Peugeot 205 (1983). Du projet M24 au « Sacré Numéro »
EXCLUSIF. La 205 a 40 ans ! À l’occasion de cet anniversaire, 15 modèles sont réunis au musée de l’Aventure Peugeot. Avant le coup d’envoi de l’exposition, L’argus a pu exceptionnellement photographier et filmer les véhicules en compagnie d’Hervé Charpentier, directeur de la collection.
Le musée de l'Aventure Peugeot organise une exposition anniversaire autour de la Peugeot 205. L'argus a pu photographier en exclusivité la dizaine de modèles exposés.
Laurent Lacoste - L'argus
Il y a un numéro sacré chez Peugeot : le 205. C’est le nom d’une citadine, lancée en février 1983, qui a permis à l’entreprise de retrouver des couleurs alors qu’elle était en pleine crise financière et identitaire. Au même titre que la Citroën 2CV ou la Renault 4, la 205 fait partie de ces modèles incontournables de l’histoire de l’automobile française. Depuis 2021, elle est même le véhicule de plus de 30 ans le plus vendu sur le marché de l’occasion selon une enquête réalisée par L’argus et NGC-Data®. À l’occasion du 40e anniversaire de son best-seller, le constructeur au lion organise une exposition dédiée. Jusqu’au 3 septembre, 15 modèles sont réunis au sein du musée de l’Aventure Peugeot, à Sochaux. Des véhicules que la rédaction de L’argus a pu approcher lors d’une séance photos/vidéo exceptionnelle (et exclusive). Dans ce premier volet, découvrez l’histoire de la 205 et ses déclinaisons non sportives avec les éclairages d’Hervé Charpentier, directeur Produits et Collections de l'Aventure Peugeot-Citroën-DS.
Le projet M24
L’histoire de la 205 démarre à la fin des années 1970. À cette époque, la santé financière de Peugeot, qui vient d’acquérir successivement Citroën et Chrysler Europe, n’est pas florissante. La marque doit trouver un nouveau souffle. L’une des pistes évoquées consiste à renouveler la 104, commercialisée depuis 1972. Le programme M24 est lancé en 1977 avec un cahier des charges clair : il faut une voiture légère de moins de 3,80 m, aérodynamique avec quatre roues indépendantes et capable de recevoir les motorisations de la nouvelle entitée PSA. La direction de la marque au lion va solliciter ses équipes en interne, dirigées par Gérard Welter pour le style extérieur et Paul Bracq pour l’intérieur. Mais « il faut se souvenir que le bureau de style de Peugeot est systématiquement mis en concurrence avec un autre atelier bien connu : Pininfarina », explique Hervé Charpentier. C’est à l'équipe de Gérard Welter (sous l’autorité de Michel Forichon) que l’on doit ce modèle bleu sur base de 104. C’est l’unique maquette du projet 205 à avoir été conservée. Toutes les autres ont été détruites. Le premier projet signé de l’équipe Pininfarina de n’est pas plus folichon que la proposition transalpine.

Voici la seule maquette M24 restant dans les réserves du musée de l'Aventure Peugeot. Laurent Lacoste - L'argus

En 1977, Paul Bouvot et Gérard Welter présentent pour le compte de Peugeot ce projet M24 sur base de 104. Car Design Archives

Pour cette proposition datant de 1978, Pininafrina est reparti de zéro afin de rester dans la compétition. Car Design Archives

Une nouvelle proposition signée Pininfarina, élaborée à partir de la base de travail de Gérard Welter. Car Design Archives

Voici une énième (4e) proposition de Pininfarina pour le projet M24. Elle a été réalisée en mars 1979. On travaille déjà sur la carrosserie à trois et cinq portes. Car Design Archives

La maquette de la 205 en construction. Ces photos datent de 1978-1979. Centre Archives Terre Blanche

