Peugeot et Renault sont-ils prêts pour le 100 % électrique en 2030 ?

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peugeot e-208 Renault zoe
Peugeot et Renault ont tous deux annoncé qu'ils envisageaient de ne plus proposer que des modèles 100 % électriques en 2030. Mais en assortissant leurs déclarations de certaines conditions...

Alors que l'Union Européenne veut interdire la vente de modèles thermiques neufs en 2035, Renault et Peugeot ont annoncé vouloir passer à une gamme 100 % électrique dès 2030. Mais les deux plus grands constructeurs français pourront-ils atteindre cet objectif ? Il y a quelques raisons d'en douter.

Vendre seulement des modèles 100 % électriques ? En France, aujourd’hui, seules quelques rares marques comme Smart ou Tesla ont déjà effectué ce choix. Mais dans moins de huit ans, dès 2030, les deux plus grands constructeurs du marché hexagonal ont déjà annoncé qu’ils envisageaient de ne plus proposer plus aucun véhicule thermique ou hybride neuf en Europe ! Une vraie révolution et un pari qui peut sembler risqué, tant ce type de motorisation demeure encore assez marginal aujourd’hui à l’échelle du vieux-continent, malgré une progression des ventes spectaculaires. Dans l’Hexagone, en 2021, la e-208 n’a ainsi représenté que 20,3 % des immatriculations de Peugeot 208. Si la petite Lionne est restée la reine du classement, c’est donc à près de 80 % grâce à ses moteurs essence et diesel ! Quant à la Renault Zoé, certes désormais un peu vieillissante, elle a trouvé 3,5 fois moins d’acheteurs que sa frangine, la Clio.

 

Un pari techniquement faisable

renault 5 concept et mégane E-tech électrique
Pour épauler la Mégane E-Tech, ici au second plan, Renault se prépare à lancer une réinterprétation moderne de sa R5 en 2024.

Techniquement parlant, les deux marques françaises seront toutefois bien prêtes à passer au 100 % électrique en 2030. D’ici cette échéance, le Losange disposera en effet d’une gamme susceptible de combler les attentes les plus variées. Après la « compacte » Mégane E-Tech électrique, on verra ainsi débarquer en 2023, sur la même plate-forme CMF-EV, un crossover mieux adapté aux familles, qui pourrait reprendre le nom de Scénic. C’est ensuite la R5 qui se chargera en 2024 d’incarner une citadine polyvalente à la fois plus abordable et plus craquante que la Zoe, tandis que la nouvelle R4 également disponible en utilitaire, jouera les petits SUV au look rétro en 2025. Un Kangoo « branché » est par ailleurs prévu dès cette année.

groupe renault plate-formes électriques
Dès 2024, l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi disposera de cinq bases permettant de proposer une grande variété de modèles électriques.
plate-formes STLA
Les quatre nouvelles plate-formes STLA du groupe Stellantis sont toutes étudiées en priorité pour le 100 % électrique.

Moins en avance sur le papier, faute de base spécifiquement dédiée à ce type de motorisation pour l’instant, Peugeot n’est pas aussi en retard qu’il y paraît. Les futures plate-formes STLA du groupe Stellantis sont toutes conçues en priorité pour l'électrique, et le futur 3008 (projet P64), attendu fin 2023, pourra ainsi ajouter une inédite variante e-3008 à sa palette. Mais c’est surtout la remplaçante de la 208, connue sous le code projet P31, qui marquera un vrai tournant, puisqu’elle ne proposera plus aucun moteur thermique. Même topo pour le successeur (P34) du petit SUV 2008, commercialisé peu de temps après et employant les mêmes soubassements.

 

Des doutes clairement affichés

bornes recharge renault zoe
Le rythme d'installation des bornes de recharge a beau s'accélérer, il n'est pas encore suffisant pour faire face à la hausse des ventes de voitures électriques.

Dans leurs cartons, les deux constructeurs ont donc suffisamment de projets sérieux pour envisager de renoncer au thermique dès 2030, 5 ans avant la date envisagée par l’Union Européenne. Pourtant, tous deux ont assorti leurs annonces de diverses réserves, qui leur laissent une porte de sortie. Chez Peugeot, on a ainsi conditionné ce passage accéléré à l’électrique au prolongement des aides fiscales et à un développement suffisamment rapide des bornes de recharge.

