Chevrolet : la cour d'appel doit se prononcer le 15 novembre 2017
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Chevrolet : la cour d'appel doit se prononcer le 15 novembre 2017

17 distributeurs se retrouvent devant la cour d'appel du tribunal de commerce de Paris pour enfin voir l'aboutissement de leur plainte contre Chevrolet. Le verdict sera rendu le 15 novembre. Exposé des plaidoiries.

Par Catherine Leroy
Publié le Mis à jour le

Georges Cousseau

Le dernier acte de l'affaire Chevrolet est en passe de se jouer à la cour d'appel du tribunal de commerce de Paris. Face à face, Chevrolet défendu par Me Vogel et 17 derniers distributeurs Chevrolet, défendus par M Bertin dont 16 sont regroupés derrière le CNPA. Le 17e distributeur n'est autre que PGA, qui porte plainte de son côté.

Saisie par Chevrolet, la cour d'appel de Paris doit se prononcer suite à la première décision du tribunal de Commerce de Paris, qui le 23 mars 2015, condamne la marque à indemniser chacun des distributeurs qui l'avaient assignée.
Un premier jugement contredit quelques mois plus tard par ce même tribunal, qui déboutait cinq autres distributeurs.

La question principale, posée par la présidente de la cour d'appel, repose sur la faute ou non commise par la marque dans l'exécution du préavis de deux ans. Les faits sont connus mais ils sont pourtant indispensables à rappeler : le 5 décembre 2013, Chevrolet décide d'abandonner la distribution de ses véhicules en Europe et avertit ses concessionnaires d'un préavis de deux ans, comme le prévoit le règlement européen. Mais ce préavis sera clos bien avant, puisque le 31 octobre, Chevrolet oblige les distributeurs à déposer leur panneaux pour manquement aux obligations du contrat.

C'est bien sur la possibilité ou non d'exécuter ce préavis que se pose l'affrontement juridique.

Pour Me Vogel, ce dossier pose des questions de principe juridique, mais aussi de montant d'indemnités. Sur le fond, l'avocat de Chevrolet estime que le constructeur n'a commis aucune faute. « Peut-on condamner quelqu'un sans faute en matière de distribution ? Comment le tribunal peut-il considérer qu'un concédant doit faire plus que ses obligations contractuelles. » Ainsi, pour Me Vogel, l'exécution du contrat, et donc du préavis, a cessé, car les distributeurs ont arrêté de commander des véhicules neufs à Chevrolet : « Est-ce qu'un concessionnaire peut obliger son concédant à commander à l'usine, alors que lui-même ne passe pas de commandes ? », interroge Me Vogel.

Du côté des distributeurs, le récit de l'épopée est bien entendu différent ! « On vous a raconté une histoire rocambolesque », s'exclame Me Bertin, avocat des ex-distributeurs. Pour ce dernier, Chevrolet n'a jamais eu l'intention d'exécuter son préavis et, courriers à l'appui, il démontre ainsi que Chevrolet fait croire aux concessionnaires que pendant la période de préavis, ces derniers vont pouvoir continuer à engranger du business avec des plans d'actions commerciales et des campagnes publicitaires.
De la même manière, Chevrolet fait croire que la campagne de déstockage va durer de janvier à fin juin 2014. Mais en parallèle, la marque annule la production de tous les véhicules commandés à l'usine par le réseau. « C'est une faute contractuelle ! Et un mensonge : si les concessionnaires n'honorent pas leurs commandes dès février 2014, c'est bien parce que Chevrolet les annulaient au fur et à mesure », poursuit Me Bertin.

