Les best-sellers des constructeurs français fabriqués à l'étranger
Tels des people s'exilant pour payer moins d'impôts, les deux vedettes nationales, Clio et 208, ont quitté ensemble le territoire en 2019. Un fait mollement dénoncé, qui paraît aujourd'hui inexorable. Le point sur l'industrie automobile française.
La Renault Clio est fabriquée en Turquie et en Slovénie
THOMAS ANTOINE/ACE TEAM, thomas.antoine/ACE Team
Les directeurs des marques étrangères ont coutume de dire que le marché français est atypique, parce que les automobilistes achètent, pour environ 50 % d’entre eux, une Renault ou une voiture de PSA. Les Français roulent donc français. Indiscutable, du moins tant que l’on ne soulève pas le capot. Car le made in France, voire le label « Origine France garantie », ne sera sans doute jamais aussi peu d’actualité qu’en 2020. Où est désormais fabriquée la Renault Clio, voiture la plus vendue de France au cours de ces dernières années ? En Turquie, sur le site de Bursa, et, dans une moindre mesure, en Slovénie, à Novo Mesto. L’usine francilienne de Flins a produit 10,3 % du volume mondial de Clio l’an dernier et pas une seule Clio 5, contrairement aux sites turque et slovène. Le site de Flins est censé pouvoir produire des Clio au cas où la demande mondiale le nécessiterait, selon Renault.
Les Yvelines, département déserté

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Des solutions pour relocaliser

PSA annonce ainsi avoir fabriqué 36 % de son volume mondial en France en 2019, soit plus ou moins la même proportion qu’en 2018. À la différence que Poissy ne fabrique plus de Peugeot 208, mais une Opel, et que les sites se transforment, inexorablement. Le directeur de Peugeot, Maxime Picat, a même prévenu récemment dans L’Usine nouvelle que « la baisse de production aura lieu en 2020, mais sera limitée dans le temps » : « Elle concerne essentiellement nos sites de
Poissy et de Mulhouse, où nous allons lancer des véhicules qui ne sont pas des remplacements, mais des modèles supplémentaires. Dès 2021, les volumes de ces deux sites vont remonter. »
L’usine de Sochaux n’est pas épargnée. Elle va se transformer cette année pour accueillir au montage six silhouettes différentes sur une même ligne, qui sera capable d’équiper les autos en moteurs thermiques ou en systèmes électrifiés. La donne diffère chez Renault, où, avec 17,9 % de son volume produit en France en 2019 (18,2 % en 2018), on est loin des 36 % de PSA. Les chiffres baissent d’année en année et le contexte actuel de remous économiques n’incite guère à l’optimisme. La directrice générale par intérim de Renault a même mis le feu aux poudres lors de la présentation des résultats financiers, en annonçant que Renault ne s’interdisait rien du tout en matière de fermeture d’usine.
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« En état de choc »
« Le message passé par Clotilde Delbos n’a fait qu’accentuer l’inquiétude grandissante des salariés de Flins et a détérioré le climat social et le moral des salariés, qui était déjà au plus bas », considère la section CFDT de l’usine. Au sein du site industriel de Douai, même syndicat, même tonalité. « Comment un responsable si haut placé peut tenir de tels propos et laisser des milliers de salariés et de familles dans la peur et en état de choc, n’hésite pas à écrire la confédération. La CFDT lui demande, dans ce genre de situation, soit de tout dire soit de se taire ! » Il y a peu, Renault comptait encore une production française concentrée sur les véhicules de haut de gamme. Les Clio RS étaient fabriquées à Dieppe, l’Espace et la Talisman à Douai. Tout a volé en éclats. La Clio RS a disparu (pour des motifs environnementaux), l’Espace et la Talisman sont de relatifs échecs commerciaux, au point que Renault annonce qu’en 2021, « l’usine fabriquera des véhicules électriques », sans livrer plus de précisions. Seule l’ultra-confidentielle Alpine A110, fabriquée à Dieppe, maintient le symbole d’une production française de haut de gamme pour Renault.
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« Un complément pour l’avenir »
Afin d’être rentables et d’assurer leur pérennité, les usines, particulièrement en Europe occidentale, se doivent en effet de tourner au maximum de leurs capacités. Le problème ne se pose pas aujourd’hui à Rennes (154 100 voitures fabriquées en 2019), les équipes sont fort occupées à assembler des Citroën C5 Aircross et des Peugeot 5008. Le souci porte plutôt sur demain. « Le 5008 a un peu d’âge et va entamer sa décroissance. Il nous faut un complément pour l’avenir », analyse la déléguée de la CFDT, pour qui chaque changement de modèle ou de génération amène son lot de remises en question… et d’anxiété.Toyota à contre-courant

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