Les constructeurs compensent la perte de volume par la hausse des prix
Face à la pénurie de semi-conducteurs et à la hausse des coûts des matières premières, les constructeurs automobiles ont ajusté leur "pricing power", et ce afin de conserver leurs marges. Le prix des voitures restera-t-il élevé une fois la situation revenue à la normale ?
Le prix des voitures neuves devrait rester encore élevé pendant une bonne partie de l'exercice 2022
[Article mis à jour le 25 octobre 2021]
Dans un contexte pourtant extrêmement compliqué pour le secteur, marqué par des fermetures d’usine et un ralentissement des livraisons de voitures, nombre de constructeurs annonçaient en juillet dernier des résultats « record » et des rentabilités en hausse. Si les volumes de vente restent en net retrait par rapport à l’exercice 2019, les constructeurs automobiles « profitent » de la pénurie de semi-conducteurs et de la hausse des coûts des matières premières pour augmenter le prix des véhicules. Comme l'a affirmé récemment Luca de Meo, directeur général du groupe Renault, à nos confrères du journal espagnol Expansion, la tendance va se poursuivre pendant les 12 prochains mois.
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Une perte de l'ordre de 210 milliards de dollars
AlixPartners table sur un total de 75 à 77 millions de véhicules vendus dans le monde en 2021, contre des prévisions comprises entre 83 et 85 millions sans ces problèmes de pénuries. Il estime que 7,5 à 8,5 millions de véhicules en 2021 n’ont pas été vendus en raison de ce contexte de pénurie et d’inflation. Le cabinet évalue à 210 milliards de dollars le montant des pertes liées aux ventes sur l’intégralité de l’industrie automobile, « hors effet de pricing ». « C’est-à-dire que nous pensons que les constructeurs peuvent récupérer une partie de la marge, de l’ordre de 50 %, grâce à l’augmentation des prix, indique Alexandre Marian, directeur général chez AlixPartners. Depuis dix-huit mois, du fait de l’inflation, la hausse des matières premières contenues dans les véhicules thermiques (acier, aluminium, caoutchouc, les matières qui vont dans les pots catalytiques…) atteint 120 % aux États-Unis, 87% en Europe et 60% en Asie. Les répercussions sont plus importantes aux États-Unis en raison du poids des véhicules, qui affiche en moyenne 400 kg de plus qu’en Europe ou qu’en Asie.« Les marges étant très serrées dans le secteur automobile, cette hausse du coût des matières premières n’est pas soutenable à long terme. Les constructeurs ne peuvent pas tout absorber et réfléchissent à transférer tout ou partie de cette hausse des coûts vers le consommateur final, expose Alexandre Marian. En cette période de pénurie de véhicules, le prix catalogue ou prix de détail suggéré par le fabricant (maximum suggested retail price) augmente et les remises sont très faibles. Les constructeurs ont adopté un nouveau pricing power. Mais une fois que la situation de pénurie et de hausse des coûts des matières premières sera passée, ce pricing power sera-t-il encore tenable ? Est-ce que les constructeurs seront suffisamment disciplinés pour stabiliser leur production afin de maintenir les marges ? Historiquement, dans le secteur automobile, cela a rarement été le cas. Il est plausible que nous assistions de nouveau à une guerre des prix ».
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La valeur des matières premières plus importante sur les électriques
Le coût moyen d’un véhicule fabriqué en Europe est estimé à 14 000 dollars. Le cabinet informe que le coût des matières premières est estimé à 2 580 dollars (2 213 €) par véhicule en Europe, soit une part comprise entre 15 % et 20 %. « Un véhicule électrique pèse en moyenne 180 kg de matière en plus par rapport à un thermique, comprenant les matières liées à la batterie et aux pièces spécifiques pour ce type de produit. On y retrouve du cuivre, de l’aluminium, du graphite, du nickel et du cobalt », détaille Alexandre Marian. AlixPartners informe qu’un VE représente environ 2 040 dollars (1 750 €) de plus en valeur de matière première qu’un véhicule thermique équivalent.
Enfin, au-delà de ces effets conjoncturels, qui vont s’estomper dans le temps, le cabinet souligne que les constructeurs européens sont également soumis à la réglementation sur le dioxyde de carbone (CO2), qui elle va perdurer. « Il n’y a plus de gratuité depuis 2020 concernant les quotas carbone dans la filière automobile. Ainsi, à la hausse du coût des matières premières, il faut ajouter 450 dollars (390 euros) par véhicule liés à ces quotas sur le CO2 », informe Georgeric Legros, directeur chez AlixPartners. Le cabinet anticipe une stabilisation de la situation de pénurie entre mi-2022 et fin 2022.