Olivier François: «J'annonce le grand retour de Fiat sur le segment B»
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Olivier François: «J'annonce le grand retour de Fiat sur le segment B»

Avant de recevoir le Prix spécial du jury décerné au concept Centoventi lors des Trophées Argus 2020, le président de Fiat monde, a répondu aux questions de "L'argus" sur la stratégie produits à moyen terme, le remplacement de la Panda et les leviers pour renouer avec la rentabilité en Europe.

Par Benoît Landré et Grégory Pelletier
Publié le Mis à jour le

Pour Olivier François, président de la marque Fiat monde, "la nouvelle 500 a le profil idéal pour aller s'insérer dans un écosystème d'autopartage"

Clément Choulot

L'argus. Quelle est la stratégie de Fiat sur le marché européen et quel est le plan produit sur les prochaines années ?

Olivier François, président de la marque Fiat monde. Nous croyons toujours fortement dans ce double ADN de Fiat, avec, d’un côté, la famille 500, qui adopte un positionnement premium, et, de l’autre côté, une offre plus accessible, plus minimaliste, incarnée par le concept Centoventi, sur laquelle nous n’avions pas vraiment travaillé dans le plan produit précédent. La Panda est aujourd’hui un modèle, cela deviendra une famille, qui ne s’appellera pas obligatoirement Panda. Nous nous retroussons les manches pour la développer, et elle me paraît très intéressante dans le contexte de l’électrification. La future Panda doit démocratiser l’électrique.

Olivier François, président de la marque Fiat monde, a 58 ans.

Nous savons que les breaks ne sont plus au goût du jour, les monospaces encore moins. Il faut imaginer une combinaison pertinente, qui mêle voiture familiale, cool, accessible et écologique, certainement plus proche du monde des SUV et des crossovers. Des marques comme Seat, Skoda ou les coréennes ont su parfaitement prendre ce virage. Le concept Centoventi préfigure d’une certaine façon, au niveau des caractéristiques et de l’esprit, le futur de la Panda et de notre offre sur le segment B. Il nous permettra, en outre, de résoudre ce problème de marges réduites qui a longtemps caractérisé ce marché. L’approche Centoventi, de rupture et créative, sera appliquée également au segment C, voire D compact, avec un véhicule de 4,50 à 4,60 m. A moyen terme, nous aurons une gamme complète et très rajeunie de six modèles.

Pourquoi la Punto n’a pas été renouvelée, alors que Fiat a une culture de la citadine ?



Dans le plan 2014-2018, Sergio Marchionne a choisi d’optimiser l’usage de notre capital investi dans les segments de marché où les gisements de profitabilité étaient les plus évidents et immédiats : la marque Jeep, car le marché des SUV explosait, les pick-up et, sur un plan géographique, les États-Unis. Du fait de ce choix de stratégie d’investissements, la Punto n’a donc pas été renouvelée. Nous dénombrons 6 millions de clients sur ce modèle et devons capitaliser sur ce parc. En 2019, nous avons travaillé pour trouver le moyen d’investir de manière rentable sur l’Europe et les autres segments, plus traditionnels. Fiat sera l’un des grands bénéficiaires de cette stratégie. Il était temps ! Aussi, j’annonce un grand retour de la marque sur le segment B à partir de 2022, avec, probablement, deux modèles et deux équations de valeur différente : la première avec une voiture minimaliste, cool, sympa mais pas low cost, que l’on peut baptiser « la Panda du futur » ; la seconde avec un modèle plus long à destination des familles.

Les ventes de Fiat en Europe de 2010 à 2019

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La Panda va donc incarner le positionnement de Fiat sur le segment B et non plus sur le A ?

Le segment A sera couvert par la 500, dont la prochaine génération sera dévoilée au salon de Genève et commercialisée en septembre. Ce marché évolue actuellement dans une autre direction, symbolisée par les produits de mobilité urbaine sans permis, type quadricycle, dans laquelle nous ne prendrons pas position, car je ne perçois pas un énorme potentiel de profits.

Qu’en est-il de la Tipo ?

Elle se débrouille bien sur un segment en dessous des 140 ch, mais il ne s’agit pas de la carrosserie la plus pertinente à l’heure actuelle. La Tipo sera remplacée par un concept différent du segment C, reprenant l’esprit de la Centoventi. Nous voulons réinventer tous les segments de la mobilité accessible et avons des idées très claires sur la façon dont nous allons nous y prendre.

Pourquoi avez-vous décidé d’arrêter le 124 Spider ?

Cette voiture, que j’adore, a un succès incroyable, mais nous en vendons entre 10 000 et 12 000 unités par an. Il s’agit d’un modèle ni familial, ni urbain, pas électrifié, positionné sur un segment de niche qui, aussi sympathique soit-il, ne représente aucun bénéfice particulier pour un constructeur par rapport à d’autres segments à fort potentiel de volume et de profit. Ça n’a plus de sens économique.

La 500, qui vient d’adopter un nouveau moteur mild hybrid (MHEV), va-t-elle rester au catalogue malgré l’arrivée de la nouvelle version en 2020 ?

Le prix Spécial du jury : remis par Didier Ric, journaliste-illustrateur à L'argus, le Trophée Argus est désormais entre les mains d'Olivier François, président de Fiat Monde pour le concept Centoventi.

