Peugeot. L'automobile du futur selon Matthias Hossann, chef du design
Après avoir affirmé ses ambitions concernant le design de la marque Peugeot, qu'il dirige depuis juillet 2020, Matthias Hossann nous livre dans un entretien sa vision plus générale du monde de l'automobile : environnement, électrification, conduite autonome, SUV...
Matthias Hossann, nouveau patron du design Peugeot, livre sa vision globale sur le monde de l'automobile.
Matthias Hossann est certes patron du style d’une marque, mais il n’en est pas moins ouvert à l’ensemble de l’univers automobile, à ses tendances, à ses contraintes. Ainsi, après nous avoir donné les pistes de ses ambitions pour l’avenir du design de Peugeot, il nous livre son point de vue plus global sur ce monde en perpétuel mouvement.
Le design et l'électrification ou la conduite autonome
L’argus - Comment intégrez-vous les contraintes liées à l’environnement pour parvenir à proposer des véhicules attractifs ?
Matthias Hossann : C’est un élément sur lequel nous sommes extrêmement challengés. Et chez Peugeot nous avons décidé de mettre la performance au cœur d’un nouveau langage formel. Nous jouons avec certaines contraintes, comme l’aérodynamique. La notion de matériau est également très importante : nous devons rechercher quelles seront les matières responsables de demain.

L’argus - Comment l’électrification peut-elle servir le design ?
Matthias Hossann : Auparavant, la différenciation entre les marques haut de gamme et les généralistes se résumait souvent au nombre de cylindres qu’il y avait sous le capot. Demain, nous aurons probablement tous des offres électriques. Ainsi la performance, au sens classique du terme, sera-t-elle moins visible qu’avant, et il y a un danger à lisser l’expression des marques. C’est extrêmement intéressant pour un designer car il nous faut être fort sur l’esthétique et sur l’expérience globale du véhicule. C’est pour cela que nous nous projetons dans le futur pour savoir quelle expérience nous voulons faire vivre à nos clients.

L’argus - L’automobile deviendra-t-elle encore plus complexe à dessiner à l’avenir, ou bien les nouvelles technologies, comme l’électrification et la conduite autonome, offriront-elles plus de libertés ?
Matthias Hossann : La voiture électrique devrait nous libérer de certaines contraintes, notamment grâce à la taille des moteurs ou à l’organisation des batteries. La conduite autonome devrait nous permettre de proposer de nouvelles proportions car nous n’aurons plus besoin de blocs qui sont aujourd’hui absolument nécessaires, par exemple pour les chocs piétons. Ces nouvelles technologies feront naître des sortes de « pods » (ndlr, des véhicules autonomes sans forme définie) pour les systèmes d’auto-partage ou pour de la pure fonctionnalité. Mais chez Peugeot nous pensons qu’il y aura toujours un aspect émotionnel. Le concept e-Legend était un manifeste pour lutter contre cette vision d’objets froids et sans émotion. C’est aussi l’avantage des plates-formes électriques : une même base pour des objets différenciants.
Les tendances stylistiques de demain

L’argus - Le SUV est très tendance, mais avez-vous déjà imaginé le monde d’après ?
Matthias Hossann : Ce sont forcément des sujets sur lesquels nous travaillons. Pour le client, le SUV est, en quelque sorte, le meilleur des mondes : l’assise est haute, rassurante. Elle permet de dominer la circulation. Elle est aussi intéressante question chargement. Et puis la silhouette reste hyper désirable, à l’opposé du monospace qui l’était nettement moins. Mais ce sujet va probablement muter dans les années à venir. Il y a donc des choses à inventer autour de ça : l’électrification, qui va s’intensifier, sera une opportunité pour rendre différents nos véhicules.
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L’argus - Comment proposer un design qui ne se démode pas rapidement ?
Matthias Hossann : Je crois vraiment aux proportions avant tout. Pour bien vieillir un objet doit être bien équilibré, attractif sans trop en dire. Je ne crois pas aux gimmicks de style. Il ne faut pas avoir un objet surchargé d’un point de vue intentions, sinon il vieillira très vite. Je ne dis pas qu’il ne faut pas de lignes de caractère pour donner de la tension, pour cintrer le véhicule. Mais en général, quand je discute avec les designers, j’en retire plutôt que j’en ajoute.
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L’argus - La voiture pourrait-elle vivre ce que le cheval a vécu au début du XXe siècle et ne devenir qu’un objet de loisir ?
Matthias Hossann : Au sortir du premier confinement, nous avons tous eu un vrai besoin d’évasion. Nous n’avions plus accès aux trains ou à l’avion. Finalement, le seul objet qui nous a permis de retrouver cette liberté, c’est la voiture. Je crois vraiment en ces valeurs : pouvoir être libre, voyager de manière indépendante et la plus sécurisante possible. Je pense que l’automobile a encore de beaux jours devant elle. Mais elle doit se réinventer au regard des nouveaux challenges de demain. Pour un designer, c’est juste fabuleux. Nous vivons une époque charnière comme jamais nous n'en avons vécue auparavant dans l’automobile. Certains parlent de faire cohabiter les contraintes, mais j’y vois la possibilité de superbes opportunités pour réinventer de nouveaux objets. Je pense que demain l’automobile sera l'un des objets les plus technologiques.