Fusion FCA-PSA : les chiffres clés et les principaux chantiers
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Fusion FCA-PSA : les chiffres clés et les principaux chantiers

Après un premier tour de table infructueux, FCA et PSA ont repris contact, officialisant une démarche devant aboutir à une fusion « entre égaux ». Forcément stimulant, le chantier ne sera pour autant pas sans périls.

Par Alexandre Guillet
Publié le Mis à jour le

La répartition des ventes de FCA et PSA dans le monde au premier semestre 2019

Après l’échec des discussions avec Renault, Fiat Chrysler Automobiles a repris contact avec PSA et, cette fois, le rapprochement déjà envisagé début 2019 a de très grandes chances d’aboutir. En effet, le conseil de surveillance de PSA et le conseil d’administration de FCA ont rapidement indiqué dans un communiqué commun qu’ils étaient « convenus à l’unanimité d’œuvrer en vue d’une fusion à 50-50 des activités des deux groupes » : « Les deux conseils ont donné à leurs équipes respectives le mandat de finaliser les discussions et conclure un protocole d’entente (“memorandum of understanding”) dans les prochaines semaines. » Rien à voir, soit dit en passant, avec le communiqué de presse très détaillé rédigé par FCA lors de l’épisode Renault, document qui précisait les banques d’affaires en charge du montage financier et qui envisageait une extension de la fusion à l’échelle de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.

Un montage complexe

Selon certains analystes, « on s’achemine vers un “all-share merger of equals” [une fusion entre égaux réglée en titres] avec PSA comme société consolidante ». « De toutes les façons, aucun des deux groupes n’est en mesure de racheter l’autre et la variable des actionnariats familiaux n’est pas neutre », souligne un consultant automobile, qui fait référence à la posture de supériorité épousée par PSA lors des premiers échanges, « ce qui avait contribué à leur échec ». Rappelons que PSA est valorisé 22,5 Mds€ et FCA environ 20 Mds€ à Milan (et bien plus que cela à New York). Le montage sera de toutes façons complexe, car outre les familles Peugeot et Agnelli-Elkann, via Exor, le groupe PSA compte dans son actionnariat l’Etat français et le groupe chinois Dongfeng. Sur le volet de l’Etat, qui, pour mémoire, n’avait pas été étranger à l’échec des discussions entre Renault et FCA, même s’il s’en défend, la Banque publique d’investissement (BPI) n’a fait aucun commentaire.

Un duo John Elkann-Carlos Tavares

John Elkann, PDG de FCA
Au niveau de la gouvernance, autre point sensible, le président du directoire de PSA Carlos Tavares deviendrait directeur général de la nouvelle entité, dont le conseil d’administration serait présidé par le patron d’Exor, qui inclut les parts de FCA, John Elkann, héritier de la dynastie Agnelli. Pour l’opérationnel, Carlos Tavares pourrait s’appuyer sur Mike Manley, qui partage son style direct. Pour des raisons avouées de neutralité, mais aussi moins avouables de fiscalité, le siège de la nouvelle entité sera basé aux Pays-Bas.
En volume de production, l’ensemble FCA-PSA se situerait de facto au quatrième rang mondial du secteur automobile, derrière Toyota, l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi et le groupe Volkswagen. FCA a vendu 4,8 millions de véhicules en 2018 et PSA, 3,9 millions, soit un total de 8,7 millions. Cet ensemble deviendrait aussi le numéro deux sur le marché européen, dominé par le groupe Volkswagen. Le chiffre d’affaires consolidé s’élèverait à près de 170 Mds€, le résultat opérationnel courant à plus de 11 Mds€, sur la base de résultats 2018 agrégés (hors Magneti Marelli et Faurecia), pour plus de 400 000 salariés.

Des réseaux américains pour Peugeot

La part de marché de FCA-PSA (en bleue) par pays
Par ailleurs, au niveau de la couverture géographique des marchés, des complémentarités sont envisageables, notamment pour PSA, « trop européocentré ». L’ancien constat de Philippe Varin, qui avait valeur de sentence vis-à-vis de ses prédécesseurs, est ainsi plus que jamais d’actualité. On garde en mémoire que l’Etat français avait brutalement coupé les ailes à son projet de rapprochement avec General Motors. Bref, PSA pourrait s’appuyer sur FCA pour son opération de réimplantation en Amérique du Nord. Peugeot pourrait notamment compter sur les réseaux Jeep, Dodge-Ram et Chrysler. En attendant les fruits du projet P54, la marque devrait s’inviter sur le marché avec des offres de mobilité, dont Free2move.

