Il était une fois la 4CV… L’histoire commence dans les années 1940. La France est occupée. Chez Renault, l’usine de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) tourne à plein régime pour le compte de l’armée allemande, à qui elle fournit (sous la contrainte) des véhicules militaires et des blindés. Les ingénieurs du constructeur ont alors interdiction de plancher sur de nouveaux projets automobiles. Mais trois d’entre eux, Fernand Picard, Charles-Edmond Serre et Jean-Auguste Riolfo, vont réfléchir dans le plus grand secret – à l'insu de Louis Renault – à un nouveau modèle petit et économique. Ils l’imaginent à la fois sobre en carburant et répondant aux différentes contraintes de pénurie de matières premières.
Une 4CV développée dans le plus grand secret
Jean-Louis Pichafroy, le responsable technique de Renault Classic, raconte la suite : « L’histoire dit que Louis Renault s’est rendu compte que quelque chose se tramait en tombant sur une pièce qui n’avait aucun lien avec la production d'alors. » Après avoir avoué travailler sur un projet de véhicule, les ingénieurs reçoivent le feu vert du patron pour poursuivre leurs recherches. En 1943, un premier prototype – influencé par le design de la Coccinelle (présentée en 1938) mais pas aussi séduisant – est discrètement mis au point. Deux autres suivront, le dernier étant celui qui sera le plus proche de la future berline de série avec ses quatre portes.

Grâce à ce travail clandestin, Renault a une longueur d’avance sur ses concurrents. À la sortie de la guerre, il détient un projet abouti de petite voiture prête à être industrialisée ! C’est Pierre Lefaucheux, nommé P-DG de la Régie Renault après la mort de Louis Renault en 1944, qui prend la décision de lancer la 4CV. La voiture, symbole du renouveau de la marque, est présentée en septembre 1946. Mais, faute de matières premières, la production ne débute qu’en août 1947.
De la série à la compétition…

L'intérêt pour la petite Renault se confirme dès le Salon de Paris 1947. Son format et ses lignes rondes séduisent, tout comme sa couleur. Cette teinte jaune, tirée d’un stock de peinture récupéré après la guerre, lui vaut le surnom de « motte de beurre ». En 1948, la 4CV s’essaie (avec succès) à la compétition. Cinq pilotes privés brillent à son volant sur la course de côte du mont Ventoux en s’octroyant les cinq premières places.


La 4CV sera ensuite engagée sur la Coupe des Alpes (point d’étape clé de la création de la marque Alpine par Jean Rédélé), le Tour de France automobile ou encore au Monte-Carlo, où Louis Rosier et son fils s’adjugent la victoire. En 1949, après dix ans d’interruption, les 24 Heures du Mans sont de retour ! Quarante-neuf équipages sont au départ, dont la 4CV à peine modifiée de Camille Hardy et Maurice Roger. L’auto frappée du n° 57 va entrer dans la légende en devenant le premier modèle à moteur arrière à prendre part à la compétition. Malheureusement, le bolide de 32 ch abandonnera 21 tours après le départ, victime d’une panne mécanique.

La 4CV sous la passerelle Dunlop.
L’arrivée de la « sportive » 1063

En 1950, cinq pilotes privés s’engagent sur la classique mancelle. Trois franchiront la ligne d’arrivée, signant au passage un triplé dans leur catégorie. Ces performances donnent des idées à Renault. En 1951, la Régie commercialise une variante sportive de la 4CV baptisée 1063. Elle bénéficie d’un moteur entièrement retravaillé et plus performant : il offre 35 ch. Par ailleurs, les trains, la direction et l’amortissement sont modifiés. Moins de 100 unités vont voir le jour. Cette année-là, quelques exemplaires prennent le départ aux couleurs d’écuries privées, mais pas que ! Renault, jusqu’alors hermétique à l’idée de participer à cette compétition, se lance à son tour dans l'aventure en engageant une voiture usine. Décision qu’il réitère en 1952, avec un modèle de 43 ch capable d’atteindre 105 km/h en pointe, et en 1953. Lors de cette édition, une seule auto rallie l’arrivée. Le constructeur au losange décide finalement d’arrêter les frais.
Une 4CV au Mans Classic


La 4CV engagée au Mans Classic 2022 n’est pas une 1063. Trop rare ! Renault Classic a donc choisi de préparer une 1062 avec un look proche de celui du modèle n° 46 engagé en 1950. D’ailleurs, en clin d'œil, le modèle confié par le constructeur à la rédaction de L’argus porte le même numéro. « Comme il s’agissait d’autos privées, chacun faisait ce qu’il voulait en matière de déco. Celle-ci avait la particularité d’avoir des phares un peu comme la 1063, mais positionnés différemment. Et les moustaches avaient été retirées », explique Jean-Louis Pichafroy.

Pour répondre au cahier des charges techniques du Mans Classic, les équipes de Renault ont amené de la sécurité avec la greffe d'arceaux et augmenté le niveau de performances global. Au menu : amélioration du freinage avec un double circuit, modification des trains avant et arrière, amortissement revisité… Le poids de l'auto n'excède pas 600 kg. La puissance n'a pas été communiquée.

« Ces transformations ont été réalisées dans la limite et le respect des règles du passeport technique », souligne le responsable de Renault Classic. Et pour valider les modifications opérées à la « bombinette », Renault Classic a fait appel à l’un de ses anciens pilotes, aujourd’hui metteur au point, Alain Serpaggi. « La 4CV c’est un vieux souvenir pour moi, confie-t-il. La première fois que je suis monté dans cette voiture, c’était dans les années 1950. Mes parents venaient d’acheter une 4CV après leur Renault Monaquatre. C’est le seul souvenir que j’en ai ! Alors ça me fait énormément plaisir de pouvoir rouler aujourd'hui avec cette auto sur le Mans Classic. » La 4CV et ses pilotes sont à retrouver sur le stand Renault dans le village de la prégrille. Une exposition de modèles au losange est organisée avec en tête d’affiche une autre auto petite et populaire : la R5, qui fête ses 50 ans.


Sources : Renault, renault4cv.fr, newsdanciennes.fr
Il y a aussi eu des courses de cross ne réunissant que des 4cv, précurseur des formules promos