Peugeot Hypercar (2022). Dans les coulisses du retour aux 24H du Mans
En septembre 2020, Peugeot Sport a annoncé son retour en endurance. Toutefois, l'écurie ne se frottera pas à Alpine et Toyota dès cette année. Elle rejoindra le championnat du monde en 2022 pour laisser à ses équipes le temps de préparer une hypercar « pour gagner ». Bienvenue en coulisses.
Jean-Eric Vergne démarre l'aventure Peugeot Hypercar avec le sourire !
Peugeot Sport
[Mise à jour du 18/03/2022] Après la genèse du projet, L'argus vous plonge au coeur des essais de développement de la Peugeot 9X8. Nous étions sur le circuit du Castellet pour ses essais de durabilité. Les responsables de l'écurie nous ont révélé les secrets de conception de l'hypercar ainsi que les projets qu'ils avaient pour la voiture. Celle-ci rejoindra le WEC en 2022 mais ne participera aux 24 Heures du Mans qu'à partir de 2023.
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C’est déjà la course chez Peugeot Sport ! À un an de son retour en championnat du monde d’endurance, le constructeur est déjà à pied d’œuvre. Des mécaniciens aux pilotes en passant par les ingénieurs motoristes… On fourmille déjà au 19 allée des marronniers à Versailles-Satory, le pôle compétition du groupe Stellantis. L’argus fait partie des quelques médias internationaux à avoir pu franchir les portes du site. L’occasion de découvrir les coulisses de l’aventure et de vous les faire partager…
Une voiture en bois en guise de prototype
Notre visite, menée tambour battant par la pétillante Cécile Estenave, la patronne de la communication de la division Motorsport, commence par la visite d’une petite pièce au fond de l’atelier. À l’abri des regards, dans un espace où seule une poignée de privilégiés est invitée à pénétrer, une dizaine de mécaniciens et d’ingénieurs s’affairent. À leurs côtés, Jean-Eric Vergne, l’un des 7 pilotes titularisés pour prendre part à la saison 2022.
Il est installé dans une « voiture en bois », qui s’apparente davantage à une caisse à savon qu’au cockpit d’une future hypercar. Pourtant c’est dans cette maquette de fortune que beaucoup de choses se dessinent ! Les membres de l’équipe relèvent les premières cotes qui vont permettre d’élaborer un poste de pilotage adapté à tous les pilotes.
“C'est une méthode artisanale mais indispensable, concède Cécile Estenave.“
Dans un siège baquet, moulé le matin même de leur 1ère venue, les pilotes livrent leurs premières impressions sur la position de conduite (pédalier, volant…) et l’ergonomie globale. « Autrement dit tout ce qu’on ne sait pas (ou pas bien) faire sur la CAO* », explique Olivier Jansonnie, le directeur technique de Peugeot Sport. « La position de conduite entre une LMP1 et les futures LMh est très différente », explique-t-il. « On a des pilotes moins couchés, plus assis, avec des jambes plus basses, et non plus relevées comme dans une monoplace ». Grâce à ces premiers retours, et à l’expérience acquise avec la 908 HDi FAP, Peugeot peut lancer la mise en fabrication de certaines pièces et poursuivre le développement de son bolide.

Le simulateur pour se familiariser avec les pilotes
À ce stade, la voiture devient de plus en plus concrète après presqu’un an de pré-étude 100 % virtuelle. Depuis le mois de janvier, les équipes travaillent activement avec le simulateur. Tour à tour, les pilotes s’installent dans la reproduction d’une coque de 908 avec un volant et un pédalier conformes à la réalité. Le cockpit n’est pas monté sur vérins pour une question de coût et de facilité d’usage. Une configuration certes « moins optimale » admet Peugeot Sport, mais qui a su démontrer tout son potentiel chez les confrères de DS qui l’utilisent pour développer leur Formula E depuis 2015.

