Voiture moyenne 2010 de France
CRISE ET ÉCOTAXE L'AVAIENT RENDUE SAGE : après plus de cinquante ans de croissance, elle était subitement devenue plus courte, plus sobre, moins puissante. Moins chère, aussi. Mais sitôt la tempête passée, la Voiture moyenne a repris sa progression en 2010...

L’automobile est incorrigible ! En 2009, elle avait accepté de réduire la voilure pour affronter la tempête de la crise. La Voiture moyenne avait ainsi modifié à la baisse ses paramètres : consommation, longueur, poids, cylindrée, puissance, vitesse maxi. Au point de faire croire qu’elle avait renoncé au sacro-saint principe qui la guide depuis qu’elle est devenue objet de consommation courante : le « toujours plus ». Erreur. Ce n’était qu’une illusion, due à la surreprésentation dans les ventes de citadines dopées par les primes à la casse et le bonus.
Déjà, en 2009, il était un indice. Le prix moyen, lui, n’avait pas chuté : 19 153 €, au lieu de 18 962 € en 2008. Cette année, l’indice est devenu évidence : la Voiture moyenne est repartie à la hausse. À commencer par le prix (19 767 €), désormais proche de son niveau record, atteint en 2007 (20 018 €), dernière année avant la fragilisation des économies occidentales.
Prix moyen de la voiture moyenne :
2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 |
19 717 € |
20 018 € |
18 962 € |
19 153 € |
19 767 € |
Certes, la Voiture moyenne reconnaît ici que son tarif catalogue n’est pas le prix réellement payé : promotions, remises négociées, finitions déguisées en fausses « séries limitées », bonus, prime à la casse. Mais les constructeurs savent concéder d’une main et reprendre de l’autre, en incitant l’acheteur à puiser dans la liste des options. Dacia fait ça très bien. Audi aussi, à l’autre bout des catégories automobiles. Dès lors, le solde est nul, et le tarif catalogue n’est guère éloigné du prix réel de la transaction.
De plus, maintenant que la part des citadines revient à un niveau normal, en 2010, la hausse concerne les caractéristiques de la Voiture moyenne : gabarit (+ 3 cm), poids (+ 9 kg), cylindrée (+6cm3), puissance (+3ch), couple (+5Nm). L’automobile n’aurait donc revu ses données à la baisse que lors de l’année 2009, le temps de laisser passer l’orage, pour reprendre sa croissance naturelle.
Seul progrès, la consommation
L’analyse de la voiture moyenne de chaque segment confirme cette impression. À part ceux des SUV compacts, les prix ne diminuent que dans les catégories dont les ventes sont en recul : citadines, compactes, familiales. Pour les autres, les tarifs augmentent, voire flambent chez les grandes routières (+ 2200 €) ou les SUV de luxe (+ 1000 €). Le surprenant regain des grandes routières (+ 23 %), des grands monospaces (+ 17 %) et des SUV compacts (+ 90 %, sans incidence sur les ventes des SUV de luxe, restées stables) peut d’ailleurs être interprété comme le signe annonciateur d’une foi retrouvée en la reprise de l’économie. Au moins chez une certaine partie du public, car le succès des marques positionnées bas en termes de tarifs (Dacia, Chevrolet) laisse comprendre qu’une part de la clientèle n’achète pas sans compter.
En 2008 | En 2009 | En 2010 | |
Cylindrée (cm3) |
1 576 |
1 517 |
1 523 |
Puissance (ch) |
100 |
96 |
99 |
Couple (Nm) |
212 |
201 |
206 |
Longueur (m) |
4,15 |
4,10 |
4,13 |
Largeur (m) |
1,75 |
1,74 |
1,75 |
Hauteur (m) |
1,53 |
1,53 |
1,53 |
Empattement (m) |
2,56 |
2,56 |
2,57 |
Poids (kg) |
1 253 |
1 229 |
1 238 |
Poids/puissance (kg/ch) |
12,5 |
12,8 |
12,5 |
Vitesse maxi (km/h) |
180 |
177 |
178 |
Consommation (l/100 km) |
5,3 |
5,2 |
5,1 |
CO2 (g/km) |
135 |
131 |
129 |
Diesel (%) |
77 |
70 |
71 |
Prix* (en €) |
18 962 |
19 153 |
19 767 |
En 2011, le marché français, avec un bonus réduit et sans primes à la casse, devrait être marqué par un sérieux repli. Prix et caractéristiques de la Voiture moyenne suivront-ils la même pente ? Probablement pas. Car les constructeurs semblent désormais préférer vendre moins, mais plus cher…
Il est toutefois un domaine où ils ont compris que l’automobile devait devenir raisonnable : la consommation. C’est le seul poste de la Voiture moyenne 2010 qui diminue, avec 5,1 l/100 km. En l’espace de quatre ans, près d’un demi-litre aux 100 km a ainsi été « économisé ». C’est très bien. Mais pour le reste, elle n’entend rien changer.
Surprenant regain des grandes routières, des monospaces et des SUV. Est-ce le signe d’une foi retrouvée en la reprise de l’économie ?
Comment L’argus procède
Pour tracer le portrait de la Voiture moyenne de France, L’argus utilise la même méthodologie depuis... 1953 ! Sont retenus les 140 premiers modèles vendus dans l’année. En 2010, ils représentaient 96% du marché. Pour chacun d’entre eux, nous relevons, moteur par moteur, carrosserie par carrosserie, finition par finition, transmission par transmission, ses quinze caractéristiques majeures : dimensions, poids, cylindrée, puissance, consommation, prix, etc. En pondérant ces 140 modèles par le nombre de versions vendues, et en laissant tourner ses ordinateurs, L’argus obtient la fiche signalétique de la Voiture moyenne, et peut la comparer avec celles des années précédentes. Cette même méthode, en regroupant les modèles par catégorie (citadines, polyvalentes, etc.) permet aussi d’obtenir la voiture moyenne de chaque segment.
Dans les catégories à faibles chiffres de ventes, nous puisons au-delà des 140 premières ventes de France, pour porter à cinq minimum le nombre de modèles qui servent à définir la voiture moyenne de chaque catégorie. Comme cette année, la Peugeot 607 (170e). La 607 entre dans la définition de la voiture moyenne du segment des grandes routières. Pas dans celle de la Voiture moyenne de France, puisqu’elle ne figure pas parmi les 140 premières. Enfin, dans cette liste des 140 premières voitures vendues, L’argus regroupe les carrosseries (berline, break, coupé, cabriolet ou CC) sous le nom d’un seul modèle. Mais différencie deux modèles du même nom vendus simultanément s’ils sont de génération différente. Exemples : Renault Clio Campus et Renault Clio, Fiat Punto Evo et Fiat Punto.