Nous allons conserver la version MHEV tant qu’il y aura de la demande et de la capacité de production dans l’usine. Mais nous n’avons pas l’intention de maintenir les deux modèles en parallèle pour toujours. Nous vendons environ 200 000 exemplaires de la 500 actuelle, qui remonte pourtant à 2007, dont 190 000 en Europe. Nous avons encore battu un record de ventes en 2019, alors qu’il s’agit de la voiture la plus chère sur son segment. Développée sur une plateforme inédite, la nouvelle génération sera 100% électrique, donc plus onéreuse. Ce sera une sorte d’urban Tesla... Cela pourrait prendre un peu de temps pour gagner les cœurs des clients et le basculement pourrait ne pas être immédiat. Il s’agit d’un changement complet dans l’état d’esprit. Nous allons accompagner cette mutation avec cette première offre MHEV, mais la grande ambition est d’entraîner un par un tous les aficionados de la 500 vers l’électrique. Il s’agit d’une approche audacieuse de notre part. Je ne sais pas si d’autres constructeurs seraient disposés à « risquer » leur best-seller ainsi que le modèle le plus iconique sur le terrain de l’électrique.

Outre cette 500 classic MHEV et la nouvelle 500 électrique, quels sont vos projets pour cette famille ?


Le SUV 500X aura un futur et il sera différent d’un éventuel SUV de la famille Centoventi. Les deux véhicules ne se marcheront pas sur les pieds. Quant à la 500L, elle va rester encore au catalogue, mais je souhaite la remplacer par autre chose qu’un monospace.

Comment allez-vous répondre à la fois aux problématiques réglementaires, de rentabilité et aux attentes des clients ?

C’est toute la complexité du marché automobile en Europe et cette situation nous oblige à repenser complètement le produit et son business, d’une façon qui s’affranchisse des mots « automobile » ou « motors ». Nous entrons dans une décennie où nous allons devoir formuler des idées un peu plus progressistes. Si nous proposons des produits pour répondre aux objectifs réglementaires, nous n’irons pas loin. J’en reviens à notre concept Centoventi, qui se veut une illustration de ce que j’appelle la quadrature du cercle, à savoir un modèle compact, mais tout-usage, premier prix, mais gratifiant, électrique, mais pas trop cher, car évolutif. Au final, je crois que cette équation, complexe au demeurant, représente une opportunité car elle intervient dans une période de révolution de la consommation automobile, où l’on passe de la propriété à l’usage. Ces nouvelles formes de mobilité permettent d’une certaine façon de concilier nos obligations et les besoins du client.

Au-delà du produit, quels sont les leviers que Fiat doit actionner pour répondre à la problématique de marges à laquelle le groupe est confrontée en Europe ?

Pour résoudre cette équation, il faudra être plus inventif que par le passé. Par exemple, sur le segment des petites voitures. Le concept Centoventi propose un nouveau business model, où l’on peut enrichir et personnaliser le modèle au fil du temps, via ce que j’appellerais des « extensions ». Le cycle de vie de la voiture sera beaucoup plus important.

Ainsi, plutôt que de gagner de l’argent deux fois tous les cinq ans, lors du changement de véhicule, nous ferons davantage de marges dans ce cycle de dix ans, car le conducteur va posséder en réalité trois, quatre, voire cinq voitures, qu’il va recomposer à sa guise. Nous allons bien au-delà de la personnalisation. Il s’agit d’un premier élément qui va nous permettre de gagner beaucoup plus d’argent qu’avant. Par ailleurs, la nouvelle 500 possède le profil idéal pour aller s’insérer dans un écosystème d’autopartage. L’ensemble des produits de mobilité que nous serons capables de mettre sur le marché constituent un autre levier de marges.

Le modèle de distribution actuel change. Quelles sont les mutations en cours et à venir pour les concessionnaires ?

Nous avons un plan offensif de formation des équipes des concessions afin de vendre de l’usage, et non plus seulement de la propriété, mais aussi du service et des solutions électrifiées, et non plus seulement de la « tôle », comme disent les Américains. Quand nous allons commencer à commercialiser la 500 électrique, je vais demander aux distributeurs de se transformer en quelque sorte en « Apple genius » et d’être capables d’orienter le client sur le produit électrifié qui lui convient, mais aussi de le connecter avec les bons fournisseurs, d’électricité par exemple.

Quelle est votre position sur le diesel ?

Nous sommes beaucoup moins diesel-dépendants que d’autres marques, du fait de notre portefeuille de produits, fortement concentré sur les petites voitures des segments A et B à essence. Sur nos deux produits phares que sont la Panda et la 500, nous avons déjà arrêté le diesel. Aujourd’hui, cette motorisation pèse seulement 13% du mix de ventes de Fiat en Europe, voire 12% en France. Nous maintenons une offre tant qu’il y a de la demande, mais à un niveau très marginal, et nous allons surtout accélérer de manière très volontariste sur l’électrification.

Cette position vous fragilise par rapport aux objectifs de CO2 européens. Comment allez-vous faire pour être dans les clous ?

Le calcul se fait au niveau du groupe et notre président, Mike Manley, a déclaré qu’il était engagé à 100 % pour que nous atteignons les objectifs. Dans cet ensemble, Fiat joue un rôle particulièrement important et le respect de la cible fixée dépendra de notre capacité à commercialiser la nouvelle 500 électrique, qui sera lancée à partir de septembre 2020. Il faudra donc en commercialiser un certain volume au dernier quadrimestre. Un volume que je juge réaliste pour être dans les clous.


Fiat a dévoilé l’an passé sa plateforme de location entre particuliers U-Go. Quels sont les autres projets de la marque en matière de mobilité ?

Nous expérimentons beaucoup de solutions, parmi lesquelles je peux citer Leasys CarCloud, qui fait actuellement l’objet de tests en Italie. En payant 249 € par mois, vous pouvez récupérer une voiture où que vous soyez dans le pays. Nous travaillons également sur une offre proposant au possesseur d’une voiture électrique d’avoir accès, quand il le veut, à un modèle thermique et ce, afin d’accompagner ce passage dans l’électrique.