Pollution de l'air. Les vignettes Crit'Air et bonus-malus inefficaces
Un rapport de la Cour des comptes affirme que les mesures prises pour lutter contre la pollution de l'air, comme les vignettes Crit'Air ou le bonus-malus écologique, seraient peu efficaces. En cause : un système théorique trop éloigné de la réalité, qui privilégie parfois les modèles plus polluants.
Selon un rapport de la Cour des comptes, les dispositifs mis en place par l'Etat, tels que la vignette Crit'Air ou le bonus-malus, seraient inefficaces dans la lutte contre la pollution de l'air.
ALEXANDRE NICOLAS, WWW.K-ALEX.COM
Fin septembre, le nouveau barème du bonus-malus a été dévoilé avec à la clé une grille toujours plus pénalisante pour les véhicules thermiques neufs. Mais selon un rapport de la Cour des comptes commandé par la Commission des finances du Sénat, ces mesures censées lutter contre la pollution seraient insuffisantes, voire contre-productives, car basées sur des normes antipollution qui ne reflètent pas la réalité.
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Ainsi, huit ans après la mise en place de la norme Euro 5 et quatre ans après celle de la norme Euro 6, les émissions de CO2 et de certains polluants des moteurs diesels dont l'azote augmentent. Depuis 2016, cette progression est même exponentielle. Malgré la généralisation des filtres à particules (même sur les moteurs essence désormais), les chiffres ne sont pas aussi bons qu'espérés : l'étude affirme que les véhicules diesels immatriculés depuis 2014 émettent 6 à 7 fois plus de dioxyde d’azote en conditions réelles.

La Cour des comptes affirme notamment que les émissions de CO2 théoriques des moteurs sont très éloignées des conditions réelles. Les véhicules diesels immatriculés depuis 2014 émettent ainsi 6 à 7 fois plus de dioxyde d'azote que la limite autorisée.
Une vignette Crit'Air et un bonus-malus peu pertinents
Ces normes Euro servent ainsi à la classification de la vignette Crit'Air, dont la pertinence est remise en question par l'étude. En effet, cette classification des véhicules en fonction de leurs rejets de CO2, qui autorise l'accès dans certaines zones à faibles émissions (ZFE) et des aides gouvernementales supplémentaires, est trop portée sur les chiffres en théorie mais oublie la pratique et les rejets d'autres particules fines. Le rapport prend en exemple les diesels des normes Euro 3 à Euro 6, en montrant que les normes théoriques et les rejets réels d'azote sont très éloignés. Par exemple, un diesel Euro 5 classé Crit’air 2 émet ainsi en réalité la même quantité d’oxydes d’azote qu’un diesel Euro 4, classé Crit’air 3. Ainsi, l'échelle des vignettes Crit'Air ne correspond pas à ce qui était prévu au départ.

Le même problème se pose pour le bonus-malus, encore une fois trop porté sur les émissions théoriques de CO2 et non sur les conditions réelles. Si des progrès ont été faits avec la nouvelle norme d'homologation sur le cycle WLTP, plus adapté à la conduite en situation réelle, le chiffre théorique du taux d'émissions de CO2 est encore loin du taux exact en circulation. C'est d'autant plus le cas avec les hybrides rechargeables : vendus avec des consommations et émissions de CO2 extrêmement faibles, ils consomment davantage d'essence lorsqu'ils ne sont pas chargés régulièrement à cause du poids des batteries embarquées et inutilisées.
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Des mesures contre-productives ?
Enfin, l'étude pointe du doigt des outils mis en place qui auraient des effets contre-productifs. C'est notamment le cas de l'AdBlue, un liquide utilisé pour les moteurs diesels depuis quelques années pour réduire les rejets de NOx, ou bien du filtre à particules, qui contribuerait à émettre plus d’oxydes d’azote selon l'étude. Ce dernier nécessite une certaine température de gaz d’échappement pour fonctionner, ce qui exclut les courts trajets en ville par exemple et les rend deux fois plus polluants qu'un trajet longue distance. De plus, les filtres à particules (essence comme diesel) rejettent des quantités considérables de particules lors des phases d’auto-nettoyage, qui brûlent les dépôts de suies et de particules piégés dans le pot, allant jusqu'à 1 000 fois plus qu'en usage normal.
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Les recommandations de la Cour des comptes
Fort de ces constats, la Cour des comptes termine son rapport en proposant plusieurs recommandations. Parmi les options proposées, le retour sur la table d'un malus au poids. Celui-ci, déjà évoqué mais retoqué par le gouvernement lors du Projet de Loi Finance (PLF) 2021, permettrait de favoriser les plus petits véhicules (même électriques et hybrides) peu consommateurs face aux SUV actuellement.
La Cour des comptes voudrait également revoir la classification Crit'Air en se basant sur les émissions réelles de polluants atmosphériques et de CO2 des véhicules. Cela permettrait ainsi de mieux définir l'accès aux zones à faibles émissions, qui sont aujourd'hui au nombre de trois (Paris, certaines communes limitrophes du Grand Paris et Grenoble) et devraient être étendues selon l'étude.