Un écran de 6 m (180°) fait face au pilote. Pour l’heure, seuls deux circuits ont été modélisés (Le Mans et Silverstone). Au travers de ces premiers roulages virtuels, la dizaine d’ingénieurs en salle de contrôle amasse une somme d’informations sur les habitudes, les qualités et les préférences du pilote avec différentes configurations de piste (pluie, vent, revêtement…). En moyenne, sur une journée de simulateur, un pilote peut boucler jusqu’à 100 tours de circuit.

À mesure que les développements techniques (châssis/moteur) se poursuivent, le simulateur évolue. Il est indispensable tout au long du programme puisqu’il permet de régler/développer le véhicule, mais également de préparer les courses et les différentes stratégies envisagées.
Soulignons que la nouvelle règlementation du WEC prévoit qu’un véhicule homologué à compter de 2021 n’est plus modifiable jusqu’en 2025. Peugeot Sport ne veut prendre aucun risque et se réserve même le droit de ne pas engager son véhicule en 2022 en cas de défaut de conception. Rassurez-vous pour l’heure, tout tourne comme une horloge !

Le V6 bi-turbo le premier
Peut-on en dire autant du moteur ? Mystère… À l’heure de notre visite, le bloc était bel et bien prêt à pousser son premier cri mais ne l’a pas fait. « Question de réglages du banc moteur », explique Peugeot qui a choisi de « ne pas se mettre la pression ». L’entité PSA Motorsport (qui regroupe les divisions sportives de Citroën, DS, Peugeot et Opel) se partage 4 bancs moteur (3 thermiques, 1 mixte). « C’est le nerf de la guerre », explique Cécile Estenave, la directrice du pôle communication.

Les bancs permettent de développer un bloc et de le fiabiliser sans avoir à réaliser de coûteuses sessions de déverminage sur piste. Comprenez que même si l’investissement est important au départ, il est vite rentabilisé ensuite. « C’est ce qui peut faire la différence entre deux écuries », ajoute-t-elle. Dans une premier temps, le V6 essence biturbo est testé seul selon un protocole établi pendant au moins 3 semaines, après quoi il sera entièrement démonté et analysé. « Le rôle du motoriste est de régler les bons paramètres de base pour que le moteur soit dans les meilleures dispositions », nous explique l’un des ingénieurs qui a fait partie de l’aventure 908.

Rapidement, les ingénieurs vont lancer des sessions de roulage de plus en plus longues jusqu’à atteindre le cap des 30 heures non-stop. Ces marathons, représentatifs d’un week-end de course comme les 24H du Mans, seront réalisés à un rythme « de tour de qualif' », nous explique un membre de l’équipe Peugeot. « Ce qui n’arrivera jamais ! », plaisante-t-il. Durant ces essais, des variations de température et un encrassage progressif du moteur seront simulés.
“À l’issue de son passage au banc, « le bloc sera validé pour parcourir une distance de 10 000 km, soit le double de ce qu’il est censé faire sur une épreuve comme Le Mans », détaille l’un des ingénieurs motoristes.“
Les équipes tiennent les délais
Lorsque le moteur thermique aura donné pleinement satisfaction aux équipes, ce sera au tour de la boîte de vitesse d'être testée (septembre). L'ensemble moteur/boîte réalisera ses premiers tests communs en octobre prochain. Puis en novembre, le duo rejoindra le nouveau banc GMP (groupe motopropulseur) où il sera couplé au moteur électrique de 200 kW (partagé avec la Formula E DS) ainsi qu’à la transmission intégrale.

Ce banc permet d'effectuer des tests complets « comme sur une voiture », nous explique-t-on. Les premiers essais sur piste n'interviendront qu'en décembre, si tout se déroule comme prévu. N’oublions pas que les hypercars développent une puissance maximale de 500 kW (l'équivalent de 680 ch) et qu'elles sont dotées de 4 roues motrices non-permanentes. Le bolide sera électrique, et stricte propulsion lors de ses passages aux stands. À ce jour, Peugeot Sport assure qu’il tient les délais et qu’il n’accuse aucun retard dans le développement.

