Paris, Grenoble… Ces villes qui veulent taxer les SUV
Plusieurs mairies de France réfléchissent actuellement à une taxation ou à une tarification plus élevée du stationnement pour les SUV, eu égard à leurs émissions de CO2, à leur encombrement… mais aussi aux revenus supposés de leurs propriétaires.
Plusieurs mairies de France estiment que les SUV n'ont pas leur place en ville.
Mazda
Alors que le malus sur le poids des véhicules neufs introduit en 2022 s’applique principalement aux SUV haut de gamme en débutant à 1 800 kg, une nouvelle taxation spécifique de ces véhicules surélevés est à l’étude dans plusieurs villes de France. Et les modèles de luxe pourraient ne pas être les seuls concernés. De Paris à Grenoble, en passant par Colombes (Hauts-de-Seine), certaines communes envisagent différents moyens de demander une contribution financière spécifique aux propriétaires de SUV au nom de l’écologie, mais pas seulement.
Paris encombré par les SUV
À Paris, l’idée de faire payer le stationnement plus cher aux conducteurs de SUV qu’aux autres automobilistes n’est pas nouvelle. En 2019 déjà, Christophe Najdovski, alors adjoint à la mairie de la capitale en charge des transports, disait l’envisager compte tenu de leur occupation de l’espace public (et donc des places de stationnement), leur empreinte au sol étant plus importante que celle de véhicules équivalents à carrosserie traditionnelle. Son actuel successeur, David Belliard (EELV), a doublement renchéri dernièrement. Également vice-président d’IDFM (Île-de-France Mobilités), régie des transports d’Île-de-France, il a révélé : « On travaille avec d’autres municipalités sur des modalités spécifiques concernant le paiement du stationnement des SUV afin de le limiter. On regarde par exemple s'il est possible d'y intégrer des critères, comme le poids. »
David Belliard songe aussi à une taxation des SUV à l’achat qui servirait à financer les transports en commun, selon ce qui lui apparaît comme un principe du « pollueur-payeur ». Patrick Chaimovitch, maire (EELV) de Colombes, abonde dans ce sens. « C'est une forme de justice écologique et sociale. (…) Le trafic est très dégradé, nous avons de gros problèmes de déplacement. Et il faudra de toute façon les financer », détaille-t-il.
Les parkings grenoblois plus chers pour les SUV ?
Même son de cloche à Grenoble, où le maire (EELV) Éric Piolle veut mettre en place une tarification au poids pour les parkings et le stationnement en voirie, au nom de la contribution des SUV au réchauffement climatique. « Les transports sont le premier facteur d’émissions de gaz à effet de serre (détails plus bas, NDLR). Donc faire payer plus cher les véhicules lourds est logique », assure-t-il. Techniquement, les outils permettant cette tarification existent déjà. Une caméra avec logiciel de lecture de plaque d’immatriculation liée au Système d’immatriculation des véhicules permettrait d’associer le numéro au poids inscrit sur le certificat d’immatriculation.
Taxer les « riches » à travers les SUV
Et Éric Piolle d’ajouter : « Il faut combattre le réchauffement climatique et les inégalités sociales. » Ce refrain, qui associe le niveau de revenus supposé des propriétaires de SUV aux problématiques environnementales, est commun aux défenseurs d’une taxation particulière de ces véhicules. « L’achat de ces véhicules lourds, grands émetteurs de gaz à effet de serre, est associé à une sociologie bien particulière : une clientèle privilégiée », clamait David Belliard lors des dernières assises de financement d’IDFM. « Il faut aller chercher l'argent là où on peut en prendre », assume pour sa part Patrick Chaimovitch. On touche là à l’un des grands points flous de ces propositions. Car, quand on sait qu’un Dacia Duster coûte moins cher qu’une Peugeot 208 à niveau de gamme équivalent ou qu’un Citroën C5 Aircross a un prix d'attaque moins élevé qu'une Volkswagen Golf, difficile de justifier la taxation des SUV par une mise à contribution des plus aisés. Les SUV ont représenté près de la moitié des ventes de véhicules neufs en France en 2022 selon les données de notre partenaire NGC-Data®. Et que dire des véhicules d’occasion ? Certains SUV premium de seconde main réclament aujourd’hui moins de 15 000 €.
La Ligue de défense des conducteurs souligne d’ailleurs auprès de L’argus que « les Renault Captur, Peugeot 2008 et autre Citroën C3 Aircross, des citadines juste un peu plus hautes et typées que leurs jumelles plus consensuelles (Clio, 208, C3), se retrouvent ainsi tout aussi conspuées qu’un Audi Q7 ou un BMW X7 ». Elle estime que « les acheteurs de 3008 étaient auparavant des acheteurs de 406 ou de 407. Ils sont donc descendus en gamme ».
Une approche simpliste
Par ailleurs, il est de plus en plus difficile de définir un SUV à l’heure des berlines et breaks surélevés façon Peugeot 408 et Citroën C5 X, crossover électriques type Hyundai Ioniq 5 et autres citadines baroudeuses façon Toyota Aygo X. L’argument écologique demeure pertinent au regard du poids des véhicules. David Belliard plaide pour un seuil à 1 400 kg, ce qui n’épargnerait que les modèles citadins et les compacts d’entrée de gamme… dont de nombreux SUV (Arkana, 3008…). Encore faut-il que les violons s’accordent pour être entendables. Car si Éric Piolle affirme que « les transports sont le premier facteur d’émissions de gaz à effet de serre », les données des institutions européennes indiquent, elles, que les transports représentent environ 30 % des rejets de CO2 de l’UE, dont environ la moitié est imputable aux voitures et utilitaires légers. Néanmoins, le transport est le seul secteur dont les rejets de CO2 augmentent, et l'accroissement de la part des SUV dans les ventes automobiles y contribue vraisemblablement. Au seul niveau français cependant, les émissions de CO2 moyennes des voitures neuves sont passées de 108,5 g/km à 102,7 g/km entre 2021 et 2022 grâce notamment à la hausse des immatriculations de modèles électrifiés. La récurrence des émissions de gaz à effet de serre dans les discours des mairies citées plus haut semble d'ailleurs induire une exonération de surtaxe pour les modèles électriques, qui sont pourtant les plus lourds et les plus chers. Les propositions politiques doivent donc encore être précisées, mais la question semble se faire de plus en plus pressante dans les mairies et pourrait aboutir à des annonces dans les prochains mois.
Sources : France Inter, France 3, Actu Grenoble, Le Monde, IDFM, Parlement européen, Ministère de la Transition écologique