Florence Gete (Gaap/Cegaa) : «Des agences et un service haut de gamme»
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Florence Gete (Gaap/Cegaa) : «Des agences et un service haut de gamme»

A la tête du Gaap Peugeot et du Conseil européen des groupements d'agents de l'automobile (Cegaa), Florence Gete, évoque pour L'argus la situation des réseaux préoccupante en France, comme en Europe. Si plusieurs dossiers sont sur le feu, la priorité est donnée à la valorisation du statut d'agent.

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Florence Gete, présidente du Gaap, Groupement des agents automobiles Peugeot et présidente du Cegaa, Conseil européen des groupements d'agents de l'automobile

L'argus. Qu’est-ce que le Conseil européen des groupements d'agents de l'automobile (Cegaa) ?


Florence Gete, présidente du Gaap et du Cegaa, aussi dirigeante du groupe éponyme. Le Cegaa est une association créée par des agents Peugeot en France et en Espagne il y a une vingtaine d’années. L’intérêt est de communiquer entre les pays et d’échanger sur les bonnes pratiques. Il s’agit presque d’une amicale qui s’est professionnalisée, emmenée par une équipe solide et de réels objectifs. Nous fédérons essentiellement les adhérents des marques Peugeot, Renault, Citroën et DS, en France, du groupe Stellantis en Italie et de Seat, BMW, Renault, Peugeot, Citroën, Volkswagen, en Espagne, etc., et nous sommes en train de nous rapprocher avec le Portugal. Nous représentons aujourd’hui 9 500 points de vente.

Quel est le rôle du Cegaa au sein du Cecra ?

Nous avons un rôle consultatif et nous sommes consultés. Cependant, tout était très compliqué car comme le monde des agents n’était pas forcément reconnu, il a fallu obtenir le droit d’être au Cecra. Nous constatons que les barrières se sont vraiment levées car l’organisation d’antan n’est plus la même et il y a un réel intérêt à discuter et à agir ensemble plutôt que de s’écharper. Même si nous affichons une part de marché beaucoup moins importante que celles des concessionnaires, nous représentons un fort potentiel de ventes car nous sommes quand même des distributeurs et reconnus comme tels.

Un statut d'agent méconnu

Vous tenez la présidence depuis plus de huit mois, quelle est votre première volonté ?

Fédérer, encore et toujours, et c’est le point le plus compliqué. Il faut savoir que la spécificité agent, dont les groupements sont historiquement stables et structurés, est d’abord française. En Allemagne, par exemple, ils sont moins nombreux et beaucoup moins structurés. Les constructeurs ne nous donnent pas leurs fichiers réseaux évidemment, et cela demande beaucoup d’énergie d’aller les chercher dans chaque pays et de les sensibiliser sur des sujets complexes, qui ne font pas forcément partie de leur quotidien.

Florence Gete est aussi la dirigeante du groupe Gete, créé par ses parents en 1973.

Sur quoi travaillez-vous aussi ?

Outre le fait de poser ces fondations relationnelles, il est question, par exemple, de valoriser le Cegaa et de dire que nous existons, car notre statut d’agent est méconnu.

Le faire auprès de qui ?

Ceux qui font les règlements futurs ne nous connaissent pas, juridiquement. Le troisième travail concerne effectivement les échanges juridiques qui arrivent prochainement en lien avec le nouveau règlement européen. Nous avons fait appel à un avocat spécialisé dans la distribution automobile, Patrice Mihailov, qui a rédigé nos propres conclusions pour les adresser à la Commission européenne. Il fallait que l’on se structure juridiquement et que nous portions notre voix, laquelle est différente des concessionnaires. Nous avons fait un peu de lobbying, mais je ne peux pas en parler ouvertement. Au-delà du juridique et des contrats – parce que chaque constructeur va faire ce qu’il veut –, nous posons la question de l’organisation du service après-vente automobile en Europe et cette notion d’indépendance, car nous avons des réparateurs agréés concessionnaires et des réparateurs agréés agents. Il est important que les politiques de divers pays sachent comment nous sommes organisés et quelles vont être les répercussions, s’il y a des modifications ou non du règlement, et en rapport avec les nouvelles volontés de distribution des constructeurs sur notre métier.

