La pièce de rechange au coeur des attentions
Disponibilité, livraison rapide... Les constructeurs se plient en quatre pour satisfaire les besoins de leur réseau en pièces. Selon les professionnels concernés, ils tiennent leurs promesses. Surtout PSA, avec ses plateformes Distrigo.
Une plaque Distrigo en région parisienne. La marque de distribution de pièces de PSA en pcompte 39 en France
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Plus que jamais convoitée par les acteurs de l’après-vente automobile, la pièce de rechange (PR) est un business important, qui représente plusieurs centaines de milliards d’euros en Europe. Beaucoup s’y frottent, certains s’y brûlent les ailes, comme Oscaro, qui, en panne de trésorerie, a dû être cédé à Autodis. Le grand public étant intransigeant, les professionnels de la réparation automobile et de l’entretien se doivent d’élever leur niveau d’exigence à l’égard de leurs fournisseurs.
99 % à J+1
Dans le but de satisfaire leurs réseaux, mais également de conquérir d’autres garages, les constructeurs redoublent d’efforts pour élargir leur gamme de pièces, mais plus encore pour optimiser la logistique de celles-ci. PSA, dont les plaques Distrigo proposent plus de 400 000 pièces en catalogue, revendique un taux de service global de 87 % (98% à J+1) et de 95% pour les pièces d’équipementiers (99% à J+1). Fiat, chez qui de 350 à 380 sites sont livrés chaque jour de pièces et accessoires Mopar, revendique un taux de service supérieur à 95%, voire à 98% si l’on comprend la disponibilité des pièces et la livraison.
« Nous parvenons à maintenir ces résultats depuis quelques années déjà, mais cela reste un axe de travail primordial, notamment en collaboration avec nos transporteurs et prestataires de service, souligne Julien Berthault, responsable logistique de Mopar. Si le problème provient de la pièce en elle-même ou de sa non-disponibilité, nous nous concentrons davantage sur la relation client, afin de réduire le temps de traitement et de minimiser l’impact en atelier. »

Fiat estime alors assurer le dépannage en J+1 ou le stock à J+2. « Nous mettons ainsi notre réseau dans une situation des plus confortables », ajoute le responsable. Un garage Fiat en région parisienne, qui souhaite rester anonyme, se fournit à 90% en pièces Mopar et se contente de cette offre : « Parfois, les délais sont dépassés et on ne reçoit pas la pièce, mais ce n’est pas très fréquent. D’un point de vue général, c’est satisfaisant, les livraisons sont rapides et les pièces sont de qualité. » Côté PSA, l’offensive menée dans l’après-vente multimarque et sa stratégie logistique a beaucoup fait parler. Son ambition : dépasser un chiffre d’affaires PR de 2 Mds€ d’ici à 2020. La marque Distrigo et ses 39 plaques logistiques font apparemment bon ménage avec les besoins des distributeurs.
« Nos ventes aux réparateurs indépendants ont été multipliées par quatre et le panier moyen a augmenté de 16%, assure le groupe. Nous pouvons mettre également en avant que 7% de notre business se fait sur des véhicules d’autres marques que Peugeot, Citroën, DS, Opel ou Vauxhall. C’est donc de la conquête pure. Nous sommes clairement en ligne avec nos objectifs.»
Un démarchage efficace
Si PSA déploie tant d’efforts pour capter les réparateurs, il n’en oublie pas pour autant de flatter son réseau et de respecter ses engagements auprès de lui. Jérôme Flachy, agent Peugeot à Mornans (Rhône), traite avec l’une des plaques depuis environ huit mois pour la fourniture de pièces d’origine, Eurorepar ou d’équipementiers. Il travaillait avant avec un concessionnaire, l’argumentaire de PSA a donc été convaincant. Les vendeurs de la plaque lui avaient promis un système de livraison avec deux points d’entrée, une très tôt le matin à 7h et une autre en milieu de journée vers 14h. « Le respect de l’engagement est bel et bien là, puisque les pièces commandées tombent au bon moment. Je ne suis pas freiné dans le bon déroulé des prestations et ça me donne une parfaite visibilité sur mon activité », indique-t-il.