«  Pour que l’industrie soit en mesure d’éponger les coûts liés à l’électrification (synonymes de prix élevés pour les véhicules), nous avons besoin que les aides soient maintenues encore cinq ou six ans, le temps que le réseau d’infrastructures se développe et que les coûts de production diminuent », avait ainsi affirmé Carlos Tavares, le patron de Stellantis. Une fois n’est pas coutume, Luca de Meo, son homologue du groupe Renault, est exactement sur la même longueur d'onde. Mais aujourd’hui, certains pays comme l’Allemagne commencent déjà à plancher sur une fin assez rapide de leurs incitations à l’achat, tandis que le bonus écologique français doit progressivement diminuer, avec une baisse de 1 000 € prévue dès cet été.


L’adhésion des clients très incertaine

fabrication batterie voiture électrique
Les batteries des voitures électriques ont vu leurs prix baisser en quelques années. Mais elles restent très onéreuses et la hausse du coût des matières premières n'arrange rien à l'affaire.

Le principal doute repose cependant sur la réelle adhésion des clients à ce changement drastique qu’on voudrait leur imposer. Malgré les multiples mécanismes mis en place pour les favoriser, et des constructeurs qui leur donnent désormais la priorité dans les livraisons pour réduire leurs émissions de CO2 et éviter de lourdes amendes, les voitures électriques n’ont en effet pas encore atteint les 10 % de part du marché en 2021 en France. Avec une proportion légèrement supérieure chez Renault par rapport à Peugeot : 12,1 % au lieu de 8,3 %. L’absence de solution de recharge à domicile ou au travail pour de nombreux acheteurs, notamment la plupart de ceux qui vivent en copropriété, explique évidemment en partie cette situation.

Mais les modèles thermiques ou hybrides gardent aussi pour l’instant un net avantage côté prix, et la parité tarifaire entre les deux types de motorisation n’est pas attendue avant 2025-2026, au mieux. Sachant qu’elle passera aussi par un renchérissement général des voitures neuves sous la pression des normes antipollution et sécuritaires, qui pourrait obliger certains clients à se tourner vers l’occasion ou à garder leur véhicule plus longtemps. Ajoutez-y la flambée actuelle du coût des matières premières qui se répercute sur les batteries, et la future Renault 5, initialement prévue à moins de 20 000 €, pourrait finalement plutôt être facturée entre 22 et 24 000 € minimum !

À LIRE. Voitures électriques : faut-il craindre une pénurie de batteries ?

 

Les Clio et 208 thermiques feront de la résistance

peugeot 208 restylée 2023
Après un premier restylage en 2023, assez classique dans la carrière d'un modèle, l'actuelle Peugeot 208 devrait recevoir un deuxième gros lifting pour épauler la troisième génération 100 % électrique.
renault clio e-tech hybride
Un temps menacée par l'arrivée de la Renault 5, la Clio aura finalement droit en 2026 à une sixième mouture, qui n'existera plus qu'avec la nouvelle motorisation 1.8 E-Tech hybride.

Pour toutes ces raisons, les deux marques ont donc prévu une stratégie permettant d’éviter une possible catastrophe industrielle et commerciale. Chez Peugeot, cela passera notamment par un maintien au catalogue de l’actuelle 208 bien après l’arrivée de sa remplaçante. Une tactique déjà employée par une autre marque du groupe Stellantis, Fiat, avec sa 500.  Pour faire bonne figure, bien après avoir passé l’âge de la retraite, la citadine au Lion aura cependant droit à un deuxième lifting, assez important. Tandis que sa production sera exclusivement assurée à Kénitra, au Maroc, permettant d'amortir davantage les coûts. Sous son capot, on trouvera le nouveau trois-cylindres 1.2 PureTech, dont la sortie est prévue en 2023 et qui sera prédisposé pour la norme antipollution Euro 7 (2026). Quant à Renault, il a revu son plan produits récemment pour y ajouter une Clio 6. Cette dernière s’apparentera plutôt à une grosse évolution du modèle actuel et devrait être uniquement disponible en hybride, avec un nouveau 1.8 E-Tech. Elle permettra ainsi d’offrir une alternative moins onéreuse à la R5… y compris après 2030 si les acheteurs sont encore suffisamment nombreux !

À LIRE. Les constructeurs qui passent au 100 % électrique en 2030 en Europe

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Commentaires
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sprinteur

C'est le client qui choisit, si il y a de la demande pour des véhicules thermiques en 2030, ne serait-ce que pour les 4x4 ou vrais véhicules baroudeurs (pas beaucoup de bornes de charge pour traverser le Sahara), les constructeurs continueront d'en proposer. Mais l'effort principal doit porter sur la limitation des déplacements et la sobriété, c'est mal parti quand on voit les constructeurs se contenter de remplacer des véhicules thermiques par des électriques toujours plus lourds et plus chers. Les copropriétés sont juste en retard: la plupart ont des parkings et les premiers VE sont apparus il y a 10 ans maintenant, installer des prises ce n'est pas la mer à boire.

