Les équipementiers automobiles sous pression et sous haute tension
Alors qu’ils doivent investir dans les technologies d’avenir, les équipementiers automobiles sont touchés de plein fouet par l’inflation, la chute des ventes de VN et la hausse des taux d'intérêt. D'après les cabinets Roland Berger et Lazard, les petits fournisseurs auront le plus de mal à surnager.
Selon les cabinets Roland Berger et Lazard, les méga-fournisseurs, dont le CA est supérieur à 10 milliards d'euros, sont toujours les plus rentables.
Bosch
« Les fournisseurs de l'industrie automobile sont-ils au bord du précipice ? » s'interrogent d’emblée les analystes des cabinets de conseil Roland Berger et Lazard dans le titre de leur étude Global Automotive Supplier Study 2022, pour laquelle ils ont passé au crible les indicateurs de performance d'environ 600 entreprises. Inflation, pénurie de puces, hausse des coûts des matières premières et de l'énergie, baisse des ventes de véhicules neufs pour la troisième année consécutive… Les équipementiers automobiles, qui avaient retrouvé en 2021 une marge bénéficiaire moyenne au niveau de celle affichée avant la crise sanitaire (à 5,3 %), se retrouvent de nouveau fragilisés en cette fin d’année 2022. « La plupart des fournisseurs n'ont pas été en mesure de répercuter suffisamment la hausse des coûts de l'énergie et de la logistique, ainsi que la pénurie de puces, observent les deux cabinets. Les marges des fournisseurs retomberont donc en 2022 en dessous des niveaux de 2021, et aucune amélioration fondamentale ne peut être attendue en 2023 dans le contexte économique actuel. »
Guerre en Ukraine, tension entre la Chine et Taiwan…
La guerre en Ukraine a cassé brutalement la dynamique de reprise. Les deux cabinets rappellent dans leur étude que la Russie et l'Ukraine représentent une part importante des exportations mondiales de produits clés pour l’industrie, tels que le pétrole, le gaz naturel, les métaux et les produits chimiques. La Russie est, par exemple, le premier producteur mondial de palladium (ce matériau est notamment utilisé dans les pots d’échappement des moteurs à essence) et le deuxième pour le gaz naturel. Le conflit a provoqué une hausse soudaine des prix du carburant, mais aussi des perturbations importantes de la chaîne logistique et une augmentation des taux de fret en raison de la fermeture des ports et des espaces aériens. Par ailleurs, la situation géopolitique tendue entre la Chine et la Taiwan – ce dernier État produisant 50 % des semi-conducteurs pour l’électronique automobile dans le monde – constitue une autre menace importante pour l’industrie automobile.
Les petits fournisseurs les plus touchés
Compte tenu de l’inflation, les deux cabinets considèrent que le chiffre d’affaires mondial du secteur des fournisseurs sera de nouveau inférieur à celui de 2019 au cours des douze prochains mois. Un retour aux niveaux d'avant-crise n'est pas attendu avant 2025. Roland Berger et Lazard observent cependant des situations différentes selon le profil et les spécificités des entreprises étudiées. En 2021, les fournisseurs d'électronique (9,4 % de marge moyenne d’EBIT) et ceux qui alimentent le marché des pièces de rechange (10,5 %) ont tiré leur épingle du jeu, dépassant de loin la rentabilité moyenne du secteur. « À l’inverse, la plupart des fournisseurs de composants traditionnels sont confrontés à une nouvelle baisse de leurs marges sur ce marché, note Éric Espérance, associé chez Roland Berger. Les petits fournisseurs qui n'ont pas un positionnement régional fort et une large diversification des produits seront probablement les plus lents à se redresser. »
Le défi du financement des développements pour les nouvelles technologies
Ainsi, les méga-fournisseurs, dont le chiffre d'affaires est supérieur à 10 milliards d'euros, sont toujours les plus rentables avec une marge d’EBIT de 5,9 % en 2021. Les entreprises plus petites, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 millions d'euros, n'ont pu réaliser que de faibles marges, autour de 2,8 % en moyenne. « Toutefois, les bénéfices de nombreux grands fournisseurs seront soumis à une pression supplémentaire en 2022 en raison de l'augmentation des coûts. Trouver des moyens de surmonter ce défi conjointement avec les constructeurs sera parmi les priorités des fournisseurs en 2023 », soulèvent Roland Berger et Lazard. Selon les auteurs de l'étude, la croissance du chiffre d’affaires et des bénéfices des fournisseurs automobiles ne pourra être atteinte dans les années à venir que si elle est couplée au développement de nouvelles technologies (électrification, voiture autonome, connectivité…).
Pas d'amélioration attendue du climat d'emprunt
Or, les investissements nécessaires dans les technologies d’avenir du secteur sont actuellement entravés par le contexte défavorable pour l’emprunt. « Les hausses de taux d'intérêt en période de forte inflation rendront les futures options de refinancement beaucoup plus coûteuses pour les fournisseurs automobiles, analyse Christof Söndermann, directeur général chez Lazard. Combiné à la fluctuation du volume de production et à une baisse potentielle de leur propre notation, cela représente un risque substantiel pour les fournisseurs. » Une amélioration du climat d'emprunt n’est pas attendue dans les douze à dix-huit prochains mois.