Comment expliquez-vous  cette méconnaissance ?

Jusqu’à maintenant, les relations étaient relativement équilibrées entre constructeurs, réseaux primaires et secondaires. Il n’y avait pas d’enjeux majeurs et tout était acceptable pour tout le monde. Aujourd’hui, plusieurs sujets viennent se percuter en même temps, surtout avec l’arrivée des véhicules électriques et les nouveaux modes de distribution choisis par certains constructeurs, qui font que notre avenir est extrêmement chahuté.

Perdre la vente de véhicules, la plus grande inquiétude

Que voyez-vous venir ?

Personne n’a écrit de schéma, mais il faut s’inquiéter de tout ce que ce nouveau mode de distribution va impliquer demain pour l’ensemble de la filière, mais aussi pour le consommateur, comment il va influer sur sa mobilité. Nous voyons qu’il y a de plus en plus de constructeurs qui prennent la direction de distribuer en direct les véhicules, de réduire les marges de tous les interlocuteurs pour en capter un maximum et aussi de prendre la main sur tous les services associés comme le VO, le service APV, soit les produits que l’on pouvait travailler de façon autonome en gardant nos marges. Nous voudrions garder ce statut d’indépendants représentant une marque, et cela va se jouer sur la maîtrise de nos fichiers clients, et ne pas en transférer la propriété aux constructeurs. Mais, avec peu d’espoir…

La plus grande inquiétude est donc de perdre la vente ?

En France, 30 % des ventes sont réalisées par les agents, certains gros faiseurs atteignent 250 VN par an. Alors oui, pour l’instant, les agents ne veulent pas investir dans l’image de marque à court terme sans avoir la certitude de garder le commerce de véhicules neufs, d’autant plus que nous n’avons aucune notion de quelle sera la rentabilité de l’activité VN de demain. Nous sommes à quatre ans d’une nouvelle échéance de distribution et on nous demande d’investir dans une nouvelle image de marque tout en étant résilié, ce qui est intellectuellement un peu compliqué sans la promesse de nouveaux contrats. Il y a moins de tensions pour la marque Peugeot que pour d’autres marques.

Le tableau est-il noir pour le commerce de demain ?

Nous ne devons pas paniquer. Nous sommes conscients de notre force et les combats valent la peine d’être joués. Il nous reste une année pour influer juridiquement. Ce travail de lobbying est absolument nécessaire pour démontrer ce qui est en train de se passer et nos métiers de proximité restent importants en France et dans tous les pays, surtout en cette période de crise. C’est un pari aussi de vouloir supprimer certains points de vente physiques et de penser que l’industrie peut tout gérer jusqu’à la livraison en diminuant la part du commerce. Je ne suis pas sûre que c’est ce que veut le consommateur. Nous aurons peut-être des surprises sur ces sujets-là ; Toyota fait d’autres choix par exemple, comme d’autres constructeurs, qui pensent qu’il faut maintenir le lien client. C’est un équilibre à trouver, il faut regarder ce qu’il se passe, se préparer de la même façon que nous l’avons fait sur d’autres sujets. Nous avons un parc roulant important et des clients fidèles, et si l’on continue à bien travailler, je ne vois pas pourquoi nous ne serons plus dans le système malgré ce que veulent nous faire croire certains.

Développer la mobilité

L’agent doit quand même se réinventer ?

L’important est de rester performant, sinon pourquoi le constructeur voudrait se séparer d’une partie de son réseau ? Il n’y a pas de raison. Nous avons juste besoin de certitudes sur nos contrats pour investir. Mais je n’ai aucun doute sur le fait que nous pouvons rester de très bons commerçants de proximité en développant nos activités autour de la mobilité. Nous devons réfléchir différemment, pour que demain une agence devienne un centre de mobilité, par exemple, où le client aura accès à tout, à l’après-vente, mais aussi à la location de voiture, de scooter électrique, du nettoyage, de l’accessoire, etc. Ce sont les sujets de demain.

En tant que présidente du Gaap, que pouvez-vous dire sur la situation des agents Peugeot ?

