Frank Marotte : « Toyota et Lexus ont tiré leur épingle du jeu »
Redevenu numéro 1 mondial, Toyota a également bien résisté sur le marché français en 2020. Frank Marotte, P-DG de la filiale française, dresse un bilan satisfaisant tout en se montrant optimiste pour la suite.
Frank Marotte, P-DG de Toyota France
DR
« Nos deux marques Toyota et Lexus ont vraiment bien tiré leur épingle du jeu. » Malgré une année 2020 compliquée, Frank Marotte, P-DG de Toyota France, se félicite des résultats obtenus en France par le groupe qui est redevenu premier constructeur mondial, devant Volkswagen. Avec 89 727 immatriculations enregistrées par Toyota dans l’hexagone l’an dernier et 5 913 pour Lexus, le groupe a atteint « des records historiques », dixit le dirigeant, en termes de parts de marché, soit 5,4 % pour Toyota sur la totalité du marché automobile et 2,5 % pour Lexus sur le segment premium. Alors que Lexus (– 44,7 %) a plus souffert que Toyota (– 11,8 %), le groupe a su contenir sa baisse à 12,5 % sur un marché global à – 25,5 %.
S’il est ravi de diriger une filiale qui « s’en sort beaucoup mieux » que la plupart de ses concurrents, Frank Marotte souligne d’autres sources de satisfactions à l’heure du bilan de 2020 : 1ère marque importée sur le canal des particuliers, parts de marché fortes sur certains segments grâce aux Corolla, CH-R et Rav4, ou encore progression de 20 % des volumes réalisés par les modèles utilitaires. Il analyse enfin la stabilisation du chiffre d’affaires après-vente comparé à 2019 par le fait que les mois d’ouverture entre deux confinements ont affiché une « forte croissance » par rapport aux mêmes périodes de 2019.
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Des crédits CO2 vendus aux autres constructeurs

Le dirigeant relativise toutefois le retour à la place de n°1 mondial de la plus française des marques japonaises. « Même si c’est une source de satisfaction, dit-il, ce n’est pas l’objectif premier du groupe Toyota ». La stratégie « centrée sur les besoins clients » d’un constructeur ayant « toujours l’ambition d’être avant-gardiste dans le domaine des émissions polluantes », contribue toutefois à cet essor. « Les clients nous le disent », assure-t-il. De même, il vante un plan produit « bien construit », des déconfinements « bien préparés », ou encore « une bonne mobilisation des réseaux de distribution » pour expliquer ce succès.
Par ailleurs, Toyota peut se targuer d’avoir atteint « sans artifice » ses objectifs CO2, fixés par la réglementation CAFE, c’est-à-dire « sans avoir recours aux immatriculations forcées sur la fin de l’année, ni achat de crédit de CO2 ». Au contraire, le constructeur japonais a eu « la chance d’être en position de vendre des crédits CO2 aux autres constructeurs », grâce à sa politique hybride entamée il y a plus de 20 ans. « En France, quasiment 70 % des véhicules sont commercialisés en version hybride, et au niveau européen nous ne sommes pas loin des 60 % », ajoute-t-il.
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Une rentabilité supérieure à 1 %

Malgré le contexte économique et sanitaire, Frank Marotte nous a déclaré que les réseaux de distribution Toyota et Lexus, qui comptent respectivement 270 et 40 concessionnaires, étaient « restés sains » en 2020. Réseau de marque généraliste « le plus rentable en France » depuis quelques années, selon lui, les concessionnaires Toyota ont dégagé une rentabilité avant impôt supérieure à 1 % l’an dernier, « probablement autour de 1,3 % », tandis que le réseau Lexus a terminé entre 0 et 0,5 %. « Pour Lexus, explique-t-il, les volumes étant plus faibles, il est plus difficile d’amortir les frais fixes » en cas de baisse des immatriculations. Toyota devrait donc rester « au moins sur le podium des réseaux les plus rentables, ce qui constitue une vraie satisfaction ».
Mais alors que certaines marques visent à développer les ventes directes aux consommateurs, Frank Marotte se veut rassurant sur ce point envers ses distributeurs. Même si Toyota va « développer progressivement la digitalisation » de son commerce, « avec des outils, qui seront probablement opérationnels en deuxième partie de l’année 2021, permettant de commercialiser intégralement des véhicules d’occasion sur internet puis des véhicules neufs ultérieurement », il insiste pour dire que les véhicules appartiendront toujours aux concessionnaires et resteront commercialisés par leurs soins. Toyota entend ainsi conserver un réseau de distribution pour être un « intermédiaire entre le constructeur et le client final ». À quelques exceptions près comme les loueurs de courte durée, « auprès de qui nous commercialisons en direct », explique Frank Marotte, mais aussi quelques grands comptes, qui sont traités « de facto en semi-direct » même si les concessionnaires continuent de délivrer « la prestation client ».
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115 000 immatriculations prévues en 2021

En 2021, première année pleine de la carrière de la nouvelle Yaris, mais aussi du lancement de la Mirai à hydrogène de 2e génération et de la Yaris Cross, Toyota ambitionne « de vendre 115 000 voitures en France » selon le patron, sur un marché en progression d’environ 12 %. Frank Marotte estime ainsi que « le marché reprendra la moitié de ce qu’il a perdu en 2020 », sauf en cas de reconfinement partiel ou total. Il compte également fortement sur la Yaris pour aider le constructeur dans cette année de reprise, car « elle représente traditionnellement 35 à 40 % de nos ventes et il faut absolument que sa contribution soit décisive ».
Quant à la future Yaris Cross, qui sera « entièrement fabriquée à Valenciennes (59) » et dont le lancement est prévu en septembre, elle représentera également « une part très significative » des ventes de Toyota en France, « probablement plus de 25 % à terme ». Toutefois, l’arrivée de ce modèle risque de faire perdre le label Made in France à la Yaris, alors qu’il s’agit d’un argument commercial fort. En effet, Toyota aura besoin d’une « contribution de volume supplémentaire » réalisée par son usine tchèque de Kolin pour répondre à la forte demande. Frank Marotte assure toutefois que « la communication sera adaptée » même si l’ensemble des Yaris vendues en France ne sont plus toutes originaires du Nord.

Peu impacté par la pénurie de semi-conducteurs*
La pénurie mondiale de semi-conducteurs, ces composants électroniques indispensables dans plusieurs pièces détachées, surtout sur les voitures électriques et hybrides, a eu peu d’impact sur la production des usines Toyota, surtout en Europe. « Nous avons été affectés, nous a déclaré Frank Marotte, mais a priori moins que d’autres. Certaines usines nord-américaines ont dû arrêter leur production pendant quelques jours. Tout cela est intimement lié à la robustesse des contrats d’approvisionnement, et nous avons réussi à ne pas trop en souffrir. »
*Interview réalisée avant l'incendie de l'usine Renesas, fabricant japonais de semi-conducteurs qui fournit notamment Toyota.