Baromètre L'argus : Avril, la double peine
Début de printemps morose pour le marché français. En avril, il accuse, à nombre égal de jours, un repli de 4,3% par rapport à avril 2018. De surcroît, les ventes tactiques à loueurs et au réseau sont en nette augmentation. Renault, Peugeot et Citroën ont hélas largement tiré sur cette corde.
Citroën confirme se trouver dans une dynamique positive, notamment grâce à la C3, ce qui profite à la pénétration des marques françaises dans leur ensemble
Clément Choulot
Encore un mois en trompe-l’œil ! En mars, le marché français semblait en repli : - 2,3%. En vérité, il ne l’était pas : un jour ouvrable de moins qu’en mars 2018. A nombre égal, hausse de 2,4%. Phénomène inverse en avril. Le marché est officiellement en légère hausse : + 0,4%. Sauf qu’avril 2019 a compté un jour ouvrable de plus qu’avril 2018. A nombre égal de jours, le marché a reculé de 4,3%.
Le cumul des quatre premiers mois 2019 donne une meilleure idée de son orientation. Là, le nombre de jours ouvrable (84) est égal d’une année sur l’autre, et le marché français en quasi-stabilité : - 0,4%. Un bilan honorable, car la récolte 2018 avait été abondante.
Sur le premier quadrimestre 2019, la part de gâteau des marques françaises (48,3%, 54,8% avec Dacia) reste supérieure de 0,1% à ce qu’elle était à même date en 2018. A priori, tout va bien. Mais à regarder cinq ans en arrière, apparait le sens de la pente : sur les quatre premiers mois 2014, les marques françaises contrôlaient 49,9% de leur marché national, voire 56,4% avec l’aide de Dacia. De surcroît, la progression des marques françaises sur leur sol depuis janvier ne tient qu’à Citroën. Nouvelle C3 et C3 Aircross ont ranimé les ventes, et le C5 Aircross, proche parent du 3008 à moindre prix, amplifie le mouvement : + 29% en avril, + 15% sur quatre mois. Toutes les autres ont reculé en avril : Peugeot (- 1,3%), Renault (- 6,5%), Dacia (- 11%), DS (- 26%).

Renault et Peugeot sont en train de renouveler leur modèle majeur. L’élan donné par la Clio et la nouvelle 208 ramènera bientôt leurs comptes dans le vert. Mais deux tendances paraissent plus durables. Primo, l’effet Dacia semble s’atténuer : Duster (- 19% en avril) sanctionné par le malus, Sandero touchée par l’âge. Secundo, plusieurs des modèles traditionnels de Renault s’essoufflent : Mégane, Scénic, Talisman, Espace. Commune à toutes les marques, cette érosion du cœur de gamme est souvent compensée par les bons résultats de leurs SUV. Renault n’a réussi qu’à moitié cette translation. Le Captur est un succès. Pas le Kadjar ni sa version longue Koleos : 10 313 ventes depuis janvier, contre 34 907 pour le duo 3008-5008. Dès lors, Renault est à la peine : 18,0% de part de marché sur les quatre premiers mois 2019, soit à peine plus que Peugeot (17,9%), moins qu’en 2018 (18,9%) sur la même période, bien moins qu’en 2014 (19,7%). En avril, Renault (31 495 ventes) a ainsi été devancé par Peugeot (34 117 ventes) pour la troisième fois depuis janvier.
Combien de ventes saines ?
L’effet trompe-l’œil est même double. Déjà, à nombre égal de jours, le marché français accuse une baisse en avril alors que ses chiffres globaux paraissent orientés à la hausse. Ensuite, ses résultats sont biaisés par une part anormalement élevée de ventes à loueurs de courte durée et au réseau. Autrement dit, de fausses ventes, destinées à faire tourner les usines et qui alimentent le marché des occasions récentes ou zéro kilomètre.
La part de ces ventes sans client final était montée à 31,0% sur la période janvier-mars 2019. Une proportion déjà inquiétante : elle était de 30,1% sur le premier quadrimestre 2018, de 26,4% voilà cinq ans à même étape du parcours. Elle a grimpé encore plus haut en avril : 35% de fausses ventes, ce qui entraîne la moyenne des quatre premiers mois de l’année à 31,6%.
Le client n’est pas venu spontanément dans les concessions en avril : seulement 44% de ventes à particuliers (- 11%). Les sociétés ont été plus actives : 21% de ventes à entreprises et en location longue durée (+ 14%). Mais leurs poids n’est pas tel qu’elles aient pu compenser la désaffection des particuliers. Les immatriculations manquantes pour rester à flot, les constructeurs sont donc allés les chercher du côté des loueurs de courte durée (18% des ventes, + 2%) et du réseau (15% des ventes, + 21%).
Les marques françaises n’ont hélas pas été les dernières à employer ce subterfuge qui maltraite la valeur résiduelle des modèles. Les ventes à particuliers n’ont représenté en avril que 36% de leurs immatriculations. Dans le détail, 31% chez Renault, 37% chez Peugeot, 42% chez Citroën. Elles ont trouvé meilleur écho auprès des sociétés : 26% de leurs ventes (30% chez Renault, 28% chez Peugeot, 19% chez Citroën). Et surtout, pour rétablir peu ou prou la balance, ont recouru aux ventes tactiques : 22% de leurs immatriculations de ce mois auprès des loueurs de courte durée (20% chez Renault, 22% chez Peugeot, 25% chez Citroën), 14% auprès du réseau (17% chez Renault, 11% chez Peugeot, 12% chez Citroën). Soit un total de 36% de ventes tactiques.

Les marques étrangères ont été plus sages : 31% de ventes tactiques en avril (15% auprès des loueurs, 16% auprès du réseau). La comparaison n’est pas flatteuse pour les constructeurs français, tous en dessous de la moyenne nationale du mois : 37% de ventes tactiques pour Renault et Citroën, 33% pour Peugeot.
Comment L’argus procède
Pour obtenir le total des ventes à sociétés, L’argus agrège ventes aux entreprises (flottes, véhicules de fonction) et locations longue durée, souvent le fait de professions libérales. Les ventes à loueurs cumulent ventes à loueurs de courte durée (Avis, Europcar etc.) et à clients en transit provisoire, dites « TT ». Les ventes à réseau cumulent ventes directes aux concessionnaires (voitures de démonstration ou courtoisie) et ventes à tarif préférentiel aux employés des constructeurs.
Enfin, le total des pourcentages des ventes saines et tactiques n’atteint 100% (99,1% sur les quatre premiers mois 2019). Car il existe un autre canal de distribution : les ventes aux administrations, de faible nombre et quasi-monopole des marques françaises.