Entretien du groupe Dubreuil : "Inverser la tendance avec Opel"
Plus gros distributeur Opel en France, le groupe Dubreuil est concerné au premier chef par les problèmes de rentabilité du réseau. Les dirigeants du groupe familial évoquent cette situation ainsi que l'évolution contrastée de Peugeot et de Citroën.
Robert-Claude Soria, dirigeant des activités automobiles (Clara, Claro, Claris) du groupe Dubreuil

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Concernant Opel, la situation est tendue depuis plusieurs années. Qu’est-ce qui vous permet d’y croire encore aujourd’hui ?

R-C. S. Après la Corsa, le Mokka constitue la deuxième bonne réponse aux attentes du marché et aussi des clients actuels ou futurs. On peut estimer que l’Astra, qui sera lancée à l’automne 2021, sera la troisième réponse. Le principal problème avec Opel est que l’on vivait totalement en autarcie, c’est-à-dire que l’on renouvelait nos clients mais on faisait peu de conquêtes auprès des marques concurrentes. Comme on perdait chaque année une partie de nos clients, au final on s’appauvrissait, le parc diminuait et la pénétration de la marque demeurait faible. Nos produits n’étaient pas à la hauteur techniquement, au niveau de l’environnement intérieur et des formes peu adaptées au marché français. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les performances de la Corsa sont conformes aux attentes, les premières prises de commandes sur Mokka sont très bonnes et nous voyons surtout arriver des clients d’autres marques. Cela fait longtemps que je ne crois plus au miracle mais je pense que nous allons inverser la tendance. Ce sera long et c’est la raison pour laquelle nous avons absolument besoin que la politique commerciale soit revisitée pour nous permettre d’attendre, car actuellement c’est un massacre. Nous sommes à moins 3 % de résultats à fin février 2021. Ce n’est pas tenable.
Paul-Henri Dubreuil. Quand vous avez un réseau qui réussit 70 % de son objectif annuel, comment voulez-vous motiver les troupes ? Les concessionnaires Opel sont déterminés à ne plus lâcher car l’intégration dans PSA a pour l’instant été très difficile. La Corsa était un bon produit mais je pense qu’avec le Mokka nous tenons un produit “waouh”.
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"Une fausse idée du marché réel des voitures électriques"
Les politiques commerciales et les primes reposent de plus en plus sur la vente de voitures électriques. Vous paraissent-elles en adéquation avec la situation du marché ?
R-C. S. Ce n’est pas une question d’adéquation ou pas, c’est juste que cela va trop vite. L’an passé, nous étions en sur-régime. Nous avons observé un fort engouement en raison du confinement, des aides de l’État, des loyers très bas proposés sur l’électrique par les constructeurs… Au niveau des immatriculations, avec les parcs de VD, de véhicules de courtoisie, de loueurs, nous avons eu une fausse idée du marché réel. On a rapidement occupé le marché avec des petits modèles électriques. On a fait un peu le tour des clients potentiels et aujourd’hui c’est plus difficile d’aller chercher les flottes de BtoB ou des foyers dont l’usage de l’automobile n’est pas forcément compatible avec l’électromobilité et qui n’ont tout simplement pas les moyens d’acquérir ce type de véhicules.
Il est de plus en plus question de ventes directes entre le constructeur et le client. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
R-C. S. La difficulté pour les constructeurs aujourd’hui est qu’ils investissent beaucoup d’argent dans le référencement, ce qui génère de nombreuses visites mais peu de ventes. Pourquoi ? Parce qu’il manque la dimension humaine au milieu pour rassurer le client. Nous menons actuellement avec Peugeot des tests qui visent à transformer les contacts générés à distance via les plateformes digitales en vente. Nous avons notamment abaissé le montant de l’acompte versé en ligne à 200 €, contre 1000 € auparavant, somme qui représentait psychologiquement un frein. Nous allons proposer un chat en direct, des webseller pour aller au bout de la démarche et transformer le contact en un vrai business.
"Nous ne voulons pas être les vassaux des constructeurs"
Quel regard portez-vous sur l’évolution de la relation distributeur-constructeur ?

P-H. D. L’automobile obéit à un cadre assez strict du fait de cette relation avec le constructeur, où ce dernier tient un peu toutes les ficelles du business, notamment la fixation des objectifs. Quand c’est fait de manière intelligente, cela crée une émulation et de la motivation entre collègues, mais quand les objectifs sont inaccessibles, les gens baissent les bras à un moment donné. Nous ne voulons pas être les vassaux des constructeurs mais des partenaires, qui apportons notre pierre à l’édifice dans une optique de performance commune. Mais il faut que la relation soit équilibrée et que l’on puisse gagner notre vie quand on est performant. Contrairement à d’autres métiers où l’on crée sa propre marque, son point de vente, son fonds de commerce, dans l’automobile on est simplement de passage. On rachète des concessions et à un moment donné on les revend. C’est une relation très particulière mais nous avons aussi trouvé des espaces de liberté, via notre plateforme de distribution de pièces Opal dans les années 2000, puis notre vitrine Manouvellevoiture.com ou encore la vente de voitures d’occasion. Les règles du jeu sont connues, soit nous les acceptons et mettons tout en œuvre pour être performant, soit nous ne les acceptons pas, et alors il est préférable de sortir du système.
La cohérence géographique vous semble-t-elle toujours la clé de la performance ?
P-H. D. Nous observons une boulimie de développements chez certains groupes. Nous avons nous-même réalisé des opérations de croissance externe ces dernières années mais de manière raisonnée et raisonnable, en restant dans les marques de Stellantis et dans notre région Grand Ouest. Certes, nous nous sommes un peu éloignés de nos bases vendéennes en allant à Chartres et à Dreux mais nous avons saisi une opportunité. Par contre, je ne me vois pas partir dans le Nord, le Sud ou l’Est dans ce métier de concessionnaire, qui reste un métier de proximité, qui impose de connaître ses clients, le terrain et une présence locale forte. Ce qui m’intéresse est que Clara (Peugeot) soit l’une des entités les plus performantes en France et que nous fassions demain la même chose avec Claro (Opel) et Claris (Citroën).
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