Nous avons pu tester celui de Berlin.
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Une batterie changée en 5 minutes chrono
En arrivant aux abords d’une Power Swap Station de Nio, on se retrouve face à un mini-bâtiment ressemblant à un container, avec un parking d’une place accessible par une petite rampe d’accès. En approche, notre Nio ET7 reconnaît le marquage au sol et le système de parking automatique prend la main. En deux manœuvres, la voiture est positionnée. Le dialogue s’installe alors entre la station et son système de bord, avant que celui-ci ne s’éteigne pour commencer l’opération d’échange.
La voiture est soulevée pour rester stable pendant l’opération. Les éléments de fixation de la lourde batterie d’environ 600 kg sont dévissés par le système robotisé, qui l’engloutit dans les soubassements de la station. La nouvelle batterie est alors amenée et accouplée à l’auto. Une fois les vérifications de bon fonctionnement effectuées, le système de bord se remet en fonction, une lumière verte dans le porche de la station s’allume, comme après un lavage automatique. Voilà la limousine chinoise est prête à repartir pour un peu moins de 400 km avec sa batterie de 75 kWh (ou plus pour celle de 100 kWh) chargée à 90 % pour préserver sa durabilité ! 5 minutes top chrono auront suffi là où, avec un câble, les modèles les plus performants auraient réclamé une vingtaine de minutes. Soulignons d’ailleurs que les Nio ne font pas partie des meilleures élèves lorsqu’elles sont branchées à une borne. Leur puissance de charge DC, limitée à 130 kW, réclame 30 min pour passer de 10 à 80 % de charge sur la batterie de 75 kW.
Un mot d’ordre : flexibilité
Les batteries sont toutes enfermées dans un coffrage identique interchangeable dans les Nio de 2e génération basées sur la plateforme NT2 (ET7, EL7 et ET5) et importées en Europe. Elles sont proposées en trois niveaux de puissance, avec trois chimies différentes qui expliquent qu’elles ont au final des poids assez proches :
- LFP (Lithium Fer Phosphate) pour la 75 kWh,
- NCM (Nickel Cobalt Manganèse) pour la 100 kWh
- hybride semi-solide pour la future 150 kWh, capable d'offrir plus de 800 km d'autonomie selon la norme WLTP.
Nio travaille aussi à un pack de batteries plus petit (60 kWh) mais sous 800 volts. La définition du système de batterie de Nio tient en 3 mots : recharge, échange, mise à niveau. La recharge classique est naturellement possible, assurée par une carte Nio donnant accès à 380 000 points de charge en Europe. Toutefois la puissance limitée à 130 kW restreint la rapidité des ravitaillements classiques.
Les heureux premiers clients devraient bénéficier de quelques swaps gratuits. En Norvège, les échanges de batteries sont facturés environ 10 € + 20 cts/kWh, ce qui revient environ à 40 cts/kWh pour 50 kWh gagnés. Un tarif moyen. Notez qu'il sera possible pour un client louant une batterie de 75 kWh (bien suffisante au quotidien) de payer un supplément pour adopter, pendant les vacances d’été par exemple, un pack de 150 kWh. Cette flexibilité permettrait selon les calculs de la marque d’économiser l’utilisation de 17 % de matières premières.
13 packs de batteries en stock
Une station comme celle de Berlin compte 13 batteries stockées dans son bâtiment. Elles sont rechargées en permanence sur une plage de puissance comprise entre 20 et 90 kW selon les besoins. Des valeurs modestes pour privilégier leur durée de vie. L’ensemble de la station, fabriquée dans l'usine Nio Power en Hongrie, pèse environ 16 tonnes et doit donc être construit sur un terrain pouvant accepter une telle masse. L'investissement aussi est lourd puisque le montant atteint environ 400 000 €, soit bien plus qu'une implantation de station de charge rapide. En Europe, les plans sont d’atteindre 20 Power Swap Station cette année, 120 en 2023 et plus de 500 stations d’ici 2025. Plusieurs centaines de stations sont aussi prévues aux Etats-Unis d’ici 2025.
En Chine, environ 1 000 installations sont implantées, dont plus de 80 rien que pour l’agglomération de Shanghai. Pourtant, aux heures de pointe, on y voit parfois des queues se former. Chaque station est pensée pour accueillir 500 à 1 000 utilisateurs dans sa zone de chalandise. Un tel chiffre est possible grâce à un volume théorique de 300 échanges en 24 heures. En réalité, les responsables du développement du réseau concèdent tabler plutôt sur 150 swaps/jour, ce qui est déjà impressionnant. Des services de chauffeur amenant la voiture la nuit pour échanger sa batterie permettent de renforcer l’efficacité de l’exploitation. Les clients de Nio ont inventé un terme : le Power Swap District Housing. Il désigne les zones appartenant au rayon d’atteinte d’une station de d’échange de batterie, un peu comme la sectorisation des écoles. Aujourd’hui 60 % des zones de fort potentiel seraient couvertes en Chine selon le constructeur, et 95 % sont prévus à terme.
Au-delà de la rapidité du changement de batterie, la station peut aussi devenir un précieux lieu de stockage d’énergie durant la nuit, avec des applications possibles pour alimenter le réseau en cas de besoin, en mode V2G. La marque imagine d’ailleurs un système de récompense pour les utilisateurs qui, au lieu de venir échanger leur batterie vide pour une pleine, feraient la démarche inverse s’ils n’ont pas besoin de leur voiture.
Une délicate standardisation
Il y a des années, la start-up Better Place et Renault avaient mené des expérimentations dans ce sens, ainsi que Tesla, mais personne n’avait à l’époque pu mener l’idée d’échange de batteries sur le marché. Aujourd’hui, le géant des batteries CATL (fournisseur de Nio, au côté de BYD) qui a mis en place un embryon de réseau avec Evogo et le constructeur MG mènent aussi en Chine des expérimentations de “swap” de batteries. Mais, les perspectives de développement de leurs services semblent encore floues. Nio, quant à lui, se dit ouvert au partage de ses technologies avec d’autres constructeurs. Mais aucune alliance ne semble se profiler comme dans le domaine des scooters électriques, où des marques comme Yamaha, Honda, KTM, Piaggio ou Kymco se sont rassemblées dans un consortium visant à standardiser les batteries amovibles. Ainsi leurs scooters électriques urbains pourraient se partager leurs accus via un système de stations d’échange de batteries, comme la marque Gogoro le fait avec un grand succès à Taiwan. Un principe plus facile à appliquer pour des batteries pesant 10 kilos que pour des packs de plusieurs centaines de kilos fixés sous des automobiles.
Selon les responsables de Nio, un déploiement plus large du swap de batteries pour automobiles relève désormais des législateurs pour définir un standard universel, comme c’est le cas pour la recharge. A l'image de Tesla qui ouvre à d’autres marques certains de ses Superchargeurs, Nio pourrait ouvrir ses stations de swap aux clients d’autres marques. Sauf si ce concept était remis en question par les évolutions technologiques de demain : si les batteries à électrolytes solides tiennent leurs promesses d’une recharge deux fois plus rapide et offrent des autonomies démultipliées, plus besoin d’un complexe système de swap.