La citadine prend forme et devient de plus en plus celle que l'on connait aujourd'hui. Centre Archives Terre Blanche
Au début de l’année 1978, le responsable du style extérieur développe une maquette à partir d’une feuille blanche pour démontrer par l'absurde qu'une voiture avec des dessous de 104 ne peut aboutir à une jolie voiture. « Il fallait éliminer les points faibles de la 104 en réalisant une voiture plus large, plus basse » détaille Frédérick Lhospied dans son livre La Peugeot 205 et le sport - Pari gagné (ACF, 2006). Plusieurs mois plus tard, le projet de Welter est finalement préféré à celui de Pininfarina comme base de travail. Les deux bureaux de style vont travailler en parallèle sur la voiture jusqu’en janvier 1980, année où l’état-major de PSA se prononce finalement en faveur du modèle imaginé par les équipes de La Garenne-Colombes. « Les formes douces et fluides en même temps que modernes mais pas racoleuses (exactement ce qui fut souhaité au départ du projet) furent rendues possibles par la position de la roue de secours sous le plancher du coffre (ndlr : et non plus à l’avant comme sur la 104) et par l’implantation très basse des assises des sièges. Ainsi, le capot put être plongeant et la cellule centrale, légèrement tendue », explique Frédérick Lhospied.
Il fallait éliminer les points faibles de la 104.
Le concept Vera (Véhicule Économe de Recherche Appliquée) a beaucoup contribué à améliorer la M24, aux prémices du projet, en matière d’aérodynamique (Cx), d’optimisation du poids ou de réduction de la consommation. « La 205 n’aurait pas pu être la 205 si le concept Vera n’avait pas existé » confie Hervé Charpentier, qui nous invite à réaliser un article sur le projet en lui-même. Ce que la rédaction de L’argus ne manquera pas de faire !
Dès les prémices du projet, il est question de développer plusieurs carrosseries, ainsi qu’une version sportive (sur laquelle nous reviendrons dans un second volet). « Le projet M24 devait répondre à la fois à un usage familial et à un usage individuel, mentionne Hervé Charpentier. Tout le monde devait se retrouver dans la 205. » Le travail autour de la citadine se poursuit alors avec de nouvelles techniques de mise au point : la conception assistée par ordinateur (CAO) et la fabrication assistée par ordinateur (FAO). Toutes deux permetttront de gagner un temps fou.
Un intérieur signé Paul Bracq
Tandis qu’une partie de l’équipe s’attelle à la mise au point de la carrosserie, une autre travaille activement à l’élaboration de l’habitacle. Paul Bracq et ses équipes cherchent à réduire l’encombrement de la planche de bord pour maximiser l’habitabilité et la visibilité avec de grandes surfaces vitrées. Un important travail va également être réalisé sur l’ergonomie.
Le tableau de bord devait « contenir d’importants rangements, être autoporteur » et servir « de base polyvalente pour évoluer selon les niveaux de finition », précise Frédérick Lhospied dans son ouvrage. Sur ce dernier point, le designer intérieur imagine un bloc derrière le volant à double visière séparant les voyants des compteurs. Le combiné d’instruments devient alors, à moindres frais, interchangeable. Il permet ainsi de différencier une version lambda d’une déclinaison sportive (GTI).
Si nous ne réussissons pas cette voiture, nous sommes morts !
L’architecture intérieure, définie dans les grandes lignes au début de l'année 1979, est définitivement validée en novembre 1980. Là encore, le concept Vera a largement contribué à l’amélioration du projet dans plusieurs domaines tels que la légèreté (les sièges sont 40 % moins lourds que ceux de la 104), la sécurité et le confort. Le premier prototype roulant de M24 voit le jour en 1981. Au total, pas moins de 65 prototypes de 205 seront développés entre début 1981 et mi-1982. Dans son ouvrage, Frédérick Lhospied rappelle qu’il fallu environ 70 000 heures de travail pour réaliser chacun des véhicules. Complètement fou quand on y pense, mais n’oublions pas que l’avenir de PSA dépendait du succès de ce nouveau modèle ! « Si nous ne réussissons pas cette voiture, nous sommes morts ! » aurait confié Jean Boillot, alors n° 2 de PSA.
Un plébiscite pour la Peugeot 205
