Renault Cléon. Les moteurs et boîtes de vitesses fabriqués dans l’usine normande
L’usine de Cléon, en Normandie, a valu son surnom au célèbre quatre-cylindres « cléon-fonte », utilisé par Renault durant trente-six ans. Mais bien d’autres moteurs, y compris électriques, et des boîtes de vitesses y ont été assemblés. Retour sur l’histoire de cette manufacture créée en 1958.
Depuis 1958, l'usine de Cléon fabrique des boîtes de vitesses, puis des moteurs pour Renault. L'argus revient sur la riche histoire de ce site industriel basé en Normandie.
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Certains moteurs sont entrés dans la postérité. C’est le cas du fameux « cléon-fonte ». Apparu en 1962 sur la Renault Floride, ce quatre-cylindres essence sera encore utilisé par la Twingo 1 jusqu’en 1996. En Europe de l’Est, une évolution de cette mécanique survivra même jusqu’en 2006 dans le pick-up 1307, dérivé de la R12. Ce bloc tire son surnom du matériau employé pour le fabriquer et de l’usine où il a été assemblé pour la première fois. C’est en effet dans la ville de Cléon, en Seine-Maritime, qu’il a commencé à être produit dès 1960. Ce moteur C ou moteur Sierra (ses appellations officielles en interne) n’est toutefois pas le premier organe à être sorti de cette manufacture normande inaugurée par Renault en 1958.
Une boîte et deux moteurs pour commencer
Tout a débuté par des boîtes de vitesses de Dauphine et de 4CV. Le fameux cléon-fonte est donc arrivé juste deux ans après, dans un nouveau bâtiment créé pour l’accueillir. Il a connu de nombreuses évolutions et animé d’innombrables modèles. Y compris des sportives devenues mythiques, comme la première Alpine A110, la R8 Gordini ou la R5 Turbo. Certaines sources indiquent qu’il a été fabriqué à plus de 27 millions d’unités au cours de son interminable carrière.
Mais Renault n’a malheureusement pas pu nous confirmer ce chiffre assez impressionnant, qui semble aussi inclure la production effectuée dans d'autres sites. À partir de 1965, ce bloc en fonte a dû cohabiter avec le moteur A. Une lettre qui désigne un passage à l’aluminium pour plus de légèreté. Ce nouveau quatre-cylindres en ligne est apparu dans la familiale Renault 16 et perdurera jusqu’en 1986. Malgré une conception plus onéreuse qui limitera sa diffusion, ce « cléon-aluminium » sera produit à plus de 3,2 millions d’unités.
1981 : la grande famille des moteurs F débarque
Il faudra ensuite attendre 1981 pour voir arriver du nouveau dans l'usine normande. Les premières boîtes de vitesses de type J, dotées de cinq rapports et fabriquées à plus de 21 millions d’unités jusqu’en 2017, débarquent pratiquement en même temps qu’une nouvelle famille de moteurs, portant la lettre F. Cette dernière démarre classiquement par de l’essence avec le F2N, le 2 étant synonyme de carburateur alors que le N désigne la cylindrée. Ce « gros » 1.7 viendra d’abord épauler le cléon-fonte sur les R11 et R19, avant d’équiper les Super 5, R19, R21, la Clio 1 et diverses Volvo. Mais, sur la même ligne d’usinage de culasses, un diesel baptisé F8M va aussi très vite voir le jour. Une première pour Cléon, qui ne sait pas encore l’importance que prendra ce type de motorisation à l’avenir. Dans un premier temps, seul le duo R9 et R11 profite de ce 1.6 atmosphérique, avant son arrivée sur la Super 5.
Cette famille F, uniquement fabriquée dans l’usine normande, va faire preuve d’une diversité extrême et subsister jusqu’en 2021 pour les besoins de certains marchés. Au total, elle sera produite à plus de 14,5 millions d'unités. C'est encore elle qu’on retrouvait dans la Mégane 3 RS entre 2010 et 2016, avec un turbo et 275 ch en fin de carrière. C’est aussi elle qui donnera naissance au premier moteur à 16 soupapes de Renault, le F7P, employé par la R19 16S à partir de 1990. Elle accueillera également le premier diesel à injection directe du Losange, un 1.9 baptisé F9Q et inauguré par la Mégane 1 en 1997.