VotrePseudo

On peut imaginer que d'ici 8 ans il y aura de gros progrès sur les voitures électriques, l'autonomie notamment. Et peut-être une baisse des prix mais rien de sûr quand on voit la forte augmentation actuelle des prix des matières premières. Restera à produite toute cette électricité, et là encore sans augmenter les prix, une gageure alors qu'on est déjà en déficit de production et qu'il faudra bien que l'Etat récupère la TIPP... Perso j'attends de voir.

ChristophedeN

C'est un jeu de poker menteur entre les constructeurs et l'Union Européenne. Cette étude d'avril 2022 de l'Ademe démontre que la marche forcée vers l'électrique est une monumentale ERREUR : Conclusion : "La réduction des émissions de CO2 pour atteindre la neutralité carbone en 2050 nécessite la mise en oeuvre d'actions ou de changements de comportement qui vont également contribuer à réduire les émissions de particules de frein, pneu et chaussée : • Allègement des véhicules -> pneu moins large • Véhicules électriques -> freinage régénératif • Éco-conduite -> accélération et décélération moins fortes • Réduction des vitesses limites autorisées -> freinage moins fort • Baisse des déplacements en véhicule individuel -> diminution globale de la circulation • Privilégier les modes actifs -> rupture dans les émissions de particules d’abrasion Ainsi, les synergies qui peuvent apparaître entre la réduction des émissions de CO2 des transports et celles des PHE, et la mise en place d’une réglementation sur les émissions de PHE, devraient permettre de voir dans le futur les émissions de particules hors échappement baisser." PHE = Particule Hors Echappement. Sachant que l'ADEME ne pouvant pas écrire que la VE est une aberration formule une incohérence : l'électrique à batterie ne va pas de pair avec allégement des véhicules, l'électrification (même légère) éventuellement amenant le freinage régénératif. Au passage on notera ce passage "Pour les véhicules lourds et les engins non routiers, des ralentisseurs pneumatiques (Jacobs Vehicle Systems), hydrauliques (Voith, ZF) ou électromagnétiques (Telma) réduisent également la puissance du freinage mécanique, jusqu’à 90 %, en dissipant l’énergie de freinage respectivement par l’augmentation du frein moteur, l’entrainement d’une turbine freinée et la génération de courants de Foucault ". Le ralentisseur hydraulique (dont vous faites état dans votre article de 2014 sur le Renault T11) cela me fait inévitable penser à l'hybrid air de PSA qui était en fait de l'hybridation hydraulique qui a été sacrifiée par dogmatisme : hybride = électrique. Les constructeurs automobiles européens le savent et ont donc tout intérêt à être dans l'annonce de celui qui respectera le plus tôt la règle du 100 % électrique. Seulement la norme Euro 7 ne pouvant pas faire l'impasse sur l'abrasion va rebattre les cartes. Les constructeurs pourront alors faire un véritable procès en incompétence aux politiques européens qui les auront induit dans cette monumentale ERREUR. Si la norme Euro 7 n'intègre pas l'abrasion quoiqu'il arrive c'est la responsabilité de la Commission qui sera remise en cause, commission qui assigne les états vis-à-vis de la pollution mais qui est bien incapable de faire des règles intégrant l'ensemble de la pollution. Cela va être passionnant mais en attendant personne ne dit aux autosolistes qu'il va falloir qu'ils abandonnent leur bagnole. "Le président de PSA se lance alors dans une longue réponse, qui constitue la première partie du post Facebook condensant ses propos : « On est en train d’évoluer d’un monde où la technologie était neutre vers un monde où on nous instruit d’aller dans la direction du véhicule électrique. Simplement, si on nous donne l’instruction de faire des véhicules électriques, il faut aussi que les administrations et les autorités assument la responsabilité scientifique du fait qu’ils nous ont instruit de faire des véhicules électriques. » « Parce que je ne voudrais pas que dans 30 ans on ait découvert, les uns ou les autres, quelque chose qui n’est pas aussi beau que ça en a l’air" Et voilà on y est. "Carlos Tavares opère dans la foulée une distinction entre son profil de président de PSA et son point de vue personnel : « En tant que citoyen, je serais rassuré par le fait que ce sont les administrations qui prennent la responsabilité scientifique du choix de la technologie. En tant qu’entreprise, je me dois évidemment d’être conforme à toutes les régulations, je le suis et je continuerai à l’être, mais c’est un changement important, sociétal »." Propos de 2017 clairvoyants.

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