La production de la 205 démarre en novembre 1982 sur le site de Mulhouse (Haut-Rhin). Puis elle s’étend à Sochaux (Doubs), avant d’envahir les chaînes des usines de Poissy (Yvelines) et Madrid (Espagne). Dès la présentation de la voiture en avant-première aux concessionnaires, le 20 janvier 1983 à Monaco, « l'accueil est unanime, raconte Hervé Charpentier. Les concessionnaires vont applaudir spontanément, chose très rare pour l’époque ». Puis c’est au tour de la presse, conviée au Maroc, de se montrer « dithyrambique », confie le directeur de la collection de l’Aventure Peugeot.
La 205 est officiellement présentée au grand public le 23 février 1983 :
- d’abord dans sa radicale version T16 (histoire à suivre dans un prochain épisode) ;
- puis, le lendemain, dans sa version de tourisme.
« Des centaines de milliers de véhicules vont très rapidement être commandés », détaille notre intervenant. En moins d'un an, la Peugeot 205 est connue partout. « Mais c'est aussi dû à une très bonne campagne de presse, rappelle Hervé Charpentier. Tout commence par une intrigue ». Quelques semaines avant le lancement commercial de la 205, de grandes affiches sont placardées avec les chiffres « 2 », « 0 » et « 5 » présentés comme ceux issus du « tirage de l’auto ». La réclame se conclut avec le slogan : « Un sacré numéro ». D’après Hervé Charpentier, cela a particulièrement intrigué le public et contribué à son succès. Dans la foulée du lancement, une autre campagne publicitaire vit le jour autour de six grands thèmes : sécurité, sportivité, confort, économie… « On vantait la qualité d’une Peugeot 205 diesel, capable de parcourir 1 000 km avec un plein », rappelle notre interlocuteur. Bilan : en moins de deux ans, un million d’exemplaires vont être écoulés.
Des séries spéciales pour tous
La force de la Peugeot 205 vient aussi du nombre de ses :
- carrosseries : 3 portes, 5 portes, cabriolet* et fourgonnette ;
- motorisations : 5 moteurs, dont un Diesel (et même une rare version électrique) ;
- versions
Pour séduire tous les publics, le constructeur va ainsi « adresser une série spéciale à chacun », détaille Hervé Charpentier. Indiana, Junior, Roland-Garros, Gentry… sont autant de variantes qui vont voir le jour jusqu’en 1998, année de fin de production de la 205.
Au total, 5 278 050 « Sacré Numéro » vont être vendus. « Néanmoins, c'est très compliqué d'avoir le chiffre totalement exact », confie Hervé Charpentier. Pourquoi ? Car une partie des registres de la 205 étaient encore manuels au lancement, et tous n’ont pas été saisis informatiquement. « Quelques fiches écrites ont disparu. Ce sont les seules manquantes de toute l'histoire de Peugeot, de 1889 à nos jours. C’est là notre grand drame », concède-t-il.
Une carrière internationale
La 205 a littéralement dépoussiéré l’image de Peugeot avec sa calandre à lamelles peintes de la teinte de la carrosserie et sa « râpe » en plastique sur le hayon. « Elle est arrivée à une période où elle a renouvelé un genre face à la concurrence (ndlr : Renault 5, Ford Fiesta et Opel Corsa) », résume Hervé Charpentier. C'est une voiture qui a porté haut les couleurs de la marque au lion grâce aussi à ses succès sportifs en rallye (Groupe B, Dakar). De quoi renforcer sa notoriété en dehors de nos frontières. « Elle a aussi terriblement plu aux Allemands, aux Italiens, aux Espagnols et aux Anglais », mentionne-t-il. Quant à ceux qui voudraient démarrer une collection, Hervé Charpentier a un conseil : n'épluchez pas les sites de petites annonces, venez dans le pays de Montbéliard ! « Ici, vous allez trouver tous les types de 205 qui peuvent exister. Des modèles faiblement kilométrés ou l’inverse. Une 205 c’est increvable, ça passe partout, ça résiste à tout ! », conclut notre interlocuteur.
Une exposition et des évenements anniversaires
Plusieurs évenements sont organisés à l'occasion des 40 ans de la Peugeot 205. Découvrez dans notre diaporama les modèles de série stars de l'exposition du musée de l'Aventure Peugeot, à Sochaux. Retenez également les dates des 7, 8 et 9 juillet pour un événement d'ampleur, toujours sur les terres de la citadine.
* réalisé par Pininfarina, cette fois !