Après-vente automobile : l'opération reconquête des constructeurs !
Confrontés à la volatilité immuable de la clientèle en après-vente, les constructeurs automobiles tentent d'inverser la tendance. Les programmes d'assistance, ou d'extension de garantie offerts lors d'une révision, entendent maintenir le lien avec les réseaux de marque.
L'activité après-vente mobilise les constructeurs et les distributeurs en quête de fidélisation à l'heure de l'électrification du parc roulant
Préparer aujourd’hui, l’activité après-vente de demain ! Anticipant la baisse attendue des entrées en ateliers, un repli proportionnel à la progression du parc roulant des véhicules électriques, les constructeurs tentent de fidéliser et de reconquérir la clientèle captée par les enseignes alternatives ou indépendantes. « Tous secteurs confondus, nous constatons une multiplication des offres, et une diversification des acteurs », observe Pascal Biclet, directeur marketing et expérience client de Renault. L’âge du parc roulant (44 % des modèles en circulation ont plus de 10 ans, ndlr) alimente aussi l’intérêt pour des solutions économiques de révision. Si le maillage, l’expertise et l’historique des véhicules font partis des atouts des réseaux de marque, ces derniers ne peuvent plus faire l’impasse sur des programmes d’entretien à prix étudiés. La tendance concerne même les constructeurs premiums, comme BMW-Mini.
Garder le client dix ans ?
« Trois ans après l’achat d’un véhicule neuf, l’érosion est de 30 %. Elle atteint 50 % à 5 ans, et 70 % à 7 ans. Au bout de 10 ans, seuls 15 % des clients restent fidèles en après-vente. » Le constat rappelé par David Gaist, président du groupe GCA, est sans appel. Dans le même temps, un véhicule changera trois fois de propriétaires. Si la clientèle d’un véhicule neuf reste sensible aux packages associant le financement au contrat d’entretien, la déperdition constatée à la sortie de la garantie-constructeur se confirme.
« Force est de reconnaître que nous ne nous adressons pas à la même typologie de clients, analyse le dirigeant. Ils n’ont pas la même démarche. Mais quel que soit leur budget, nous devons les conserver en après-vente. »
Et pour cause. L’activité couvre en moyenne 80 % des frais fixes des concessions, et parfois même jusqu’à 100 % ! Une réalité qui justifie la mise en place du projet « Apatheia » par le distributeur multimarque. « L’enjeu est de conserver les clients pendant 10 ans », annonce David Gaist. La stratégie s’appuiera notamment sur le programme Toyota qui accompagne désormais ses révisons d’une extension de garantie d’un an.
Par ailleurs, des solutions d’entretien « light » à prix étudiés seront déployées afin de concurrencer les centres-autos. Les prestations seront adaptées également pour répondre à une clientèle d’étudiants sur des véhicules de plus 7 ans.

Un lien client à réinventer
Indicateur sensible de l’activité après-vente, le taux de rétention en atelier reste scruté avec la plus grande attention par les constructeurs. « La décroissance de la fidélité débute même pendant la garantie », observe Jean-François Taillefer, directeur pièces et services de Hyundai. Elle résulte de la baisse de la valeur résiduelle, de la perception des prix des prestations, ou de la revente du véhicule sur le marché des particuliers.
La fidélisation demeure un sujet « central » et « une question de rentabilité au sens large » qui se répercute sur l’ensemble de la chaîne de valeur, remarquent Julien Gombaud, directeur marketing adjoint de Toyota, et Lucas Bedouel, chef marketing après-vente.
« Un client qui reste dans le réseau en après-vente préserve le lien. Garder le contact permet de proposer à terme une reprise. Il favorisera le commerce VN ou VO. »
Contrats de maintenance occasion et extension de garantie

La stratégie vertueuse compose depuis un an, avec l’entrée en vigueur de la RGPD (règlement général sur la protection des données). La réglementation réduit drastiquement la capacité des constructeurs à s’adresser aux clients. « Au-delà de la mutation énergétique des véhicules, elle constitue le plus grand virage du moment, estime Julien Gombaud. Ses règles posent de réelles problématiques. » Elles supposent en effet le consentement des clients avant toute communication. « Nous devons trouver de nouveaux moyens pour rester en lien et les fidéliser sur le long terme ». Du côté de Toyota, elles justifient le lancement des contrats de maintenance sur le VO, et des formules d’extension de garantie associées aux révisions évoquées par David Gaist.
Cette dernière offre réservée initialement aux modèles hybrides, devrait s’étendre en cours d’année aux motorisations essence et diesel. « La garantie est un élément clef pour les utilisateurs, soulignent les responsables. Elle constitue une solution de réassurance impactante. » Le programme se veut complet. Il est géré par le constructeur, sans dégressivité sur les pièces et les équipements. La démarche répond à un double objectif : fidéliser la clientèle, et reconquérir celle qui aurait délaissé, ou jamais fréquenté, le réseau japonais.
L’atout des nouvelles technologies

Pour Pascal Biclet, les nouvelles technologies constituent aujourd’hui un nouveau facteur de fidélisation. « Les générations de véhicules électrifiés avec ses variantes électriques, hybrides 48 volts, plug-in ou hydrogènes, favorisent une certaine rétention », abonde Jean-François Taillefer. « Les clients en perçoivent la technicité, et souhaitent privilégier les réparateurs agréés et formés. » Les distributeurs auront, au moins temporairement, une carte à jouer grâce à leur expertise. « Qualité, accueil et réparation, favorisent également la fidélité auprès des réseaux de marque », selon encore Pascal Biclet. Le contrat d’entretien avait marqué une première étape pour générer du trafic en ateliers. « Le premier effet est de fidéliser les clients dans le temps. Le second est d’instaurer un échange propice aux conseils. »
Dans les faits, la lutte contre la déperdition résulte d’une convergence de mesures. Une orientation qui semble porter ses fruits, d’après Julien Gombaud qui évoque un taux de rétention en progression. Rendez-vous en ligne, réception accessible en dehors des heures d’ouverture, véhicule de remplacement… les programmes de révision périodique se complètent à présent de l’assistance offerte. Disponible notamment du côté de Renault, Peugeot, Citroën ou Volkswagen, avec un champ d’application à géométrie variable, le service constituerait un « ressort psychologique » différenciant.
« Nous apportons de la réassurance et de la sérénité, avec une formule qui couvre une crevaison ou une perte de clé, par exemple », détaille le responsable de Renault.
Le véhicule d'occasion, premier levier de fidélisation
Car pour les constructeurs, la fidélisation en après-vente demeure une bataille de tous les jours. « Si la question est simple, la réponse apparaît moins évidente », remarque Jean-François Taillefer. La priorité est donnée à l’expérience des utilisateurs. La professionnalisation des distributeurs, l’attention portée à la clientèle et la montée en compétence des techniciens, s’imposent comme des arguments différenciants. « La garantie, même de cinq ans en kilométrage illimité, ne garantit pas la fidélisation », souligne le responsable de Hyundai. En revanche, la confiance dans le réparateur se révèle « primordiale ».
L’enjeu serait aussi de fidéliser le véhicule, au même titre que son propriétaire. En matière de VO, un client qui achète un modèle dans un réseau de marque est deux fois plus fidèle en après-vente, décrypte le Gipa dans ses études. Le taux de rétention passe de 26 % à 46 % (données 2019) ! Favoriser les renouvellements et gérer les véhicules d’occasion en concessions, constitueraient dès lors le premier véritable levier de fidélisation.