Merci pour tout, sauf pour le poids
Depuis 1953, la Voiture moyenne de France a peu grandi, mais gagné en puissance, confort, sécurité, et espace intérieur. Dommage que cette évolution se soit accompagnée d’une prise de poids, défaut dont elle ne parvient pas à se débarrasser.
Les chiffres racontent le temps parcouru souvent mieux que les mots. En 1953, la Voiture moyenne de France était grande (4,12 m), puisque réservée à une élite fortunée: elle coûtait l’équivalent de 44 mois de SMIC.

Mais elle était sous-motorisée: 38 chevaux pour 846 kg. Trente ans plus tard, dans les années 1980, l’automobile a conquis tous les foyers de France. Pour devenir un bien commun, elle a rogné sur sa taille (4,04m) et son prix (16,4 mois de SMIC). Elle a certes pris du poids, mais rien d’extravagant : une soixantaine de kilos depuis 1953. Ils étaient nécessaires, pour compenser le dénuement et l’inconfort de son aînée. Elle a aussi gagné en puissance (62 ch), en partant de vraiment bas.

Encore un saut de trois décennies, et la Voiture moyenne 2010 affiche tous les signes d’une rayonnante prospérité. Elle a repris du gabarit : 4,13 m de long. S’est élargie (1,75 m) et a haussé son toit (1,53 m) pour donner de l’espace à ses passagers. Elle s’est enrichie d’éléments de confort et de sécurité qui l’alourdissent (1238 kg), mais sans que le conducteur ne le perçoive puisque la puissance a continué d’augmenter (99 ch). Malgré cette montée en gamme, elle a réduit son prix : l’équivalent de 14,7 mois de SMIC.

Enfin, depuis une dizaine d’années, elle s’est efforcée de réduire sa consommation, notamment en réduisant sa cylindrée (1715 cm3 en 2001, 1523 cm3 en 2010) et avec succès: 5,1 l/100 km.

Le bilan est donc positif. Sauf sur un point, le poids. Trente ans, c’est l’écart qui sépare deux générations dans l’espèce humaine. À suivre la même courbe que la Voiture moyenne de France, un homme d’1,75m pour 70 kg en 1980 aurait, en 2010, un fils trentenaire de 1,79 m pour 95 kg. Et un petit-fils de 1,83 m pour 130 kg en 2040…
La Voiture moyenne de France a pris 100 kilos ces dix dernières années. C'est beaucoup trop.
L’automobile ne peut donc continuer sur cette voie. Pendant deux ans, de 2007 à 2009, elle a évolué dans le bon sens en passant de 1 293 à 1229 kg. Mais sitôt apparus les premiers signes de sortie de la crise économique, la Voiture moyenne de France a de nouveau cédé à sa tentation naturelle: la croissance. Ce n’est pas ainsi qu’elle relèvera le défi qui la guette au tournant: réduire encore son impact sur l’environnement et sa dépendance à l’égard du pétrole.
