Les agents autos européens s'inquiètent des projets de Stellantis
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Les agents autos européens s'inquiètent des projets de Stellantis

Dans le cadre de la consultation publique ouverte par la Commission européenne, relative au Projet de règlement d'exemption sur la distribution automobile, le Conseil Européen des groupements d'agents (Cegaa) a réagi aux projets envisagés par les constructeurs, en particulier de Stellantis.

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Le Conseil Européen des groupements d'agents (Cegaa) a envoyé un document d'une soixantaine de pages à la Commission européenne concernant l'évolution de la distribution automobile

« La distribution automobile n'a pas fondamentalement changé depuis au moins quarante ans », est-il ainsi soulevé en préambule du document rédigé par le Groupement européen d'agents de l'automobile (Cegaa). Entre la révision du règlement automobile prévue en 2022 et surtout la volonté des constructeurs de reprendre d’une certaine façon la main sur la distribution, c’est une petite révolution qui se prépare, cette fois-ci. « Gagnée par la digitalisation du marché, la distribution automobile est sur le point de connaître des  changements profonds, de nature à bouleverser la situation des consommateurs européens, des  entreprises de la distribution et de leurs salariés », soulève ainsi le Cegaa. Présidé depuis cette année par Florence Gete, également présidente du groupement des agents automobiles Peugeot, il réunit une dizaine de groupements nationaux d'agents et de réparateurs. Suite à la publication le 9 juillet dernier par la Commission européenne du Projet de règlement d'exemption des accords verticaux et de lignes directrices, le Conseil européen des groupements d'agents de l'automobile a communiqué le texte d'une contribution, rédigé par Patrice Mihailov, avocat au Barreau de Paris, dans le cadre de la consultation publique ouverte par la Commission (jusqu’au 17 septembre 2021). Ce dernier dresse un état des lieux du paysage actuel de la distribution automobile et revient surtout sur les projets envisagés par les constructeurs, dont certains suscitent des inquiétudes.

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Un modèle déficient, selon le Cegaa

Si le dernier règlement européen en matière de distribution automobile, datant de 2010, a peu fait bouger les règles du jeu, le Cegaa n’hésite pas à parler d’un « modèle déficient, contribuant à l'augmentation des coûts de distribution et par voie de conséquence, du prix des véhicules. Le marché intérieur est cloisonné, dans une mesure qui ménage des écarts de prix de plus de 40 % d'un État membre à un autre ».

Dans les années à venir, ce sont davantage les projets des constructeurs que la nouvelle réglementation européenne qui risquent de faire bouger les lignes. Des indications en ce sens ont déjà été données par certaines marques (Stellantis, Volvo, Smart, Mercedes-Benz…), sans compter l’arrivée de nouveaux acteurs adoptant un nouveau mode de distribution (Aiways, Lynk & Co). Le Cegaa, via son conseil Patrice Mihailov, a surtout concentré ses commentaires sur le projet du groupe Stellantis, dont les distributeurs et les agents ont été résiliés en juillet dernier.

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Appropriation des données des clients du distributeur

Patrice Mihailov, avocat au Barreau de Paris.
« Dans le schéma actuel de distribution indirecte, il n'existe pas de lien direct entre le constructeur et l'utilisateur final. Le client du constructeur est le distributeur, et l'utilisateur final est le client du distributeur. Le groupe Stellantis a élaboré le texte d'un avenant aux contrats de distribution et de réparation, qui prévoit l'obligation pour les distributeurs et réparateurs de transmettre leur fichier clients au constructeur, et de lui orienter systématiquement les prospects », soulève Patrice Mihailov. Et d'ajouter : « A ma connaissance, il n’est pas prévu à ce stade d'accorder une contrepartie quelconque à la transmission de la clientèle des distributeurs, qui semble n'être envisagée qu'à titre gracieux ». Arrive ensuite le grand sujet des « ventes directes ».

Un distributeur qui deviendrait mandataire

Patrice Mihailov rapporte que « le groupe Stellantis a divulgué son intention de vendre directement le véhicule neuf à l'utilisateur final. Le distributeur n'interviendrait plus que dans la présentation et dans la livraison du véhicule, en contrepartie d'une commission. Les détails de ce projet ne sont pas connus mais en pratique, la vente directe du constructeur à l'utilisateur final peut être opérée en ligne, depuis le terminal du client, aussi bien que dans les locaux du distributeur, la commande étant passée sur un terminal du distributeur utilisant l'interface du constructeur. Dans ce cadre, Stellantis a précisé que le distributeur n'interviendrait plus en qualité de commerçant indépendant, mais de mandataire (le profil exact de ce mandat n'étant pas connu). Ce mandataire, privé de clientèle propre et engagé dans une relation d'exclusivité, perd sa capacité d'acteur économique indépendant. Il est de facto sorti du marché, pour n'être plus que le représentant d'un constructeur. C'est très préoccupant. On ignore à ce stade si les actuels agents seront les mandataires du constructeur ou les sous-mandataires des distributeurs devenus mandataires. J'ai le sentiment qu'ils pourraient bien devenir les mandataires du constructeur et perdre à cette occasion l'indépendance qui est encore la leur ». Il ne serait pas surprenant que d’autres marques automobiles adoptent un schéma identique.

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Le VO est aussi concerné

Patrice Mihailov relève enfin que dans le modèle de vente directe « le groupe Stellantis projette de mettre en œuvre, la reprise des véhicules d'occasion sera en principe assurée par le constructeur lui-même, qui prendra à cette occasion le contrôle du sourcing. Il est évidemment à redouter que le distributeur, qui n'aura plus de clientèle propre, soit également évincé du marché du véhicule d'occasion ».