Genève 2019 : Carlos Tavares hausse encore le ton
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Genève 2019 : Carlos Tavares hausse encore le ton

Lors d'une longue table ronde organisée sur le salon automobile de Genève, Carlos Tavares (PSA Opel) a reconnu une situation conflictuelle avec les hommes politiques, notamment à Bruxelles.

Par Alexandre Guillet
Publié le Mis à jour le

Carlos Tavares revient à la charge sur le manque de vision stratégique et de long terme des hommes politiques par rapport à la transition énergétique

« Il y a un climat de tensions entre les capitaines d’industrie et les homme politiques européens », affirme sans détour, Carlos Tavares, président directeur général du groupe PSA, avant d’ajouter : « Face à la transition énergétique, on ne peut pas raisonner de façon pulsionnelle ; prise de recul et sagesse conviendraient mieux. Je n’ai rien contre les véhicules électriques, mais si c’est l’option retenue, il faut savoir la piloter stratégiquement et ne pas faire preuve d’amateurisme ».

Les mots sont aussi durs que le ton est ferme, car il y a vraisemblablement un fond d’amertume chez Carlos Tavares comme d’autres dirigeants automobiles européens : « Nous n’avons pas été entendus, c’est un fait. Et il est vraisemblable que beaucoup d’hommes politiques européens sous-estiment l’attachement des européens à leur mobilité ».

« Les chinois nous attendent avec le sourire… »

A ses yeux, tous les ingrédients du succès de la transition énergétique ne sont pas réunis et l’Europe joue de surcroît parfois contre son camp. « Les voitures sont sur le marché, comme d’autres, PSA le prouve à Genève, avec la Peugeot e-208 et DS3 Crossback E-Tense, mais les clients demeurent attentistes, car trop de doutes subsistent : le réseau d’infrastructures de charge, le prix de l’énergie, le réel et transparent bilan du puits à la roue, etc. », expose-t-il tout en poursuivant : « Au-delà de son niveau d’acceptation, nous avons aussi un problème avec la dimension économique de la mobilité propre. Bref, tout ne va pas droit. On décide de tuer le diesel et du coup, les émissions de CO2 augmentent à nouveau, mais on fixe des règles très dures sur ces mêmes émissions, qui exposent à des amendes. Et il faut aller acheter les batteries en Chine… Des chinois qui nous attendent avec le sourire et ne se priveront naturellement pas d’augmenter leurs prix ».

Le retour du spectre des plans sociaux

Carlos Tavares devient plus amène lorsqu’il est question de l’investissement franco-allemand de 1,7 milliard d’euros pour mettre en place un réseau de charge digne de ce nom : « C’est le bon montant et une initiative qui va dans le bon sens ». Mais met immédiatement en garde : « Il faut quand même la validation de Bruxelles, car sans cela, c’est de la « com ». En outre, nous devons prendre garde à ne pas perdre trop de temps, car sinon, nous amplifions le risque qu’une autre technologie émerge pour créer un violent choc latéral sur l’essor des véhicules électriques ».

Carlos Tavares ne veut pas qu’on l’enferme dans une complainte de grand patron industriel et s'attèle donc à mettre en exergue les conséquences sociales que pourraient avoir des politiques trop fermes ou erratiques : « Cela pourrait entraîner des restructurations et avoir un impact négatif sur toute la filière, y compris sur l’aval de celle-ci, les concessionnaires par exemple ».

Ne pas aller jusqu’au Brexit sans accord

Et ce n’est pas la gestion du Brexit qui va réconcilier le patron du groupe PSA avec les hommes politiques… « Ce dossier a une dimension émotionnelle qui va devenir insupportable… Il se pourrait que ça se termine en drame, que ça casse… Il faut faire attention aux générations futures et il serait vraiment indiqué se trouver un accord. A nouveau, se pose la question du leadership, au Royaume-Uni comme en Europe… Pour PSA, nous observons et pour l’heure, Vauxhall conserve son ancrage au Royaume-Uni. Le dossier est encore ouvert et nous espérons qu’il y ait un Brexit avec accord. Et dans le cas contraire, si jamais nous sommes les seuls survivants, ce sera peut-être même une opportunité pour nous ».

Si les arguments de Carlos Tavares sont recevables à plus d’un titre, il convient cependant d’éviter les amalgames, un état ou un espace politique comme l’Union européenne ne pouvant pas se « manager » comme un grand groupe, et de rappeler que les constructeurs ont sans doute sous-estimé l’impact désastreux du dieselgate sur la confiance des hommes politiques, notamment à Bruxelles suite au feuilleton des auditions « poker menteur », en les industriels automobiles. L’approche saint-simonienne des situations n’est pas soluble sans le darwinisme revendiqué de Carlos Tavares…

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