Les best-sellers des constructeurs français fabriqués à l'étranger
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Les best-sellers des constructeurs français fabriqués à l'étranger

Tels des people s'exilant pour payer moins d'impôts, les deux vedettes nationales, Clio et 208, ont quitté ensemble le territoire en 2019. Un fait mollement dénoncé, qui paraît aujourd'hui inexorable. Le point sur l'industrie automobile française.

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La Renault Clio est fabriquée en Turquie et en Slovénie

THOMAS ANTOINE/ACE TEAM, thomas.antoine/ACE Team

Les directeurs des marques étrangères ont coutume de dire que le marché français est atypique, parce que les automobilistes achètent, pour environ 50 % d’entre eux, une Renault ou une voiture de PSA. Les Français roulent donc français. Indiscutable, du moins tant que l’on ne soulève pas le capot. Car le made in France, voire le label « Origine France garantie », ne sera sans doute jamais aussi peu d’actualité qu’en 2020. Où est désormais fabriquée la Renault Clio, voiture la plus vendue de France au cours de ces dernières années ? En Turquie, sur le site de Bursa, et, dans une moindre mesure, en Slovénie, à Novo Mesto. L’usine francilienne de Flins a produit 10,3 % du volume mondial de Clio l’an dernier et pas une seule Clio 5, contrairement aux sites turque et slovène. Le site de Flins est censé pouvoir produire des Clio au cas où la demande mondiale le nécessiterait, selon Renault.

Les Yvelines, département déserté

L'usine de Kénitra au Maroc où sont fabriquées des versions de la Peugeot 208
Peugeot n’est pas en retard sur son concurrent historique de ce point de vue-là. La Peugeot 208 actuelle est une auto 100 % slovaque ou 100 % marocaine, suivant la version choisie. PSA vient tout juste d’inaugurer une usine flambant neuve pour produire le modèle au Maroc, à Kénitra, à une centaine de kilomètres de Casablanca. À l’instar de la Clio, qui a déserté Flins et les Yvelines, ce même département a vu le site de Poissy être abandonné par la 208 pour être assemblée dans des contrées moins coûteuses. Scandale ? Les syndicats ne s’en offusquent même plus. La posture patriotique a beau jeu face aux règles imparables de l’arithmétique. Fabriquer une Clio ou une 208 d’entrée de gamme en France reviendrait à la vendre plus cher, beaucoup plus cher… Seul le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’en est offusqué publiquement. « Nous produisons et nous assemblons au Maroc, en Slovaquie, en Turquie pour réimporter en France à des fins commerciales. Je ne me satisfais pas d’un modèle où les deux véhicules les plus vendus en France ne sont plus produits en France. Ce modèle de développement est un échec  », faisait-il savoir le 2 décembre dernier. L’échec serait, selon le ministre, « économique, car il a conduit à délocaliser notre production et à détruire des emplois », mais aussi « écologique, car il a conduit à l’augmentation des émissions de CO2. »

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Des solutions pour relocaliser

La Renault Clio est fabriquée en Turquie et en Slovénie
Bruno Le Maire dit ne plus vouloir « de ce modèle », car « l’État a soutenu l’innovation et la demande sans jamais obtenir de contreparties sur la production en France ». Le ministre a même fait savoir qu’un ancien de PSA, Hervé Guyot, était censé travailler auprès des deux constructeurs afin de trouver des solutions pour relocaliser industriellement les deux modèles stars en France. Cet ex-directeur général de PSA Finance n’a pas encore remis ses premières conclusions au ministre. Cela devrait être chose faite courant avril, selon le cabinet de Bruno Le Maire. Au-delà des symboles, l’industrie automobile française n’est pas morte, ni même moribonde. Elle s’adapte à son contexte.

PSA annonce ainsi avoir fabriqué 36 % de son volume mondial en France en 2019, soit plus ou moins la même proportion qu’en 2018. À la différence que Poissy ne fabrique plus de Peugeot 208, mais une Opel, et que les sites se transforment, inexorablement. Le directeur de Peugeot, Maxime Picat, a même prévenu récemment dans L’Usine nouvelle que « la baisse de production aura lieu en 2020, mais sera limitée dans le temps » : « Elle concerne essentiellement nos sites de
Poissy et de Mulhouse, où nous allons lancer des véhicules qui ne sont pas des remplacements, mais des modèles supplémentaires. Dès 2021, les volumes de ces deux sites vont remonter. »

L’usine de Sochaux n’est pas épargnée. Elle va se transformer cette année pour accueillir au montage six silhouettes différentes sur une même ligne, qui sera capable d’équiper les autos en moteurs thermiques ou en systèmes électrifiés. La donne diffère chez Renault, où, avec 17,9 % de son volume produit en France en 2019 (18,2 % en 2018), on est loin des 36 % de PSA. Les chiffres baissent d’année en année et le contexte actuel de remous économiques n’incite guère à l’optimisme. La directrice générale par intérim de Renault a même mis le feu aux poudres lors de la présentation des résultats financiers, en annonçant que Renault ne s’interdisait rien du tout en matière de fermeture d’usine.

