Covid-19. Renault doit-il sa survie au prêt garanti par l'État ?
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Covid-19. Renault doit-il sa survie au prêt garanti par l'État ?

Dans son dernier rapport, la Cour des comptes estime que Renault « a particulièrement souffert » de la crise sanitaire en 2020, et que le soutien de l'État via un PGE de 5 milliards d'euros s'est « révélé indispensable à la continuité de l'activité du groupe ». Le constructeur est plus nuancé.

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La Cour des comptes estime que Renault a « particulièrement souffert » de la crise sanitaire, au même titre que Air France-KLM, EDF et la SNCF

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Dans un rapport publié lundi 7 février 2022, la Cour des comptes fait le point sur « la gestion des participations financières de l’État durant la crise sanitaire », en étudiant plus particulièrement 29 entreprises ayant contracté un prêt garanti par l’État (PGE). Rappelant que « la crise sanitaire a eu un impact économique majeur sur l’économie française en 2020 », avec un PIB qui a diminué de 8 %, le rapport note que « l’ensemble des sociétés des secteurs du transport, de l’énergie et de l’aéronautique ont enregistré de fortes baisses de leur résultat opérationnel et un résultat net négatif ».
Dans ce contexte, les sages de la rue Cambon affirment que Renault – l’un des « fleurons du portefeuille de l’Agence des participations de l’État » – a « particulièrement souffert » de la crise sanitaire, au même titre que Air France-KLM, EDF et la SNCF.

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Renault à court de liquidités dès le mois de mai 2020

Avec des ventes en forte baisse à cause des mesures prises pour lutter contre le Covid-19 au printemps 2020, Renault était à court de liquidités dès le mois de mai 2020.
Dans le chapitre consacré au constructeur automobile français, la Cour des comptes affirme que le soutien apporté par l’État lui a été « indispensable malgré un faible endettement », car Renault apparaissait « déjà fragilisé » en avril 2020. Le Losange a ainsi « connu une forte dégradation de ses réserves de liquidités au premier trimestre (ndlr : 2020), du fait du ralentissement des ventes ». Avec un « retard des flux de trésorerie disponible (free cash-flow) [...] estimé à 6,5 milliards d’euros à fin mars » et un besoin de « sorties de liquidité pour avril et mai [...] anticipées à plus de 6 milliards d’euros », Renault était « dans l’obligation d’utiliser dès le mois de mai une ligne de crédit bancaire déjà accordée de 3,5 milliards d’euros », puisque sa trésorerie disponible à fin 2019 atteignait 12,3 milliards.
Malgré la mise en place d’un plan d’économie de 2 milliards en mai, le constructeur estimait une dégradation de ses flux de trésorerie de 3,9 milliards pour l’ensemble de l’année 2020, ce qui l’a conduit à demander un PGE de 5 milliards à l’État « à des conditions dérogatoires du droit commun ». Les pouvoirs publics le lui ont accordé car « Renault n’était plus en état d’emprunter sous sa seule signature sur le marché obligataire, voire bancaire » car l’agence Standard & Poor’s a dégradé sa notation à BB+/B’ dès le 9 avril, ce qui signifie que les financements standards sont considérés comme étant à risque avec des perspectives négatives.

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Des mesures « déterminantes » pour sauver Renault

Arrivé à la direction générale de Renault en pleine tempête mi-2020, Luca de Meo a lancé le plan stratégique Renaulution pour redresser les finances du constructeur.
Sur la ligne de crédit de 5 milliards d’euros, garantie à 90 % par l’État et consentie par un pool composé de cinq banques (BNP Paribas, Crédit Agricole, HSBC France, Natixis et Société Générale), Renault n’a finalement eu besoin de tirer que 4 milliards à fin 2020. Mais cela lui a permis de « conserver une trésorerie nette positive sensiblement du même niveau qu’en fin d’année précédente », malgré une perte historique de 8 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année 2020, « qui provient à hauteur de 5 milliards d’euros de sa participation dans Nissan ».
La Cour des comptes estime donc que le PGE s’est « révélé indispensable à la continuité de l’activité du groupe en 2020, même s’il n’a pas résolu le problème plus structurel de sa rentabilité ». De toutes les grandes entreprises aidées par l’État en 2020, les rapporteurs estiment même que les mesures d’urgence « ont été déterminantes en particulier pour assurer la continuité de l’activité d’Air France-KLM et de Renault ». À noter que les coûts budgétaires supportés par l’État en 2020 en tant qu’actionnaire dans le cadre de la crise sanitaire sont estimés à 20 milliards d’euros par la Cour des comptes. Ceci sans compter le montant consacré aux bonus écologiques et déploiement des bornes électriques (1,335 milliards d’euros en 2020), ni les 950 millions d’euros injectés dans les fonds de soutien à la filière automobile, qui ont principalement bénéficié à Renault et à l’ex-PSA devenu Stellantis.

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Renault estime que sa survie n’était pas en jeu

Selon Jean-Dominique Senard, président du conseil d'administration de Renault Group, le PGE a joué un rôle important mais il estime que la survie de Renault n'était pas en jeu.
En réponse aux conclusions de ce rapport de la Cour des comptes, Jean-Dominique Senard, président du conseil d’administration de Renault Group, précise que le chiffre d’affaires du constructeur « est devenu quasi-nul » en avril-mai 2020 lors du premier confinement. Or, « les sorties de trésorerie sont restées à un niveau élevé et correspondant à une activité normale » car Renault s’est « engagé dès le début de la crise sanitaire à continuer à payer ses fournisseurs afin de protéger la filière automobile ». Il précise également que sur les 4 milliards d’euros empruntés par Renault dans le cadre du PGE, 1 milliard a été remboursé mi-2021 « dans un contexte encore dégradé mais moins incertain », tandis que les 3 milliards d’euros restants « seront remboursés entre 2022 et 2024 au plus tard ».
Le président du conseil d’administration admet également que le PGE « a joué un rôle important pour maintenir à court terme la liquidité de Renault, et par voie de conséquence, la confiance des investisseurs et la capacité du groupe à investir pour préparer l'avenir ». Toutefois, il estime que « ce n’est donc pas exactement la survie de Renault qui était en jeu mais le maintien de réserves de liquidités du groupe à un niveau suffisant ».
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