Il y a à date 1 814 agents Peugeot en France. Il n’y a pas d’érosion massive, nous avons pour l’instant des résiliations résultant plus du fait des agents que du constructeur. Certains se posent la question de devenir agents multimarques sans avoir pour l’instant les éléments des standards des différents contrats. D’autres font clairement le choix de sortir du réseau car on a quand même une notion de ce qu’il va falloir investir dans l’image et la formation. Le maillage est important, je ne sens pas une volonté de le réduire. Peugeot est effectivement sur cette démarche de préparer le réseau à suivre des schémas précis et futuristes. Mais c’est surtout une question de réalité économique, des agences vont devoir fermer quand d’autres vont être attendues sur certains secteurs qui se développent. Même si cela devient compliqué, nous sommes quand même sur une marque porteuse et relativement rentable.

Le groupe Gete comprend trois sites dont Peugeot Guilherand Granges, Peugeot Valence et une carrosserie Axial aussi à Valence.


Peugeot vous prépare-t-il aux mutations ?

Oui, depuis plusieurs années, à une montée en gamme. C’est clairement identifié, alors si les agents ne souhaitent pas suivre, ils sortent du réseau d’eux-mêmes. Il y a aussi une complexité du métier globalement avec des « procédurages » qui sont plus compliqués, ce qui veut dire qu’il faut des entreprises structurées. Aujourd’hui c’est difficile d’être agent Peugeot pour une entreprise de moins de trois personnes. Nous disons qu’en dessous de 1 million d’euros de chiffre d’affaires, une agence est difficilement rentable. On tend aussi vers une activité de plus en plus multimétiers, on ne peut pas faire que de l’atelier. Donc, soit on a une âme de commerçant, soit cela ne nous correspond pas et dans ce cas-là, l’agent fait le choix de redevenir MRA. Et c’est très bien, c’est un choix qu’il faut faire sciemment, « soit mon contrat commercial a du sens avec le constructeur, soit il n’en a pas et je sors ».

La satisfaction client et le véhicule d'occasion

Qu’en est-il de Proximity ?

Je suis persuadée que si l’on fait bien notre travail et que l’on reste un commerçant de proximité, les agents ne disparaîtront pas. Personne sur le terrain ne connaît mieux notre métier. Le constructeur est un industriel qui construit des voitures et je pense que nous maîtrisons le mieux les métiers de l’APV. C’est pour cela que nous avons créé nous-même ce programme Proximity en respectant l’intégralité de la charte et des méthodes du constructeur. Je fais le parallèle avec la grande distribution qui nous a laissé croire que les épiceries de quartiers allaient mourir face aux hypermarchés. Or, on voit qu’elles ont repris des couleurs, avec un service haut de gamme et c’est fondamentalement ce que l’on doit faire dans nos agences. Nous accompagnons les agents pour travailler la satisfaction client, mieux organiser leur atelier et faire du commerce de proximité. Le programme a été lancé en janvier et il démarre bien. Une vingtaine d’agents ont attaqué la formation à la carte, pour leur faire prendre conscience de leurs forces et de leurs faiblesses, sans pour autant transformer l’image de l’agence qui doit rester haut de gamme.

D’autres projets ?

Nous travaillons sur l’activité VO via la création d’un label, qui se met en place avec des sources d’approvisionnement, du financement, etc. J’ai la chance d’avoir un vice-président qui travaille beaucoup sur le sujet, et qui, demain, sera un levier fort de rentabilité dans nos agences, à tous les niveaux, que l’agent vende 10, 30 ou 100 véhicules. Nous avons Spoticar dans lequel certains agents s’y retrouvent, et le but n’est pas d’en sortir car notre priorité est de s’intégrer dans les programmes du constructeur, mais nous voulons apporter une solution alternative aux autres qui n’entrent pas dans les critères. Nous ne voulons laisser personne sur la route et l’idée de créer une certification frémit vraiment.

A LIRE. Interview de Marc Lechantre, patron du business occasion de Stellantis.

Bio express de Florence Gete

  • Depuis 2021. Élue présidente du Cegaa (Paris/Madrid).
  • Depuis 2015. Nommée présidente nationale du Gaap.
  • Depuis 2003. Dirigeante du groupe Gete, créé par ses parents en 1973.
 
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