Financement : quel avenir pour les captives des constructeurs?
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Financement : quel avenir pour les captives des constructeurs?

Le cabinet Deloitte a réalisé une étude sur les sociétés de financement des constructeurs et sur les scénarios d'évolution d'un secteur qui va être questionné par le repli de la propriété des véhicules et l'essor des mobilités servicielles.

Par Alexandre Guillet
Publié le Mis à jour le

Cédric Lecocq, CEDRIC LECOCQ

« Les sociétés de financement des constructeurs représentent l’une des plus belles réussites du secteur automobile de ces dernières décennies, déclare en préambule Charlotte Vandeputte, associée chez Deloitte et experte des captives financières. Leur rôle initial était de soutenir les ventes de véhicules, de contribuer aux bénéfices et de fidéliser les clients. La réussite est telle qu’aujourd’hui, elles contribuent en moyenne à un tiers du bénéfice des constructeurs. » Elle précise que le périmètre de l’étude est mondial et nourri par des entretiens avec des dirigeants des principales captives des constructeurs [Volkswagen, Toyota, Renault-Nissan, Daimler, BMW, Ford, General Motors, Hyundai-Kia, Honda, PSA, Fiat Chrysler Automobiles constituent le top mondial].

Si le panorama est engageant, les dirigeants des captives se posent néanmoins des questions sur les orientations qu’ils doivent envisager aujourd’hui pour bien anticiper les changements de leur écosystème. Et dans ce registre, les mutations sont à la fois profondes et rapides. « Les bouleversements sont légion : réglementations plus denses, digitalisation, évolutions technologiques, montée en puissance des motorisations alternatives, changements sociétaux induisant de nouveaux usages... Nous avons donc envisagé plusieurs possibilités d’évolution, en n’excluant pas, à la demande de nos interlocuteurs, des scénarios extrêmes, détaille Charlotte Vandeputte. Avec les captives, on parle d’un double champ, le financement des véhicules et celui des réseaux, sous l’angle des stocks et des pièces. Autant dire que leur impact sur la rentabilité des marques est très important. »

Services de mobilité et fonds propres


Deux incertitudes majeures viennent cerner l’activité des captives : l’évolution du panorama des prestataires de mobilité et celle de la propriété du véhicule. Par rapport à ce dernier point, Charlotte Vandeputte rappelle que les véhicules constituent des actifs dans les bilans des captives, mais qu’une réglementation renforcée pourrait les obliger à transférer ces actifs à des tiers. Des réglementations qui conditionnement aussi les besoins de fonds propres des constructeurs et certains d’entre eux pourraient avoir des difficultés à porter les actifs dans le futur… « Dans cette optique, toutes les grandes captives se préparent à un développement sur les services de mobilité, en cherchant à concevoir de nouvelles offres. Surtout que les services constituent des activités non régulées, ce qui nécessite moins de fonds propres », précise-telle. Il convient de garder à l’esprit qu’en 2016, si on se réfère aux simulations de Deloitte, les profits avant impôts des captives étaient encore liés à 92 % à la gestion des actifs traditionnels (crédits à l’achat, produits locatifs…), même si des nuances existent entre les captives, d’une part, et entre les pays, d’autre part. Les équipe de Deloitte ont poursuivi leurs projections pour établir quatre scénarios possibles à l’horizon 2030. Dans le premier, les captives sont propriétaires de l’écosystème de mobilité, tandis que dans le deuxième, elles occupent le rôle pivot de coordinateur de cet écosystème. Par ailleurs, dans le troisième scénario, elles deviennent des coquilles vides – « un cas extrême, mais plausible, aux dires de certains dirigeants », dixit Charlotte Vandeputte – et dans le quatrième, baptisé « évolution progressive », elles conservent leurs activités actuelles basées sur les actifs, alors que l’émergence de prestataires de mobilité de taille mondiale est lente, pour diverses raisons.

Promises à forte croissance


Si on met de côté le troisième scénario, on réalise que les perspectives sont plutôt engageantes pour les captives. Ainsi, les scénarios 1 et 4 riment avec une forte croissance des performances financières, sur des bases d’activité plutôt stables, malgré un net essor des services dans le premier cas. Le scénario 2 marque aussi une amélioration significative des résultats, mais aussi un changement de paradigme, les services prenant largement le pas sur les actifs. Dans tous les cas de figure, l’enjeu de la gestion des ressources humaines est central, car les organismes de financement doivent intensifier l’intégration de profils à fortes compétences digitales.

« Ensuite, il s’agit d’intégrer ces talents dans les services financiers traditionnels. Cette démarche globale passe parfois par l’achat de start-up, mais il y a aussi des échecs », souligne Charlotte Vandeputte, avant de lister les six domaines incontournables d’action stratégique des captives pour les années à venir : « La flexibilité du cœur de métier actuel et la préparation aux ventes directes, ainsi qu’aux services aux clients à la demande. Les services de paiement, en complément des services de mobilité. Les solutions de mobilité urbaine, via la gestion d’un portefeuille de services continus de mobilité. L’excellence opérationnelle à travers l’exploitation de plateformes très évolutives et l’optimisation des processus. Le développement de la gestion de flottes, notamment sur de nouveaux marchés. Et enfin, la collecte et l’utilisation des données sur les clients et les véhicules, en conformité avec une réglementation ».