Guerre en Ukraine. Quels enjeux pour le secteur automobile ?
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Guerre en Ukraine. Quels enjeux pour le secteur automobile ?

Avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Europe va mener en parallèle une guerre de sanctions économiques. De quoi menacer l'activité des constructeurs automobiles sur le marché russe, comme Renault et Stellantis, ou la production de Volkswagen en Allemagne.

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La situation en Ukraine peut avoir de multiples impacts sur le secteur automobile

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[Article mis à jour le 15 mars 2022] L’offensive russe en Ukraine déclenchée le 24 février 2021 par Vladimir Poutine va sévèrement impacter l’économie mondiale, mais aussi toucher de plein fouet l'industrie, l'équipement, le sport automobile (Grand Prix de Formule 1 à Sotchi annulé) et même directement les automobilistes avec, par exemple, une hausse des prix des carburants attendue. Alors que les pénuries de semi-conducteurs ont déjà fait des dégâts en 2020 et 2021, il y aura à cause du conflit russo-ukrainien des victimes collatérales parmi les constructeurs et équipementiers automobiles, qui détiennent une activité au sein des deux marchés ou qui dépendent de ces deux territoires pour approvisionner leurs usines.

Deux usines à l’arrêt pour Volkswagen

C’est le cas par exemple de Volkswagen. Le constructeur a annoncé la fermeture pour quelques jours deux de ses usines allemandes. Les lignes de production seront donc interrompues du 1er au 4 mars à Zwickau et du 2 au 4 mars à Dresde, mettant ainsi au total quelque 10 400 employés au chômage partiel. La gamme ID, l'Audi Q4 e-tron et la Cupra Born y sont notamment produites. Un porte-parole cité par des médias allemands anticipe logiquement un manque d’approvisionnement de la part de fournisseurs ukrainiens, notamment de certains câbles, de faisceaux électriques. « Quelques fournisseurs dans l'ouest de l'Ukraine sont parmi le réseau mondial du groupe », a-t-il précisé. La situation actuelle « peut entraîner des problèmes dans les chaînes d'approvisionnement » et donc des « ajustements dans la production sur certains sites ». Plus tôt dans la journée, le patron Herbert Diess a exprimé sur Twitter sa « grande inquiétude et consternation » face à « l'attaque contre l'Ukraine », se disant « convaincu qu'une solution durable ne peut être trouvée que sur la base du droit international ». La guerre peut avoir des conséquences importantes pour le groupe Volkswagen, qui vend près de 700 000 véhicules par an en Russie.

En parallèle, Volkswagen a également le cas de Wolfsburg, le 1er mars. Il a confirmé suspendre les chaînes de son usine phare pendant au moins une semaine à compter du 14 mars 2022, là aussi par manque d'approvisionnement de la part de fournisseurs ukrainiens en raison de l'invasion russe. Mais une source a indiqué à l'AFP que « des perturbations » dans la production sont attendues les jours précédant cette arrêt. Le groupe automobile mondial a également annoncé l'arrêt temporaire des livraisons de véhicules aux concessionnaires en Russie, prévoyant toutefois une reprise quand l'impact des sanctions européennes et américaines sera clair.

Renault

Selon Bercy, il y aurait 700 filiales d’entreprises françaises implantées en Russie, qui compteraient 200 000 travailleurs. Elles sont certes exposées au conflit, mais peu menacées. « Dans l’extrême majorité des cas, ces filiales ont une importance relativement limitée à l’échelle du groupe auquel elles appartiennent », assure Sébastien Jean, économiste spécialiste du commerce international et directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) dans les colonnes de 20 Minutes. Et selon Jacques Sapir, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, la France serait « le premier recruteur étranger en Russie », avec Auchan, mais aussi dans le domaine automobile avec Renault. Le losange est même le premier producteur de voitures dans le pays et représente un tiers des ventes de VN (environ 483 000 véhicules).


En 2008, le groupe avait en effet pris 25 % du capital d'AvtoVaz, le fabricant de la marque Lada, avant d'en devenir actionnaire majoritaire en 2017. AvtoVaz a contribué à hauteur de 2,8 milliards d'euros au chiffre d'affaires de 46,2 milliards d'euros réalisés par Renault Group en 2021. En plus des Lada, des Dacia estampillées Renault sont aussi vendues en Russie, tout comme les Arkana et autres Captur (nommé Kaptur là-bas). Le groupe doit donc observer avec attention les événements puisque des sanctions et possibles embargos peuvent être décidés par la communauté internationale, tout comme du côté de Poutine. Les trois usines d’AvtoVaz (Lada) disséminées dans tout le pays ne devraient donc pas tarder à tourner au ralenti, les véhicules qu’elles assemblent dépendant d’éléments mécaniques importés à hauteur de 20 %.

