« DS avait toute la légitimité à devenir une marque 100 % électrique »
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« DS avait toute la légitimité à devenir une marque 100 % électrique »

Un an et demi après sa nomination à la tête de DS Automobiles, Béatrice Foucher évoque, pour L'argus, l'avenir de la jeune marque, qui doit notamment trouver sa place au sein du pôle premium du groupe Stellantis et se convertir au tout électrique en 2024.

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Béatrice Foucher, directrice générale DS Automobiles

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Après plusieurs années chez Renault, Béatrice Foucher a été nommée directrice générale de DS Automobiles en janvier 2020. Après un début de mandat marqué par la pandémie et la création de Stellantis, elle doit désormais accompagner la jeune marque, créée en 2014, vers sa conversion au tout électrique, programmée pour 2024, soit avant Lancia (2026) et Alfa Romeo (2027), les deux autres marques du pôle premium du groupe Stellantis.
« Tous les nouveaux modèles qui seront lancés à partir de 2024 n’auront plus qu’un groupe motopropulseur électrique », nous a confirmé mi-septembre Béatrice Foucher, lors des DS Week organisées à Chantilly à l’occasion du lancement de la nouvelle DS 4. Mais elle précise que « les modèles déjà présents dans la gamme continueront leur carrière jusqu’à la fin ».

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Les clients ont « peur » pour la valeur résiduelle de leur voiture

Le lancement commercial de la DS 4 est prévu en novembre 2021, avec des premières livraisons fin 2021
En considérant que la durée moyenne de la carrière d’une voiture atteint six à sept ans, les DS 4 et DS 9 lancées en 2021 avec des motorisations thermiques et hybrides devraient donc logiquement terminer leur carrière vers 2027 ou 2028, aux côtés des futurs modèles bénéficiant des nouvelles plateformes électriques. La directrice générale ajoute toutefois qu’avec un « portefeuille de moteurs hybrides rechargeables et électriques », une technologie « prendra le pas sur l’autre en fonction des évolutions du marché ».
Rappelant ainsi que si l’on « prédit la décroissance forte du diesel » depuis une dizaine d’années, on assiste à « un effet d’accélération extraordinaire » aujourd’hui face au durcissement législatif et aux incitations fiscales. « Dans un monde où la mobilité change aussi fortement », ajoute-t-elle, les clients « vont anticiper » leur transition énergétique car ils ont notamment « peur » pour la valeur résiduelle de leur voiture.

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DS comme précurseur

En tout cas, Béatrice Foucher affirme que « DS a été choisie en premier » pour passer au tout électrique au sein de Stellantis« parce que c’est la marque la plus jeune » du groupe. Elle considère que la marque est « née en 2014 avec, intrinsèquement, de l’électrification », rappelant ainsi que « chaque modèle commercialisé par DS a été électrifié », tandis qu’il s’agissait du « premier constructeur premium à s’engager en Formule E dès 2015 ».
Avec l’électrification « dans ses gènes », DS n’a donc « pas de fonction de transformation à écrire », contrairement aux « constructeurs automobiles ayant une histoire forte », qui doivent par exemple faire accepter la disparition d’une « sonorité faisant quasiment partie de leur ADN ». Ainsi, Béatrice Foucher estime que « DS avait toute la légitimité à devenir une marque 100 % électrique ».

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Incarner le savoir-faire français du luxe

En marge des essais presse internationaux de la nouvelle DS 4 à Chantilly (Oise), le constructeur a organisé les DS Week, où étaient notamment conviés les concessionnaires
« Au-delà de la création de Stellantis » et de la conversion prochaine de la marque à l’électrique, la directrice générale retient comme « événement majeur pour DS » cette année, la constitution d’un « pôle premium au sein du groupe ». Béatrice Foucher estime ainsi que, pour DS, Alfa Romeo et Lancia, les trois marques qui constituent ce pôle, « l’intérêt n’est pas de se superposer mais de créer des territoires différents ». L’idée consiste à utiliser leur « héritage plus ou moins ancien », pour « affirmer et cultiver un territoire de marque ». Comparé à ses deux sœurs aux racines italiennes et sportives, DS doit incarner « le savoir-faire français du luxe qui génère du raffinement », le tout étant « associé à de la technologie » et à un « confort extraordinaire ». À cela s’ajoutent « un certain nombre de services » proposés aux clients sous le badge “Only You”, qui doit « garantir à terme une liberté de mobilité ».
La semaine précédent notre rencontre (ndlr : celle du 6 septembre), Béatrice Foucher nous a indiqué avoir présenté, avec Jean-Philippe Imparato (DG d’Alfa Romeo) et Luca Napolitano (DG de Lancia), à Carlos Tavares, président de Stellantis, leur « stratégie moyen-long terme de positionnement de la marque et de contenu ». Elle ajoute que cette année, « le président nous demande de lui raconter nos territoires de marque », de lui montrer que « nous sommes bien différents », et « comment nous allons cultiver ces territoires à l’avenir ». La patronne de DS estime que le pôle premium permet aux trois marques d’avoir à la fois « un langage commun et des positionnements de marque séparés ».