Si le processus de commande n’a pas vraiment changé, le stock des pièces est cette fois visible en temps réel, avec une volumétrie plus importante.
« Une vision “tout schuss” que nous pouvons répercuter sur l’emploi du temps de nos clients », affirme le professionnel.
D’après lui, la rapidité d’exécution est due à cette « machine de guerre » que PSA a mise en place : avant, un concessionnaire et quelques hommes se substituaient aux grossistes ; aujourd’hui, les agents ont affaire à des dizaines de spécialistes par plaque, laquelle doit gérer environ 5 000 clients. « Nous ne traitons plus avec l’épicier du coin. Ce n’est pas dit dans un sens péjoratif, cela signifie que, désormais, nous faisons face à un système industriel beaucoup plus efficace », ajoute Jérôme Flachy.
Les agents, grands gagnants
Chez PSA, la pièce s’est industrialisée, son acheminement s’est structuré et les stocks ont considérablement augmenté. « PSA est très sérieux sur son nouveau dispositif industriel. Nous sommes parfois surpris des quantités de pièces disponibles et de la rapidité quant à leur réception en atelier. Aujourd’hui, nous savons vendre, par exemple, un attelage à 9 h 30, le recevoir à 14 h et l’installer sur le véhicule dans l’après-midi », souligne Denis Baeza, président du groupement national des agents Citroën et DS. Dans son discours, le dirigeant assure que les agents sont les grands gagnants de l’offensive du constructeur français. D’autant que les prix des pièces ont baissé et que les opérations commerciales sont de plus en plus courantes. Même si certaines plateformes font, semble-t-il, ce qu’elles veulent avec les tarifs... « C’est un jeu dangereux, qu’elles ne doivent pas trop étendre, estime Denis Baeza. Car si j’ai bien compris les objectifs de part de marché de chacun, elles n’ont pas intérêt à perdre un seul client. Comme nous d’ailleurs, donc les deux camps s’entendent parfaitement. »
Pas d’exclusivité
La riposte des indépendants est assez féroce sur le sujet, surtout concernant la pièce d’équipementier. Les plaques PSA souhaitent garder la mainmise en suivant au plus près leurs clients et en cherchant à comprendre pourquoi l’un et l’autre n’ont pas commandé telle ou telle pièce. L’exclusivité de contrat n’existe pas et la pluralité des fournisseurs est permise.
« Nous pouvons faire appel à d’autres sources, notamment sur la pièce d’équipementier, dont l’offre est encore un peu floue. Mais nous n’avons pas intérêt à nous disperser. Surtout que les plaques parviennent à bien gérer les anomalies », souligne Jérôme Flachy, l’agent Peugeot faisant notamment référence à une déconvenue survenue fin 2018 en lien avec les épisodes neigeux.
La plupart des surstocks de pneumatiques avaient été écoulés et n’avaient pas pu être réalimentés comme il se doit. « Les plaques ont mis en place une cellule d’écoute et ont su trouver des solutions pour nous, raconte-t-il. Elles se démènent vraiment en cas de couacs. »
Vendeur itinérant
Pour accompagner aux mieux les agents, PSA envoie notamment un vendeur itinérant une fois par semaine pour optimiser, par exemple, la gestion des stocks et des surstocks. Des commissions Distrigo sont organisées pour un partage d’informations, une écoute des remontées du terrain, savoir ce qui fonctionne et ce qui est à améliorer. Le constructeur est conscient que certains points sont perfectibles. Pour 2019, il annonce vouloir « poursuivre l’enrichissement de son offre de pièces, apporter de nouveaux services aux réparateurs, comme la gestion de la garantie, ou encore former davantage ses plaques et les professionnaliser sur les outils de marketing, par exemple ». En revanche, dans ce nouveau schéma, les agents ont perdu quelque chose en route : la relation avec le concessionnaire. « Avant, nous pouvions aller chercher nos pièces chez les distributeurs VN ou VO une à deux fois par jour. Il y avait de vrais échanges. Aujourd’hui, le dialogue de partenaire à partenaire se fragilise », regrette Denis Baeza.