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« En état de choc »

« Le message passé par Clotilde Delbos n’a fait qu’accentuer l’inquiétude grandissante des salariés de Flins et a détérioré le climat social et le moral des salariés, qui était déjà au plus bas », considère la section CFDT de l’usine. Au sein du site industriel de Douai, même syndicat, même tonalité. « Comment un responsable si haut placé peut tenir de tels propos et laisser des milliers de salariés et de familles dans la peur et en état de choc, n’hésite pas à écrire la confédération. La CFDT lui demande, dans ce genre de situation, soit de tout dire soit de se taire ! » Il y a peu, Renault comptait encore une production française concentrée sur les véhicules de haut de gamme. Les Clio RS étaient fabriquées à Dieppe, l’Espace et la Talisman à Douai. Tout a volé en éclats. La Clio RS a disparu (pour des motifs environnementaux), l’Espace et la Talisman sont de relatifs échecs commerciaux, au point que Renault annonce qu’en 2021, « l’usine fabriquera des véhicules électriques », sans livrer plus de précisions. Seule l’ultra-confidentielle Alpine A110, fabriquée à Dieppe, maintient le symbole d’une production française de haut de gamme pour Renault.

Fleuron de DS Automobiles, la DS 9 (ici, en version PHEV E-Tense) n'est pas produite en France, mais en Chine.
Un symbole écorné aussi chez PSA, depuis que l’usine de Rennes, qui avait assemblé la Citroën C6 jusqu’en 2012, a vu sa remplaçante filer en Chine. La publicité a beau magnifier une DS 9 qui serait « une invitation à redécouvrir l’excellence française en matière d’automobile », la CFDT, une nouvelle fois, s’étrangle. « Nous sommes très déçus, voire un peu amers, que PSA n’ait pas attribué la DS 9 à l’usine de Rennes. Il s’agit pourtant du site de référence du haut de gamme, nous avions produit la C6, indique Christine Virassamy, déléguée syndicale centrale de PSA et salariée de l’usine bretonne. Nous avons un savoir-faire, il faut le préserver ! La DS 9 aurait pu être un complément. Les petits volumes, nous savons faire, nous avions l’E-Méhari, c’était deux ou trois véhicules par jour. »

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« Un complément pour l’avenir »

Afin d’être rentables et d’assurer leur pérennité, les usines, particulièrement en Europe occidentale, se doivent en effet de tourner au maximum de leurs capacités. Le problème ne se pose pas aujourd’hui à Rennes (154 100 voitures fabriquées en 2019), les équipes sont fort occupées à assembler des Citroën C5 Aircross et des Peugeot 5008. Le souci porte plutôt sur demain. « Le 5008 a un peu d’âge et va entamer sa décroissance. Il nous faut un complément pour l’avenir », analyse la déléguée de la CFDT, pour qui chaque changement de modèle ou de génération amène son lot de remises en question… et d’anxiété.

Toyota à contre-courant

Luciano Biondo, président de Toyota Manufacturing France.
Alors que les constructeurs français n’envisagent pas une seule seconde d’ouvrir une nouvelle usine en France, Toyota fait l’inverse. Presque vingt ans après l’inauguration de l’usine à Onnaing, près de Valenciennes, pour fabriquer la Yaris, l’heure est à l’élargissement ! Jusque-là monoproduit, le site s’apprête à recevoir un second véhicule à fabriquer : un petit SUV, basé sur la même plateforme (TNGA-B) que la nouvelle Yaris. « Notre ambition de produire 300 000 véhicules par an peut ainsi devenir réalité, affirme Luciano Biondo, le président de Toyota Manufacturing France. La production de ce nouveau modèle permettra en outre au site de ne pas être tributaire du cycle de vie commercial d’un seul modèle. » Le volume de production de la Yaris en 2019 à Onnaing (224 000 unités) a en effet été légèrement inférieur à celui de 2018 (250 000), car le modèle était en fin de vie, mais aussi parce que l’Amérique est désormais alimentée par un site mexicain. Le constructeur japonais a annoncé investir au total 400 M€ dans l’usine pour l’arrivée du petit SUV et vouloir recruter « 500 nouveaux CDI ».

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