A quoi ressemblera le concessionnaire automobile de demain ?
Le CNPA et le cabinet ICDP ont dévoilé les grandes lignes d'une étude prospective consacrée à l'avenir du "business model" des concessionnaires automobiles en France.
La concession BMW Grand Sud Auto située à Marseille (13)
Le CNPA s’est rapproché de la société ICDP pour analyser les grandes mutations qui vont transformer le métier de concessionnaire automobile dans les prochaines années. De ces changements, qu’ils soient réglementaires ou énergétiques, vont découler de nouvelles formes de pression, liées à la concurrence, au comportement des clients, parfois même des tensions avec le constructeur, mais aussi des opportunités d’innovation et de business.
C’est un fait, le modèle économique du concessionnaire automobile français doit évoluer et se réinventer pour rester rentable. Pour autant, ICDP rappelle que le point de vente physique va subsister, car 86 % des automobilistes interrogés considèrent que le contact humain reste « important », voire « très important ». De plus, le nombre de concessions visitées avant la conclusion de l’achat semble avoir atteint un point bas. Il se maintient désormais autour de la moyenne de 4 en France. Si les opérateurs sont de plus en plus nombreux à développer des outils permettant d’acheter une voiture via un parcours 100 % numérique, ils sont aussi les premiers à affirmer que ces ventes demeurent encore confidentielles.
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Vers une diminution du nombre de sites primaires

L’époque des grandes « cathédrales » automobiles, impulsées par les constructeurs, semble désormais révolue. Si le nombre d’investisseurs tend à se réduire dans bon nombre de réseaux de marque en France, les effets de la concentration ne sont pas aussi visibles sur le maillage des points de vente physiques. Selon l’analyse d’ICDP, parmi les cinq grands marchés européens (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni), la France reste le pays qui concentre le plus grand nombre de sites de vente (rapporté à la densité et à la superficie). Mais pour le cabinet, la réduction des sites primaires est inéluctable, comme l’est déjà celle des agents de marque. Au Royaume-Uni, Ford a prévu de diviser par deux le nombre de ses concessions à l'horizon 2025, tandis que les groupes de distribution automobiles Lookers et Pendragon ont annoncé, cet été, des suppressions d'emplois et des fermetures de sites afin de surmonter la crise.
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Nouveaux formats de vente et nouveaux services

Les distributeurs seront dès lors amenés à couvrir des territoires plus vastes ou à opérer sur le terrain via des formats différents. Plusieurs groupes ont ainsi ouvert des vitrines dans des galeries marchandes, des centres-villes ou ont opté pour des dispositifs mobiles. « Ces boutiques situées dans les centres commerciaux constituent d’excellents générateurs de leads, mais elles restent encore difficilement rentables pour un distributeur sans le support du constructeur », relèvent les experts d’ICDP. Les groupes LG Automobiles et Eden Auto ont déployé, l’an passé, des ateliers mobiles pour aller au contact de leurs clients. D’autres testent des nouveaux services innovants (comme la livraison à domicile chez Thivolle) ou développent leur propre outil de financement.
En outre, afin de renforcer leur capillarité, certaines marques (exemple de Toyota en France) pourraient privilégier la mise en place de partenariat avec un acteur extérieur (réparateur indépendant…), qui deviendra ainsi le référent local dans la gestion du parc de la marque, plutôt que d’ouvrir un point de vente ou une agence.
Un champ d'action qui reste cloisonné
Christophe Maurel, président du métier VP au CNPA, considère que les opérateurs hexagonaux, bien plus costauds et structurés qu'il y a dix ans, ont la capacité de mener les investissements permettant d'accompagner les mutations en cours. Il note toutefois que le champ d'action du distributeur reste cloisonné par le constructeur et la réglementation. « L’ensemble des constructeurs estiment que les réseaux de distribution physiques doivent évoluer, pour favoriser le canal digital, analyse ICDP. Cependant, leurs approches diffèrent : rationalisation des réseaux et sélection des distributeurs pour les uns, tentation de disrupter leur propre réseau sur l’autel du RGPD pour les autres, ce qui aurait pour conséquence une révision du lien contractuel. On note également la tentation d’un passage d’un système de marges à un système de primes, liées aux investissements de la marque. » En juillet, Mercedes-Benz a exposé sa nouvelle stratégie en matière de distribution, déjà en place en Suède et en Afrique du Sud, qui repose sur un contrat d’agent commercial et non plus de distributeur. Le représentant de la marque se retrouve alors rémunéré sur l’investissement, l’attitude, la qualité de service et non plus sur la marge VN.

Le leasing, une aubaine pour les concessionnaires
Une marge VN qui se dégrade et qui doit conduire les distributeurs à augmenter la profitabilité des activités occasion, après-vente et pièces. « Les distributeurs devront améliorer l'équilibre entre leurs activités de vente de véhicules neufs et de véhicules d’occasion, partir à la reconquête des marchés perdus en après-vente et gérer les risques en étoffant leur portefeuille de marques, analyse ICDP. Il apparaît que le concessionnaire de demain serait davantage exposé à “l’après-vente géré”, comme c’est déjà le cas pour les flottes, mais aussi pour les particuliers : forte augmentation à prévoir du nombre de VN et de VO vendus aux particuliers sous LOA et LDD (13 % du parc en 2017, 21 % en 2025). » Selon le cabinet, environ 4,1 millions de voitures en circulation en France sont adossées à un leasing avec contrat d’entretien. Un nombre qui, en 2025, devrait grimper à 7 millions (soit 21 % du parc VP).
Exploiter les plateformes digitales déjà existantes
Si les principaux groupes français ont fortement renforcé leurs investissements dans le business occasion, ICDP considère qu’ils ont également une carte à jouer sur le marché de l’après-vente dans les années à venir, car les possesseurs de voitures électriques sont plus fidèles aux réseaux de constructeurs, en raison de leur « habilité à travailler sur les batteries et à réaliser les opérations de mise à jour à distance des véhicules ». Dans un environnement hautement concurrentiel, l’étude avance que, quelles que soient les activités, « le concessionnaire de demain devra composer avec des plateformes digitales incontournables pour la génération de leads, en BtoC et en BtoB ». Des sites comme IDgarages, Mister Auto ou Partakus sont ainsi présentés comme des vecteurs de business additionnel pour les concessionnaires, même s’ils contribuent à faire peser la pression sur les marges.
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