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Devenir leader du premium en France

Sans vouloir dévoiler de chiffres précis, Béatrice Foucher souhaite améliorer la notoriété de la marque en Europe, qui constitue son principal débouché à hauteur de 85 %, notamment grâce aux nouvelles DS 4 et DS 9 lancées en 2021. Elle souhaite aussi positionner DS comme « leader sur le marché français en tant que marque premium », alors qu’elle s’est classée en quatrième position sur ce créneau en 2020 avec 22 182 voitures vendues, soit une part de marché de 9,7 %. Ayant dans le viseur « les concurrents allemands » qui sont « installés depuis longtemps » sur le marché du premium, elle considère toutefois qu’avec l’électrification des voitures et la « création de valeur dans des endroits où il n’y en n’avait pas », la concurrence sera multiple dans les années à venir pour les constructeurs automobiles.
Elle pense aux nouveaux acteurs de la mobilité qui émergent parfois en quelques années, à l’image de Tesla. Alors que « l’industrie automobile est très capitalistique » et qu’il est difficile de s’y faire une place, « on voit débarquer de nouveaux acteurs qui arrivent avec de vraies ruptures ». Si elle considère que « ça peut générer une situation d’inconfort »,cela constitue toutefois un « challenge intéressant » pour les constructeurs.

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Viser la profitabilité et l’objectif CAFE

Pour Béatrice Foucher, le pôle premium au sein du groupe Stellantis « permet aux trois marques d'avoir à la fois un langage commun et des positionnements de marque séparés ».
Alors que le groupe Stellantis n’est pas épargné par la pénurie de semi-conducteurs, la directrice indique que l’objectif consiste à « servir en priorité tous les clients qui ont commandé des voitures pour essayer de limiter au maximum le délai de livraison », tout en continuant à augmenter le portefeuille de commandes. Dans ce contexte, le groupe privilégie « des versions et des marques qui sont capables de dégager de fortes marges ». En visant « en priorité » la « profitabilité » et l’objectif CAFE, que le groupe atteindra en 2021, DS semble donc moins touchée par la pénurie de composants électroniques, sachant que les nouveaux modèles sont également privilégiés, à l’image de la DS 4.
Et tandis que Carlos Tavares a déclaré qu’il fallait entre 20 et 25 ans pour construire une marque premium et que les marques de Stellantis avaient dix ans pour trouver leur place, la feuille de route que s’est fixée Béatrice Foucher semble simple. Il s’agit d’abord de lancer un nouveau modèle tous les ans, comme l’avait annoncé son prédécesseur Yves Bonnefont (ndlr : pour compenser l’absence de nouveauté en 2020 à cause de la pandémie, 2 modèles sont lancés en 2021), mais aussi de continuer l’électrification de la gamme. « La marque va sortir la première voiture du groupe exclusivement électrique pour le monde entier », se félicite-t-elle. « Notre ambition, c’est d’être leader en technologie, sur de l’autonomie, sur du temps de charge, tout en gardant ce qui fait notre qualité », à savoir « le confort, le raffinement et les services ». Ce programme « nous emmène déjà jusqu’à fin 2025 ».


Les futures nouveautés DS

Arrivé à mi-carrière, le DS 7 devrait bientôt recevoir quelques retouches esthétiques.
Après le lancement des DS 9 et DS 4 en 2021, la gamme DS pourrait être composée de 6 modèles à l’horizon 2025-2026, sachant que les nouveaux véhicules lancés à partir de 2024 seront 100 % électriques. Les DS 7 et DS 3 restylées apparaîtront
en 2022. La DS 4 E-Tense électrique sera lancée en 2024, avant la nouvelle génération du DS 7 Crossback en 2025. D’ici là, un concept-car annonçant certains points stylistiques et l’électrification des futures nouveautés sera dévoilé en novembre. Il s’agira d’un « truc sympa, vraiment fou, qui fait qu’on adore notre métier », dixit Béatrice Foucher. Il devrait même être « essayable » au cours du premier trimestre 2022.


