Norme Euro 7. Pourquoi la France et sept autres Etats s’y opposent
Huit États membres de l’Union européenne, dont la France, se déclarent opposés à l’introduction de la norme environnementale Euro 7. Ils rejoignent les constructeurs européens qui la jugent irréaliste, coûteuse, peu efficace et nuisible au développement du tout-électrique comme à l’industrie.
La France compte parmi les pays qui s'opposent à la norme Euro 7.
Alpine
Au cours des derniers mois, les grands groupes automobiles européens (Volkswagen, Stellantis, Renault) se sont faits de plus en plus audibles concernant leur opposition à la future norme environnementale Euro 7. Et pour cause : pas encore finalisée mais drastique dans son projet, elle est censée entrer en vigueur à l’été 2025. Cette échéance approche donc à grands pas. Or les constructeurs dénoncent une norme aussi irréaliste qui coûteuse qui rendrait l’automobile encore moins abordable et mettrait en péril l’industrie associée sur le Vieux Continent pour un très faible bénéfice écologique selon eux. Huit États membres de l’UE viennent d’adopter la même position, dont la France, aux côtés de l’Italie, de la République tchèque, de la Roumanie, de la Slovaquie, de la Hongrie, de la Pologne et de la Bulgarie. On peut noter que l’Allemagne, plus gros producteur européen d’automobiles, ne figure pas dans cette liste.
Un refus clair et net
« Nous nous opposons à toute nouvelle règle sur les gaz d’échappement (y compris de nouvelles obligations sur les conditions de tests ou de nouvelles limites d’émissions) pour les voitures et les utilitaires légers », ont fait savoir les États en question dans un document de travail. Comme les constructeurs cités plus haut, ils justifient cette position par les mesures déjà engagées dans le but de réduire la pollution automobile qui seraient freinées par l’introduction d’Euro 7. À compter du 1er janvier 2035, les voitures et utilitaires légers vendus neufs dans l’UE devront, à une poignée d’exceptions près, présenter des émissions de CO2 nulles. Compte tenu des technologies à disposition, seuls les véhicules 100 % électriques pourront donc être commercialisés en nombre à partir de cette date. Outre le dioxyde de carbone, qui est un gaz à effet de serre, ils n’émettront aucune pollution à l’échappement telle que des oxydes d’azote ou des particules fines, ce qui est l’objet principal des normes Euro. La plupart des marques européennes ont même pris de l’avance et prévu de passer au tout-électrique d’ici à 2030. Chacune investit des dizaines de milliards d’euros dans cette transformation d’une échelle jamais vue dans ce secteur. Si la norme Euro 7 était entérinée, une part non négligeable de ces sommes devrait être redirigée vers le développement de véhicules thermiques à même de s’y conformer, ce qui pourrait ralentir le déploiement de nouvelles gammes 100 % électriques. « Ces nouvelles règles freineraient les investissements nécessaires de l'industrie dans la transition vers le “ zéro émission ” », ont déclaré les États qui y sont opposés.
Emmanuel Macron s’oppose à l’ajout de normes
« De nombreux pays se sont joints à l'Italie pour demander à la Commission d'être raisonnable et pragmatique » a récemment commenté Adolfo Urso, ministre italien des Entreprises. Cette prise de position conjointe fait écho à de récents propos tenus par le Président français, Emmanuel Macron, durant son discours sur la réindustrialisation de la France le 11 mai dernier. « On a déjà passé beaucoup de réglementations en Europe, plus que tous les voisins. En termes réglementaires, on est devant les Américains, les Chinois ou toute autre puissance au monde. (…) J'appelle à la pause réglementaire européenne. Maintenant, il faut qu'on exécute. Il ne faut pas qu'on fasse de nouveaux changements de règles parce qu'on va perdre tous les acteurs », avait-il déclaré. En France, l'opposition de gauche avait immédiatement fustigé ce qu'elle considère comme un coup de frein sur l'écologie.
Une norme trop ambitieuse…
Entre autres mesures, Euro 7 prévoit des seuils d’émissions à l’échappement abaissés qui seraient les mêmes dans toutes les conditions de conduite jusqu’à des combinaisons extrêmes de haute altitude, basse température, tractage et forte charge. En outre, ces taux deviendraient les mêmes pour les voitures particulières et les utilitaires légers, qui bénéficient jusqu’à présent de plafonds plus élevés. Des dispositifs de dépollution très sophistiqués devraient donc être installés, tels que des catalyseurs plus gros avec préchauffage électrique. Des technologies inédites de réduction des émissions des freins et pneus, qui nécessitent d’être développées, sont aussi au programme.
… pour un faible gain écologique ?
Du côté des constructeurs, on souligne qu’Euro 7 pourrait avoir un impact négatif à plusieurs niveaux. D’un côté, le prix des voitures augmenterait nettement. Un ingénieur haut placé chez un grand constructeur européen nous confiait récemment que le surcoût en production s’élèverait à environ 2 000 € pour un modèle du segment C (compact) ou inférieur et que l’augmentation du prix final, en comptant la marge du distributeur notamment, serait plus élevée. Une étude commandée par l’ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles) au cabinet britannique Frontier Economics confirme aujourd’hui ce montant et chiffre le surcoût à 1 860 € pour un véhicule essence, à 2 670 € pour un véhicule diesel et jusqu'à 12 000 € pour un poids lourd.
En outre, le bénéfice écologique serait trop faible pour justifier ces coûts d’après les constructeurs. Selon Bruxelles, la norme Euro 7 permettrait de réduire de 35 % les émissions d’oxydes d’azote (NOx) des voitures particulières d’ici à 2035 par rapport à l’actuel règlement Euro 6. Mais d’après l’ACEA, même avec un seuil fixé à zéro, le gain ne dépasserait pas 4 %. Et Volkswagen de renchérir dans un communiqué : « Les tests biaisés, réalisés dans les conditions les plus extrêmes, n’ont pas de pertinence statistique au vu des situations de conduite en Europe. » Sigrid de Vries, directrice générale de l’ACEA, ajoute : « Les plus grand bénéfices environnementaux et sanitaires seront obtenus par la transition vers l’électrification, tout en remplaçant les plus vieux véhicules en circulation dans l’UE par des modèles Euro 6 très efficaces. » Cette stratégie permettrait une baisse de 80 % des NOx du transport routier d’ici à 2035 selon l’organisation.
Une industrie en position délicate
Dernière menace évoquée par les constructeurs, et en filigrane par les États opposés à Euro 7 : la vulnérabilité de l’industrie automobile européenne face à des constructeurs étrangers, notamment chinois et américains. Les groupes automobiles européens s’accordent à dire que, entre la perte de viabilité commerciale de modèles d’entrée de gamme et le délai d’application d’Euro 7 trop court par rapport au développement technique nécessaire, plusieurs usines devraient cesser leur production et des autos, quitter le marché. Cela supprimerait des milliers d’emplois tout en ouvrant une voie royale à des constructeurs produisant des voitures électriques à bas coût du fait de réglementations environnementales et sociales moins strictes sur leurs sites de production. Les débats sur Euro 7 au sein des institutions européennes s’annoncent des plus tendus pour les mois à venir.
Via AFP, ACEA