Occasion. La Cote Argus® évolue pour s’adapter à l’inflation du prix des voitures
Alors que les voitures d’occasion subissent une forte inflation depuis deux ans, la Cote Argus® évolue pour mieux répondre aux réalités du marché. Olivier Flavier, vice-président Mobility France du groupe Adevinta, maison mère de L’argus et Leboncoin, décrypte les raisons de cette décision.
Olivier Flavier, vice-président Mobility France du groupe Adevinta, maison mère de L'argus et Leboncoin
Wilfrid Veris
L’argus : Face à la hausse spectaculaire des prix des VO, vous avez annoncé un « ajustement exceptionnel à la hausse » de la Cote Argus® au 1er décembre 2022. Comment en êtes-vous arrivé à cette décision ?
Olivier Flavier, vice-président Mobility France du groupe Adevinta : Les prix de vente des voitures d’occasion ont augmenté d’environ 30 % en deux ans. Ce n’était jamais arrivé sur un laps de temps aussi court. La Cote Argus® historique, qui existe depuis les années 1930, est une cote de dépréciation qui part du prix de vente d’un véhicule neuf et sert de référence pour la reprise des voitures par les professionnels. Il y a plusieurs courbes de cote, et les dépréciations qui étaient réalisées n’étaient pas reliées au marché mais seulement à la dépréciation absolue d’une voiture. Nous n’avions jamais touché à ces courbes de dépréciation dans le temps, sauf une fois en 2020, quand nous avions gelé la cote pendant le confinement afin de garder de la valeur sur le marché. C’était artificiel et cela a duré deux mois. Comme nous avons constaté un écart qui devenait beaucoup trop fort entre les prix de vente des voitures d’occasion – ce qu’on appelle la valeur de marché ou la valeur d'annonces* – et nos cotes qui sont forcément plus basses, nous avons rectifié nos courbes de dépréciation afin de nous assurer qu’elles collent davantage au marché.
* Le prix moyen de vente constaté dans les annonces publiées sur Leboncoin et L’argus.
Nous avons rectifié nos courbes de dépréciation afin de nous assurer qu’elles collent davantage au marché.
Comment cela se matérialise-t-il ? Toutes les cotes ont-elles augmenté subitement de 30 % ?
Le 1er décembre correspond à la date officielle de l’annonce de cet ajustement. En réalité, nous avons commencé la rectification plusieurs mois auparavant pour que cela ne soit pas brutal pour les professionnels. Cela s’est fait de façon progressive, marque par marque, modèle par modèle. Nous avons également fait des tests au fur et à mesure pour vérifier que les valeurs avaient du sens, mais aussi et surtout pour nous assurer qu’on ne perturbait pas nos clients professionnels et les particuliers venant faire reprendre leur voiture.
Quel est l'accueil des clients face à cette décision ?
En même temps que nous rectifiions la Cote Argus®, nous avons validé la justesse de nos valeurs de marché et la cohérence de nos valeurs de transactions**. Les retours que nous avons de la part de nos clients professionnels sont très bons, puisque ceux-ci utilisent régulièrement nos cotes et constatent qu’elles correspondent aux attentes et au marché.
** Les vraies valeurs de reprise par les professionnels, compilées par L’argus.
Nous avons commencé la rectification plusieurs mois auparavant pour que cela ne soit pas brutal pour les professionnels.
Cet ajustement répond à une situation particulière du marché VO. Une fois qu'il reviendra à la normale, que se passera-t-il pour la Cote ?
Depuis 2022, les dépréciations de cotes suivent beaucoup plus le marché. Elles le collent en temps réel, alors qu’elles en étaient auparavant déconnectées. Cela fonctionnait, puisque le marché était assez lisse. Chaque année, les prix des véhicules d’occasion augmentaient d’environ 5 % par an, et nos courbes de dépréciation en tenaient compte. Depuis trois mois, le marché de l’occasion ne connaît plus d’augmentation de prix. Il est même légèrement en baisse, et nos courbes suivent cette même tendance.
Justement, quelles tendances avez-vous constatées sur les prix et les stocks du marché des véhicules d’occasion en 2022 ?
De janvier 2021 à décembre 2022, les prix ont augmenté d’environ 30 %, aussi bien pour les particuliers que pour les professionnels. Sur la seule année 2022, les prix ont crû d’environ 15 %. Depuis trois mois, les prix des voitures récentes baissent d’environ 2 %, tandis qu’ils n’augmentent plus pour les modèles des autres catégories d’âges. Je pense que nous sommes arrivés à un plateau. Il y a également 30 % de voitures en stock en moins chez les professionnels par rapport à il y a deux ans, mais les niveaux sont remontés depuis trois mois, pour revenir pratiquement à ceux de 2021. En parallèle, la demande est toujours assez forte de la part de particuliers qui veulent acheter des voitures. Sur Leboncoin, nous avons 90 millions de visites tous les mois. Cela correspond à environ 12 millions de personnes différentes qui viennent sur le site chaque mois pour chercher une voiture à acheter. Sur le marché français, nous avons aussi constaté que les automobilistes gardaient leurs voitures plus longtemps. La durée de possession d’une voiture a augmenté d’un ou deux ans par rapport à 2019. Au-delà des prix qui ont grimpé, n’oublions qu’il y a beaucoup d’interrogations sur l’électrique ou l’hybride.
La demande est toujours assez forte de la part de particuliers qui veulent acheter des voitures.
Dans ce contexte, quelles sont vos prévisions pour 2023 ?
Tout dépendra de l’offre et de la demande. C’est trop tôt pour se prononcer, mais je table sur un marché de l’occasion entre – 1 % et – 3 % en 2023, soit environ 5 millions de voitures. La remontée des stocks a permis de tasser les prix. Si dans les mois à venir les stocks diminuent chez les professionnels, les prix augmenteront de nouveau. Mais si les stocks continuent de progresser, les prix n’augmenteront pas. Il faut également tenir compte d’un phénomène : avons-nous atteint la limite de ce que les particuliers sont prêts à payer pour une voiture ? C’est pour cette raison que nous regardons également un autre indicateur, celui de la rotation des stocks de voitures chez les professionnels. Il n’y a pas beaucoup de variations sur ce point depuis ces dernières semaines. Il y a toujours le même nombre de jours de stock, soit en moyenne 40 jours au total, de l’achat de la voiture par le professionnel jusqu’à la livraison à l’acheteur. Cela n’a d’ailleurs pas beaucoup varié ces dernières années.
Quelles sont les différences entre la Cote Argus® et la cote qui se base sur la valeur de marché ?
La valeur de marché – ou valeur d’annonces – provient de deux sources : de L’argus, qui ne traite que des voitures de professionnels, et du site Leboncoin, qui propose des voitures vendues par des professionnels (à 65 %) et des particuliers (à 35 %). Cette base de données, très importante en termes de volumétrie, permet d’obtenir des statistiques extrêmement justes sur les valeurs de marché. Jusqu’à il y a un an et demi, nous constations un écart d’environ 500 à 600 euros entre les prix de vente des particuliers et ceux des professionnels. Aujourd’hui, à modèle identique, un particulier vend une voiture 200 euros moins cher qu’un professionnel. Il y a eu un effet d’aubaine pour les particuliers, mais ceux-ci n’offrent pas les mêmes services que les professionnels, que ce soit la remise en état du véhicule, la révision ou encore les garanties. Sur Leboncoin, les particuliers peuvent toutefois obtenir un pack Sérénité, qui permet d’avoir un paiement sécurisé et une garantie mécanique de trois mois pour un prix de 119 euros.