Maserati. "Sonorité, sportivité et l'électrique sont compatibles"
Seule marque de luxe du groupe automobile Stellantis, Maserati entame une nouvelle ère, tournée résolument vers l'hybridation puis l'électrique. Le directeur commercial monde Bernard Loire nous livre son plan de bataille afin de redynamiser le trident à l'international et de redevenir profitable.
Bernard Loire, directeur commercial monde de Maserati
L'argus. Vous êtes arrivé en tant que numéro 2 chez Maserati peu de temps avant le début de la crise sanitaire. Quel regard portez-vous sur 2020 et ce début 2021 ?
Bernard Loire, directeur commercial monde de Maserati. Cinq semaines après mes débuts, le monde s’arrêtait. Ce fut une période intéressante malgré le contexte, voire une transition à bien des niveaux. C’est aussi pour cela que nous parlons d’une nouvelle ère puisque les prochaines années seront des années de croissance. Au 1er trimestre 2021, les ventes ont augmenté de 52 % au niveau global. Si nous parvenons à conserver ce rythme tout au long de l’année, nous pourrions revenir au niveau de 2019.
Que cherchez-vous ?
Le retour à la profitabilité, aidé d’un nouveau plan produit robuste et d’un parcours client revu et corrigé, ainsi que des investissements dans les nouvelles technologies. Nous nous engageons dans une nouvelle dimension de marque pour continuer notre développement sur les années à venir. Nous n’étions pas profitables depuis deux exercices. Nous avons accusé des pertes à cause de la baisse des volumes, mais aussi aux investissements faits en parallèle dans l’électrique. Nous devons donc retrouver un objectif de business dans les années futures digne d’une marque de luxe, soit 15 % de marge opérationnelle.
En octobre dernier, Maserati a annoncé vouloir électrifier son avenir et avoir engagé 2,5 milliards d’euros depuis 2 ans dans le renouvellement de la gamme. Serait-ce un levier majeur pour son retour aux affaires ?
En partie. Nous avons démarré l’électrification de la gamme avec le lancement de la Ghibli hybride en fin d’année 2020, premier modèle à posséder une propulsion électrique. Nous continuons notre marche de l’hybridation avec le lancement de notre gros SUV Levante hybride en 2021 et à la fin de l’année, nous présenterons notre petit SUV Grecale, soit le 1er modèle à bénéficier de toutes les motorisations, du moteur à combustion en passant par l’hybride et le 100 % électrique. Le 1er modèle 100 % électrique, le Gran Turismo, débarquera au 1er trimestre 2022, suivi en fin d’année du Gran Cabrio. Cette voiture représente l’essence même de la marque tant sur le design, la sportivité et le plaisir de conduire. Elle aura le privilège d’ouvrir la nouvelle ère de Maserati sur le 100 % électrique. Ensuite, tous les nouveaux modèles produits, inclus dans le cycle, offriront une version 100 % électrique, jusqu’à commercialiser la supercar MC20 100 % électrique.

Pour quel mix de ventes ?
Compte tenu des tendances, nous imaginons qu’en 2025, 50 % des ventes mondiales de Maserati seront issues de modèles 100 % électriques. La Ghibli hybride pèse déjà 50 % des commandes de Ghibli en Europe et 90 % en Chine. Pour le Levante, nous prévoyons le même mix d’hybridation. Cela ne veut pas dire que dès 2025, nous irons vers 100 % électrique car nous pensons qu’il y aura toujours des clients qui voudront acheter une Maserati avec un moteur à combustion.
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Quel déclic pour ce changement ?
La question a été de savoir si une marque de performance et de luxe comme Maserati peut avoir des produits électrifiés. Absolument. La technologie électrique permet de donner des prestations incroyables, tout en gardant notre ADN. Aujourd’hui, les clients sont demandeurs, soit pour des raisons de contexte environnemental, soit parce qu’ils sont incités par la fiscalité. Nous pensons que c’est le bon moment. Maintenir une identité sonore spécifique et sportive avec une propulsion électrique est tout à fait possible. Nous avons des technologies développées en interne avec des moteurs et des capacités de recharge de batterie puissants. La compatibilité est totale mais le choix sera laissé in fine à nos clients. Cette transition est une opportunité plus qu’un sacrifice qui va nous permettre d’amplifier notre aura et de toucher une autre clientèle plus jeune sur d’autres zones géographiques.
Le marché français suivra-t-il ?
La France ne représente malheureusement pas plus de 1 % dans les volumes globaux de Maserati. Ceci pour une raison que nous connaissons avant tout liée à un environnement fiscal défavorable. Dans les ventes françaises, la Ghibli hybride représente aussi 50 % des commandes. Nous répondons à l’attente avec l’hybridation de nos modèles puis l’électrification, la France va redevenir un marché important pour nous.
Le réseau a-t-il été repensé pour accompagner cette transformation ?

Nous comptons environ 400 showrooms dans le monde, dont 13 en France. Maserati doit rester une marque exclusive, nous ne cherchons pas à recruter. Nous avons historiquement un nombre de distributeurs très engagés, passionnés et donc très fidèles, ils ont vécu des périodes fastes avec Maserati comme des périodes de décroissance. Tout le monde attend les effets de cette nouvelle stratégie : l’avenir pour le réseau français comme européen et mondial, sera définitivement au vert. Nous devons travailler la qualité de la représentation, beaucoup plus que la quantité de concessionnaires. Avec la croissance des volumes, nos nouvelles technologies et nos nouveaux clients, nous devons sans cesse améliorer l’expérience client et ce sera le point focal du réseau.
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La digitalisation est-elle également un axe stratégique ?
L’interaction entre le digital et le physique est une réalité chez Maserati. Le monde du luxe peut aller loin dans la digitalisation car l’accessibilité à l’information et à nos clients demeure une aide précieuse pour faire briller la marque auprès du plus grand nombre. Nous pouvons imaginer, par exemple, faire du e-commerce, et d’ailleurs nous allons entamer un pilote aux États-Unis dans les mois à venir. Il prendra son expansion au niveau mondial ensuite. Nous ne supprimerons pas pour autant le réseau, au contraire. Nous avons aussi lancé le e-showroom en direct de notre site de Modena. Les clients peuvent avoir une démonstration personnalisée sur le produit de leur choix, en interaction complète et directe avec nos équipes sur place. Le tout est de créer ce lien avec la clientèle.
D’autres projets à venir ?
Oui sur la livraison de véhicules en concession, à domicile ou à l’usine, notamment avec la MC20. Nous avons également des projets en après-vente, comme un service de pick-up sur le lieu de son choix, la prise de rendez-vous en ligne, l’assistance, etc. Ces projets sont plus ou moins avancés et sortiront dans les prochains mois. Maserati est une marque historique qui fonctionnait beaucoup sur une manière de penser et des process liés au monde du luxe. Nous la dynamisons en mettant en place une équipe commerciale internationale, travaillant davantage sur le digital et se focalisant sur le client pour dépasser ses attentes, mais en gardant les bases du luxe. Il s’agit du nouveau Maserati. Nous sommes bien occupés, il y a énormément de travail, la dynamique est incroyable dûe à la fois aux nouveaux produits et à cette volonté d’interagir beaucoup plus avec nos clients.
La naissance de Stellantis a-t-elle bouleversé vos plans ?
Le plan produit Maserati avait été voté avant l’arrivée de Stellantis, la feuille de route reste la même. Nous avons d’ailleurs tout son soutien. Seule marque du pôle luxe, la marque grandira et brillera à travers ce groupe et donc les synergies à venir. Je pense que notre intérêt commun est de continuer d’investir, ensemble.