Stellantis

Stellantis a mis en place une task force pour suivre la situation de ses salariés ukrainiens au quotidien.

Moins de crainte pour Stellantis, dans la mesure où l'ancien constructeur PSA y a toujours été sous-représenté. La marque allemande Opel peine à s’imposer sur le marché russe, et ce même avec une stratégie de conquête renforcée en 2019. Toutefois, l'entité a investi dans l’usine russe de Kalouga qui doit exporter vers l’Europe des fourgons, soit des Citroën Jumpy, Peugeot Expert et Opel Vivaro. Ceci pour « répondre à la forte demande », alors que les sites de production européens de Stellantis sont « à pleine charge », était-il  expliqué dans un communiqué début février. Si la guerre s'enlise, le site industriel pourrait lui aussi fermer ses portes pendant quelques temps, et le système logistique se complexifier, ce qui perturberait grandement les livraisons d'utilitaires dans la région européenne.
Lors d'une présentation de son plan stratégique le 1er mars 2022, le directeur général de Stellantis, Carlos Tavares, a assuré avoir mis sur pied des procédures pour gérer la crise : une task force dédiée pour suivre la situation de ses 71 employés en Ukraine et une autre pour se mettre en conformité avec les sanctions. Il ajouté que l'activité du groupe en Russie représente une vingtaine de millions d'euros de résultats et que l'impact du conflit serait donc non matériel.

Michelin

Confronté à des difficultés importantes en matière de logistique et de transport pour approvisionner ses usines et livrer ses clients, le groupe Michelin a décidé d’arrêter la production de certaines de ses sites en Europe, « pour quelques jours, au cours des prochaines semaines. Chaque site décidera de la durée spécifique et des modalités de mise en œuvre », précise-t-il dans un communiqué daté du 3 marsCes arrêts de la production doivent permettre au groupe « d’optimiser ses opérations et d’adapter la gestion de ses flux ». « Dans ce contexte très évolutif, Michelin s’efforcera de limiter l’impact sur le service à ses clients. En parallèle, il mettra en place les mesures adéquates pour ses employés, en accord avec les réglementations locales », indique-t-il. Le groupe possède un site industriel en Russie, près de Moscou, et un bureau commercial de Kiev. Ce conflit va également affecter certains sites de production dans d’autres pays européens, comme c'est le cas de celui de Cholet, en France.

Mercedes-Benz

Mercedes-Benz prévoit de réduire la production et d’ajuster les lignes de certaines de ses usines européennes, en raison des difficultés d’approvisionnements en pièces fabriquées en Ukraine. Le constructeur allemand a souligné qu’il éviterait dans la mesure du possible les arrêts complets de la production. Mercedes-Benz a également annoncé qu'il cessait la fabrication dans son usine russe (Classe E) et suspendait l'exportation de voitures particulières et de camionnettes vers le pays.

Ford, Jaguar Land Rover...

Notons que Ford pourrait aussi être un dommage collatéral puisqu'il tient une coentreprise en Russie, Ford Sollers, laquelle produit les modèles Focus, Kuga, Ecosport, Mondeo, Fiesta sur trois sites d'assemblage et de production distincts.
De son côté, le britannique Jaguar Land Rover a pris la décision mardi de suspendre ses livraisons de véhicules en Russie, pointant « les défis commerciaux » posés par le contexte mondial actuel. Cette décision intervient dans la foulée de plusieurs annonces d'entreprises britanniques qui veulent prendre leurs distances avec la Russie. 
Daimler Truck a pour sa part suspendu lundi « jusqu'à nouvel ordre » ses activités en Russie, dont une coopération « de nature civile » avec le producteur de camions Kamaz qui fournit également l'armée russe.

Bridgestone

Bridgestone compte 1 000 employés dans son usine Oulianovsk, en Russie.

Dans un courrier daté du 14 mars 2022, le pneumaticien Bridgestone a fait part de son inquiétude en lien avec la guerre en Ukraine et craint pour la sécurité de ses salariés et de leurs proches. Il a dit « condamner toute forme de violence », et c'est pour cela qu'il a décidé de suspendre ses activités de fabrication de pneumatiques en Russie à compter du 18 mars. Et ce, « jusqu'à nouvel ordre ». « Le groupe a également décidé de geler tout nouvel investissement et de suspendre toutes les exportations vers la Russie avec effet immédiat. Nous continuons à prendre soin de nos plus de 1 000 employés dans notre usine de fabrication de pneus pour voitures à Oulianovsk et dans nos bureaux commerciaux. Par conséquent, nous soutiendrons financièrement nos employés pendant la durée concernée.», est-il ajouté.

 
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