Une marque en « co-construction » avec le réseau

Considérant les concessionnaires DS comme des « partenaires » qui participent à la « co-construction » de la marque, Béatrice Foucher affirme que l’annonce de la conversion au tout électrique dès 2024 n’a « pas eu d’effet d’anxiété » auprès du réseau de distribution. Il s’agit au contraire d’une « évolution évidente et très appréciée », sachant que 40 % des ventes de la marque se font déjà avec des motorisations hybrides rechargeables. « Ce n’est pas trop tôt, ajoute-t-elle, je pense qu’ils auraient même pu nous reprocher l’inverse ! »
Alors que les concessionnaires « ont joué le jeu » dès 2018 en investissant dans des DS Store de 250 m², « initialement pour une voiture », elle indique que la résiliation des contrats de distribution par Stellantis ne devrait pas entraîner de gros changements au sein du réseau DS. « Ce n’est pas dans notre intérêt », argumente-t-elle, car « ils ont participé à l’aventure dès le début ». Toutefois, « quasiment 100 % des DS Salon vont être transformés en DS Store à la fin de l’année pour l’arrivée de DS 4 » car avec « quatre voitures dans le showroom, il faut de la place et que ce soit qualitatif ».
Au passage, la patronne de la marque indique que « les standards des showrooms DS sont considérés comme un excellent benchmark dans les discussions au sein du pôle premium » de Stellantis. Quant à la digitalisation des ventes et des services en ligne, le groupe Stellantis a « un projet à marche forcée » pour augmenter ses capacités en la matière. Mais Béatrice Foucher précise que cela consiste à « répondre aux désirs des clients sans désintermédier le réseau ». L’idée consiste à leur proposer un parcours client digital « varié et fluide », mais les concessionnaires étant des « partenaires importants qui font la notoriété de la marque », ils « restent indispensables ».


Des « synergies techniques »

Avec ses 14 marques, le groupe Stellantis cherche évidemment à rationaliser les coûts, grâce à « des synergies techniques », avec un catalogue de packs de batteries, de modules, ou encore de trains roulants à disposition des ingénieurs. Béatrice Foucher indique toutefois que chaque marque « s’exprime sur l’assemblage dont il a besoin » entre les différents éléments techniques mis à disposition par le groupe, ce qui « génère des degrés de liberté ».
Prenant en exemple les différences entre la DS 4, Opel Astra et Peugeot 308, elle ajoute que « les voitures ont des ensembles techniques communs mais ne se ressemblent pas vraiment, sinon cela ne marcherait pas sur le plan économique ».


Une implantation compliquée en Chine

Après avoir mis fin à la coentreprise avec Changan et vendu leur usine en commun à Shenzhen, DS Automobile opère désormais en Chine« comme dans n’importe quel pays avec une filiale commerciale », qui achète ses voitures à l’entreprise qui a racheté l’usine de Shenzhen. Toutefois, Béatrice Foucher admet « humblement » que « la recette chinoise est compliquée à trouver » pour le constructeur français. Ainsi, il a fallu « gérer une continuité » alors que la fabrication s’est arrêtée le temps que l’usine soit cédée, et ce « trou d’air » est « tombé au moment du Covid ».
Il faut donc aujourd’hui « redémarrer l’histoire de DS » en Chine, alors que « beaucoup de concessionnaires sont partis ». Il en reste vingt. « Nos volumes sont extrêmement timides, je pense qu’on a dû vendre 30 voitures le mois dernier » (ndlr : en août), indique-t-elle. « Il faut du temps pour reconstruire la notoriété » de la marque sur un marché très concurrentiel. « Il faut donc rester très humble », ajoute-t-elle, « mais l’aventure chinoise continue ».
Et si la directrice générale indique que le marché chinois préfère des voitures « en moyenne plus grosses qu’en Europe », soit plutôt des segments C, D et E contre B, C et D sur le Vieux continent, elle précise que DS ne proposera pas de voitures spécifiques pour séduire les clients chinois. L’idée d’un grand SUV 7 places, qui était évoqué par l’ancien directeur du produit, Eric Apode, semble donc définitivement abandonnée. « Quand on a la volonté de vendre des voitures dans plus de 40 pays, ajoute Béatrice Foucher, on ne va pas faire des voitures pour un seul pays ».
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