Un portefeuille de marques étoffé

Par ailleurs, des arbitrages ou des développements communs seraient à envisager au gré d’un portefeuille de marques décliné comme suit, selon l’ordre alphabétique : Alfa Romeo, Chrysler, Citroën, Dodge, DS, Jeep, Lancia, Maserati, Opel, Peugeot, Ram Trucks et Vauxhall. « Des projets peuvent rapidement être déployés au Brésil, où Fiat est très bien implantée, en Afrique du Nord, via PSA, en Russie et, bien entendu, en Asie, Chine en tête, où les deux groupes sont décrochés », évoque un consultant, en rappelant que Fiat et « ses marques européennes » doivent aussi stopper leur recul en… Europe.

Le nœud du haut de gamme


A première vue, les groupes semblent se marcher sur les pieds au niveau des produits, mais la situation est en fait plus nuancée. FCA a des positions fortes sur le segment A, où l’effet d’échelle devient indispensable, mais aussi sur les trucks américains (en fait, des gros pick-up), tandis que PSA brille dans le mainstream européen et peut faire valoir la plateforme CMP, qui pourrait ouvrir la voie à une nouvelle Punto, mais représenterait surtout un raccourci pour l’électrification.
L’équation du haut de gamme sera aussi à résoudre, car Jeep a progressé par le bas et les marques Alfa Romeo, Maserati ou DS n’ont pas été à la hauteur de leurs ambitions. « Pour le point de vue français, cette association permettrait aussi à PSA de ne pas être trop contraint, pour des raisons financières, sur sa variété et sa profondeur de gamme », glisse notre consultant.

Des faiblesses...

En schématisant, dans cette projection de fusion, on peut dire que la carte géographique est plus en faveur de PSA, qui apporte une contrepartie technologique. « Cependant, le chantier resterait pharaonique, souligne un expert, car les deux groupes ont d’importantes faiblesses. » FCA constitue un redoutable objet financier poli par feu Sergio Marchionne, mais cette efficacité s’est réalisée au détriment des plans produits. Par exemple, la marque Fiat n’a lancé que cinq des huit modèles qui étaient prévus dans son plan 2014-2018, un plan qui devait voir les volumes du groupe passer de 4,5 à 7 millions de véhicules. Las... Et que dire d’Alfa Romeo, voire de Maserati.

... et pas les mieux-disants en R&D

En outre, aux Etats-Unis, la poule aux œufs d’or n’est pas éternelle, car FCA profite de modèles polluants exploitant des technologies anciennes. Le groupe a d’ailleurs dû s’acheter à prix d’or un accord avec Tesla pour ne pas exploser à l’aune des futures réglementations sur le CO2. « De même, PSA n’est pas le groupe le mieux placé dans l’optique des échéances CAFE et les déclarations parfois très agressives de Carlos Tavares sont là pour en témoigner », souligne un expert. D’une manière générale, les deux groupes ne sont pas les mieux-disants du secteur au niveau de la R&D. Enfin, l’opération implique d’harmoniser d’autres dossiers. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer la gouvernance de l’ensemble, car les cultures financières diffèrent. Les exigences et les usages actionnariaux d’Exor n’ont rien à voir avec ceux de PSA, groupe qui a l’un des plus faibles taux de distribution du secteur.

Un volet social piégeux

Le cap des 12 millions de voitures produites a été franchi le 18 novembre 2019 dans l'usine Fiat Chrysler Automobiles de Tychy en Pologne
Par ailleurs, si les empreintes géographiques des deux groupes sont plutôt complémentaires et si le potentiel des synergies est estimé à 3,7 Mds€ à un horizon de quatre ans (et pour un coût de 2,8 Mds€), certains analystes redoutent « d’inévitables restructurations en Europe et des risques d’exécution comme de concurrence ». La promesse d’aucune fermeture d’usine n’engage que ceux qui la croient et le volet social pourrait devenir piégeux, surtout au vu du contexte social en France et en Italie, sans même parler du taux d’utilisation de certaines usines en Italie.
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