Le constructeur Iveco au défi d’une transition énergétique plus éclectique et électrique
Le constructeur Iveco, qui a fait du GNV son fer de lance technologique, a affirmé son ambition de proposer sur ses véhicules l’ensemble des énergies alternatives. Il entend ainsi répondre aux objectifs de décarbonation, aux besoins de ses clients et à la fluctuation du prix des matières premières.
Iveco lance à son tour en 2023 une version électrique de son gros fourgon Daily.
Iveco
« Complètement stupide » et « techniquement irréalisable ». Le P-DG du groupe italien Iveco, Gerrit Marx, n’a pas mâché ses mots récemment pour qualifier la norme Euro 7, qui entrera en vigueur en Europe en 2025. Dans cette prise de parole, le dirigeant allemand a surtout dénoncé l’incohérence de l’Union européenne, qui impose d’accélérer l’adoption de motorisations alternatives, en particulier électriques, tout en continuant de réguler de manière stricte les véhicules thermiques actuels. Les échéances réglementaires à venir impliquent des investissements considérables et obligent les constructeurs de poids lourds à développer un éventail toujours plus étendu de solutions technologiques.
Le choix le plus complexe
GNV, BioGNV, HVO (biodiesel), électrique, B100 exclusif, hybride, hydrogène… La palette est large sur le marché des véhicules industriels. Le constructeur Iveco, dont la stratégie en matière d’énergie alternative repose encore étroitement sur le gaz (GNV), a ainsi mis en exergue à l'occcasion d'une conférence la nécessité de diversifier son offre pour répondre à la fois aux obligations réglementaires de l'Union européenne mais aussi aux usages et besoins distincts des clients professionnels.
« Iveco a fait le choix le plus complexe : celui d’investir dans l’ensemble des énergies alternatives proposées sur le marché. Car nous considérons que la décarbonisation de demain ne peut reposer sur un seul type de solution » résume ainsi Emilio Portillo, directeur général d’Iveco France.
« Nous n’allons pas arrêter de commercialiser des véhicules roulant au diesel. Nous allons continuer d’investir pour maintenir l’ensemble de notre de gamme de véhicules au gaz, mais également pour l’augmenter à court terme. Mais ce n’est pas parce que nous dominons sur le marché du GNV que nous ne souhaitons pas être performants sur le marché des véhicules électriques » appuie Clément Chandon, directeur produit d’Iveco France.
L'électrique passe devant le GNV sur le marché des VUL
Selon les données présentées par le constructeur, il ressort que l’électrique a été pour la première fois en 2022 l’énergie alternative dominante en France sur le marché des utilitaires de 3,5 à 7,49 t, avec une petite part de 2 %, devant le GNV (1 %). Le diesel a encore accaparé 97 % du marché des VUL l’an passé (98,4 % en 2020 et 99,2 % en 2019). « Si l’on fait une projection mathématique, au rythme actuel on aura éliminé les véhicules diesel en 2051. Et ce, grâce à trois énergies alternatives. Le défi reste donc immense si l’on veut y arriver en 2035, surtout si le secteur se cantonne à une unique solution », observe Clément Chandon.
La transition énergétique face à la flambée du prix des matières premières
- En 2022, un autre paramètre est venu corser un peu plus l’équation pour les transporteurs : la forte fluctuation du cours des matières premières. « En moins de dix-huit mois, pour les raisons que l’on connaît, le prix du gaz a été multiplié par dix. Les transporteurs qui roulaient avec des véhicules au GNV ont subi cette augmentation impressionnante » soulève Clément Chandon, directeur produit d’Iveco France. Par exemple, en termes de TCO mensuel, Iveco illustre qu’il fallait débourser en août dernier 3 200 € de plus pour faire tourner un tracteur de 44 t au gaz (120 000 km/an) par rapport à un modèle équivalent roulant au diesel. De manière surprenante, le constructeur relève que les prix du gaz ont diminué « très fortement » depuis le début de l’année 2023. « À tel point que le TCO du GNV par rapport au diesel est redevenu positif. Sur cette période, le pétrole est resté relativement cher. Il semble qu’à court terme nous ayons retrouvé une bonne rentabilité pour les camions GNV », indique Clément Chandon.
Le Daily décliné en électrique
Sur un marché des VUL (3,5 à 7,49 t) qui a immatriculé 90 812 unités (– 17,6 %), le volume de véhicules propulsés par des carburants verts s’est élevé à 2 739 exemplaires, soit une part de 3 % (contre 1,6 % en 2020 et 0,8 % en 2019). Iveco y revendique une part de 30,8 % (+ 5,8 points) avec son Daily GNV. Le constructeur a facturé 17 604 unités de son fourgon en 2022 (– 4 %), dont 1 006 exemplaires en version roulant au gaz (+ 40 %).
En septembre 2022, il a dévoilé à l’occasion du Salon IAA d’Hanovre la version 100 % électrique de son Daily (e-Daily). Le constructeur a d’ailleurs profité de l’évènement allemand pour signer un partenariat avec la société Petit Forestier, portant sur 2 000 commandes en Europe.
Des VUL électriques pour la distribution urbaine
Le constructeur italien rapporte que ce sont principalement les carrosseries de fourgons, dévolus aux missions de distribution urbaine légère, qui roulent le plus avec des motorisations alternatives. « La transition énergétique est beaucoup plus en avance sur le segment des véhicules lourds de plus de 7,5 t que sur celui des véhicules légers. Elle a démarré plus tôt et elle ne se fait pas avec les mêmes énergies pour l’instant, note Clément Chandon. Le gros changement intervenu en 2022 concerne la hausse significative des véhicules B100 exclusifs [biocarburant], éligibles à la vignette Crit’Air 1. Cette énergie se développe presque exclusivement en France en raison d’un cadre réglementaire et fiscal favorable. »
Les énergies alternatives pèsent 6 % du marché des camions
Sur ce marché des poids lourds (7,5 à 44 t), le diesel a représenté une part de 93,9 % des immatriculations en 2022 (96,4 % en 2020 et 97,3 % en 2019). Les énergies alternatives y ont pesé un volume de 2 591 unités (+ 44 %), soit une part de 6,1 % (42 660 immatriculations au total en 2022). Parmi elles, le GNV reste le plus plébiscité, avec une part de 4 % l’an passé. « Sur ce segment, le rythme actuel nous amènerait à sortir du diesel en 2043 », informe Clément Chandon. D'après les données d’Iveco, les profils des clients et les utilisations diffèrent selon les énergies.
Ainsi, les camions électriques sont carrossés pour la plupart en fourgons et bennes à ordures ménagères, quand le mix des véhicules roulant au gaz est surtout orienté sur les tracteurs (49 %). Les premières livraisons du camions Nikola Tre BEV, un tracteur électrique à batterie conçu sur la base de l’Iveco s-Way, auront lieu au deuxième trimestre 2023.