Mais qui de Chevrolet ou des concessionnaires a mis fin au contrat ? Pour Me Bertin, dès le 11 décembre, Chevrolet parle de la fin programmée et de résiliation anticipée. La marque évoque même, dans un courrier aux Etats-Unis, la provision passée pour fin anticipée de la distribution de la marque en Europe.
Selon l'avocat, Chevrolet a mis en place une situation de rupture de stock démontrée par un courrier en date du 29 janvier 2014, qui apprend aux concessionnaires que la marque n'a plus une voiture à vendre, alors que le 27 novembre, le courrier relatant de la situation du stock fait état de 1600 véhicules. « Le 29 janvier, Chevrolet n'a plus une seule voiture à vendre, car la marque a annulé les commandes des distributeurs pour les attribuer au réseau belge, avance Me Bertin. Chevrolet n'a pas respecté l'obligation essentielle qu'il doit à son réseau de distributeurs : celle de l'approvisionnement. Les concessionnaires, voyant cet assèchement, se sont retrouvés devant une seule alternative : soit signer les conditions de fin de contrat de Chevrolet, dès le printemps, sachant que s'ils attendaient encore, jusqu'en septembre 2014, ces indemnités tombaient à 200 €, puis 0 € par véhicule prévu au contrat (contre 600 € si le contrat cessait en janvier), soit ne pas avoir la possibilité de travailler (puisque le stock était nul) et ne rien obtenir. Je n'ai jamais vu une telle déloyauté » .

Les indemnités de rupture en question


Le montant de l'indemnité réclamée fait également bondir l'avocat de Chevrolet . « Comment 17 concessionnaires, aujourd'hui devant la cour d'appel, peuvent réclamer plus de 23 millions d'euros, soit 1,39 million par distributeur, alors que leur bénéfice moyen avant impôts ne dépassait pas 6 500 € avant la fin de l'activité, avance Me Vogel, devant la cour, en résumant cette indemnité à 222 années de résultat moyen avant impôts ! Ce n'est plus du préjudice, mais de l'enrichissement personnel ! »

Pour Me Bertin, la marge retenue de 600 € par voiture prévue au contrat n'est pourtant qu'une maigre consolation, alors que les distributeurs en réalisaient le double, l'année précédente. « Mais Chevrolet sait que ses conditions sont en dessous de l'acceptable et devront donc être négociées sous la contrainte. C'est pourquoi, il provoque dans le même temps l'assèchement de son stock de véhicules. Nous estimons qu'à compter du 31 mars 2014, le contrat de distribution est devenu inexécutable. Je souhaite seulement que les concessionnaires aient la juste réparation de leur préjudice. Tout est calculé et la cour n'a pas à trembler devant ces chiffres. Et je ne vois pas de circonstances atténuantes. Il faut savoir que Chevrolet signait en juillet 2014 un chèque de 560 millions de dollars pour sponsoriser l'équipe de Manchester United, alors que la marque n'allait même plus être distribuée au Royaume-Uni. Un peu de décence ! »


Le CNPA mis en cause



Partie prenante dans le dossier, le CNPA demandait un euro de dédommagement et la publication de la décision. Me Vogel souhaite bien sûr voir débouter cette demande et accuse même le CNPA d'avoir découragé les distributeurs et même de les avoir mis « en galère ». « Cette organisation politique est responsable de toutes ces procédures lancées à tort. Le CNPA est terrible et a eu une attitude déraisonnable, car ce syndicat était en campagne pour renouveler les mandats de ses dirigeants », exprime l'avocat de Chevrolet.

Un argument irrecevable selon Me Bertin, puisque le président (NDLR, Patrick Bailly) et le vice-président (Olivier Lamirault) ne se représentaient pas. « Le CNPA est recevable dans son action. Il faut que ce genre de comportement ne se reproduise plus. Cette déloyauté, ce mépris des investissements, le traitement qui a été réservé aux distributeurs sont totalement inédits. Jamais ces distributeurs ni le CNPA n'avaient engagé une procédure contre une marque ! Ce sont des chefs d'entreprise raisonnables. Même le groupe PGA n'avait jamais réalisé de procès ! Comment peut-on imaginer qu'ils soient à la recherche d'une quelconque aubaine ! »
Le délibéré sera prononcé le 15 novembre.