Filière auto. Le rebond passera par le collectif et la transparence
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Filière auto. Le rebond passera par le collectif et la transparence
À l'occasion de la Journée de la filière automobile, qui s'est tenue le 26 octobre 2021, les intervenants ont insisté sur l'importance de jouer collectif pour assurer l'avenir de l'industrie française mais également d'améliorer le partage d'informations pour affronter les difficultés actuelles.
Luc Chatel, président de la PFA, a ouvert la 2e édition de la Journée de la filière automobile
La deuxième édition de la Journée de la filière, organisée le 26 octobre (Paris La Villette) par la Plateforme automobile, a balayé les sujets chauds du moment et des prochaines années : les pénuries de semi-conducteurs, de magnésium, le cadre réglementaire européen, l’électrification, l’avenir de l’industrie automobile française. Cette journée destinée aux professionnels de l’automobile intervenait également quelques mois avant l’élection présidentielle et Luc Chatel, président de la PFA, n’a pas manqué d’interpeller dans son introduction les futurs candidats, qui commencent à distiller leurs propositions au sujet de la voiture. « Je voudrais leur adresser un modeste conseil : 87 % de vos futurs électeurs ont besoin de leur voiture tous les jours, 66 % de vos futurs électeurs ne peuvent pas se passer de leur véhicule pour aller travailler. À chaque fois que vous attaquez l’automobile, vous faîtes un bras d’honneur à ces dizaines de millions de Français qui n’ont pas et n’auront pas de solutions alternatives. Les Français aiment l’automobile et continueront de l’aimer longtemps ». L’automobile a plus que jamais besoin du soutien des Français car le secteur ne se porte pas pour le mieux. À l’image de ses dernières prises de parole, Luc Chatel a fait état d’une situation peu reluisante.
Luc Chatel, président de la PFA, a ouvert la 2e édition de la Journée de la filière automobile
« Nous avons connu le séisme en 2020, nous vivons depuis les secousses telluriques. L’automobile est d’ailleurs le seul secteur à ne pas avoir retrouvé son niveau d’avant-crise, avec des ventes en repli de 20 % et un niveau d’activité dans les usines entre – 30 % et – 35 %. Malheureusement, la pénurie de semi-conducteurs va durer. Elle va entraîner la perte de 10 millions de véhicules dans le monde en 2021, dont 3 millions en Europe. Les hausses de matières premières sont insupportables et très difficiles à répercuter. Les tensions sur la trésorerie des entreprises sont à leur comble. Cette crise atteint toute la filière. Personne n’est épargné et à l’abri d’une défaillance ».
Ces nouvelles secousses sont d’autant plus difficiles à supporter qu’elles interviennent dans un contexte de fortes mutations pour l’industrie automobile, à la fois technologiques et réglementaires, nécessitant des investissements considérables de la part des acteurs de la filière. Pour la France, dont l’influence et la puissance industrielle n’ont fait que reculer au cours des vingt dernières années, la transition énergétique en cours constitue un énorme défi mais surtout une formidable opportunité de retrouver un rôle moteur.
Luca de Meo, directeur général de Renault, lors de la journée de la filière automobile.
« Les Américains ont bien pris le virage de la digitalisation et de la data, avec des entreprises qui contrôlent ou stockent 92 % des données. De leur côté, les Chinois se sont organisés pour contrôler et dominer la chaîne de la valeur de l’électrification. En Europe, nous sommes en rattrapage sur ces deux sujets, a ainsi soulevé Luca de Meo, directeur général du groupe Renault lors de son allocution. Le Green Deal constitue la seule opportunité pour l’Europe de se positionner comme champion de l’économie verte. Il ne faut donc pas douter du fait que nous devons y aller. Et Renault va y aller. Nous avons même l’ambition, très modestement, de fonctionner comme un brise-glace. Mais il s’agit d’une transformation qui va nous coûter, dans une période où nous n’avons pas le cash dont nous aurions eu besoin ».
Selon le patron de Renault, il y a trois batailles à mener pour que la France réussisse ce virage. « La première est celle de l’innovation et des compétences pour réancrer en France les sources futures de profits et de valeur autour de la batterie et de la donnée. La deuxième est celle de la valeur ajoutée qu’il nous faut aller capturer au-delà de la production des véhicules électriques, en amont avec les composants et en aval avec le business de la donnée et les services de la mobilité. La troisième est l’adoption du véhicule électrique par les Français. Ces batailles seront difficiles mais nous en sortirons vainqueurs si chacun prend ses responsabilités ».
Régler le problème de compétitivité de la France
Le gouvernement a donné des réponses le 12 octobre dernier à travers son plan France 2030, qui prévoit un investissement de 30 milliards d’euros pour répondre au déficit de la croissance de la France et développer les filières du futur comme l’hydrogène, les semi-conducteurs ou encore les batteries pour véhicules électriques. Pour réindustrialiser la France et faire émerger les futurs champions technologiques de demain, le pays devra nécessairement gagner en compétitivité. Une problématique également soulevée durant la journée de la filière. « Comment faire de la France un grand pays électrifié alors que nous n’avons toujours pas réglé nos problèmes de compétitivité ? Les impôts de production sont de 3,5 % en France contre 0,5 % en Allemagne. L’écart de prix de revient entre l’Europe centrale et la France s’élève à 900 euros par véhicule. Le surcoût de la main-d'œuvre entre la France et l’Espagne s’élève à 60 % », soulève Luc Chatel. « Quand je regarde la compétitivité de l’écosystème de Renault en France, elle n’est pas au niveau où elle devrait être, juge Luca de Meo. Je ne veux juger personne mais cela est la conséquence de beaucoup de choix et de compromis qui nous ont amené dans des situations pour lesquelles il n’y a pas de solutions ».
Information et transparence pour sortir de la crise
La première table ronde avait pour thème les enjeux réglementaires européens.
Enfin, l’ensemble des intervenants, constructeurs, équipementiers et représentants d’organisations professionnelles ont insisté sur la nécessité pour les acteurs du secteur de s’unir et de dépasser les antagonismes pour assurer le rebond de l’industrie automobile française et relever les enjeux de la transition énergétique. « L’effort sera collectif, nous devons faire équipe, car ce sera dur », affirme Luca de Meo. « La filière automobile n’est pas réputée pour sa solidarité légendaire. Or, si nous nous organisons pas un minimum pour synchroniser la remontée en puissance lorsque les semi-conducteurs seront de retour, nous pouvons craindre d’autres pénuries, comme les fixations, les pièces de forge, d’emboutissage… soulève François Liotard, directeur général de Lisi Automotive et président du comité de liaison des industries fournisseurs de l’automobile (CLIFA), qui est intervenu sur la première table ronde. C’est essentiel d’avoir une transparence sur un scénario de sortie de crise sinon chacun jouera sa partition ».
Au-delà de l'horizon 2030, c'est surtout 2021 et 2022 qui préoccupent beaucoup d'entreprises du secteur, notamment chez les équipementiers et les sous-traitants. « Nous sommes confrontés à une problématique de visibilité et nous pouvons améliorer la situation des sociétés fournisseurs d’automobiles si elles ont les informations et la transparence », insisteEmile Di Serio, président chez Saint-Jean Industries. Une position qui était partagée par de nombreux professionnels présents à la Journée de la filière.