1994-2015 : le règne du diesel
Dès 1996 Cléon accueille en parallèle une autre famille de moteurs, cette fois uniquement alimentée au gazole et portant la lettre G. Elle débute par un 2.2 turbodiesel introduit dans la Laguna 1. Un peu avant, en 1991, le site avait commencé à fabriquer les boîtes de vitesses manuelles P, dotées de cinq ou six rapports selon les applications. Une activité qui se poursuit encore aujourd’hui, avec une production frisant déjà les 8 millions de transmissions. Au début des années 2000, le diesel atteint son apogée dans les ventes. Comme bien d’autres à l’époque, Renault n’a donc presque plus d’yeux que pour lui.
Le premier moteur développé en commun avec Nissan, le M9R, opte ainsi pour ce carburant. Il est lancé en 2005 et vous le connaissez sans doute mieux sous le nom de 2.0 dCi. Le premier V6 de Cléon, le V9X, est également allergique à l’essence. On retrouvera ce 3.0 dCi dans les Espace 4 ou Laguna 3, mais aussi dans certains Infiniti, la marque « premium » de Nissan, importée brièvement en Europe. Même Mercedes y aura recours pour son éphémère pick-up Classe X, cousin des Renault Alaskan et Nissan Navara. Le dernier-né des moteurs thermiques de l’usine restera cependant un quatre-cylindres, le R9M, un 1.6 dCi lancé en 2011 sur les Mégane et Scénic 3. Il développera jusqu’à 190 ch dans ses versions biturbo.
Depuis 2015 : l’électrique monte en puissance
Déclenché par une triche aux émissions polluantes de Volkswagen, le scandale du dieselgate en 2015 va mettre fin à cet engouement pour le diesel de manière assez abrupte. Heureusement, c’est cette année-là que Cléon accélère sa reconversion, en commençant à fabriquer le moteur électrique 5AX de la Zoe. Ce dernier peut se prévaloir d’avoir été le premier de son espèce à faire l’économie des onéreuses terres rares, grâce au remplacement du traditionnel aimant par un rotor bobiné. Une technologie encore employée aujourd’hui sur le bloc 6AM de 220 ch qui anime la Mégane E-Tech électrique depuis 2022 et qui est aussi « made in Normandie ».
D’autres composants importants, tels que des onduleurs et des transformateurs de courant, sont fabriqués au même endroit. Tout comme le moteur électrique 5DH employé dans les hybrides du Losange. Même si les projecteurs se braquent plutôt vers Douai et Maubeuge, qui assembleront les futures R5 et R4 au sein du pôle ElectriCity de Renault, Cléon est donc un site important dans la stratégie d’électrification de Renault. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à produire massivement des blocs thermiques et des boîtes de vitesses manuelles, son activité historique appelée à perdurer encore un certain temps.
Les moteurs et boîtes produits à Cléon depuis 1958 (juillet 2022)
Moteurs thermiques
Famille de moteurs | Années de production | Nombre de moteurs produits |
Moteur C (« cléon-fonte ») | 1958-1996 | Inconnu* |
Moteur A (« cléon-alu ») | 1965-1986 | 3,24 millions |
Moteur F (essence et diesel) | 1981-2022 | 14,534 millions |
Moteur G (diesel) | 1996-2012 | 1,865 million |
Moteur V (diesel) | 2008-2016 | 55 500 |
Moteur R (diesel) | Depuis 2011 | 2,536 millions |
Moteur M (diesel) | Depuis 2005 | 4,383 millions |
* Certaines sources parlent de plus de 27 millions, mais Renault n'a pas pu nous confirmer ce chiffre. En outre, il semble inclure les moteurs C produits ailleurs qu'à Cléon.
Moteurs électriques
Famille de boîtes | Années de production | Nombre de boîtes produites |
Boîtes Dauphine/4CV | 1958-nc | nc |
Boîtes J (5 rapports) | 1981-2017 | 21,240 millions |
Boîtes P (5 ou 6 rapports) | Depuis 1991 | 7,952 millions |
Composants électroniques pour véhicules électriques
Famille de composants | Années de production | Nombre de composants produits |
Boîtier d'interconnexion (junction box) | 2012-2020 | 49 000 |
Boîtier de conversion courant continu (DC Box) | Depuis 2019 | 92 900 |
Onduleur (PEB) | Depuis 2020 | 382 000 |