Pick-up : la double taxe qui plombe le « double cab »
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Pick-up : la double taxe qui plombe le « double cab »

Frappé par la TVS depuis le 1er janvier 2019 et d'un malus depuis le 1er juillet, le pick-up à double cabine vit vraisemblablement ses dernières heures en France.

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Les constructeurs ont beaucoup immatriculé en juin pour anticiper l'introduction du malus et le marché des pick-up a grimpé de 40,8% sur ce mois

JEAN-MICHEL LE MEUR, Jean-Michel Le Meur / DPPI

Il y a un an, dans les colonnes de L’argus, nous consacrions un article au marché français du pick-up, avec ce titre : « Jusqu’où grimperont les pick-up ? ». Aujourd’hui, nous sommes en mesure de répondre : l’ascension de ce segment a pris fin le 31 décembre 2018. Depuis, c’est la dégringolade et celle-ci devrait logiquement s’accélérer au second semestre. Le marché des pick-up, si florissant ces dernières années en raison d’une réglementation favorable (pas de malus ni de taxe sur les véhicules des sociétés, TVS), des progrès des modèles et de l’arrivée de nouveaux acteurs (notamment Volkswagen, Mercedes-Benz, Renault), a été rattrapé par la patrouille gouvernementale. La première lame est tombée le 1er janvier 2019. Les entreprises doivent désormais verser la TVS pour l’achat d’un pick-up à double cabine, c’est-à-dire avec quatre portes et cinq places assises. La deuxième lame date du 1er juillet : les particuliers, pour ces mêmes versions, sont désormais assujettis au versement d’un malus, dont le montant de 10 500 € se révèle particulièrement dissuasif. Les effets seront forcément dévastateurs.

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« Dès janvier 2019, nous avons ressenti le contrecoup sur le Ford Ranger », confie Olivier Chastaing, directeur du Ford Store de Chambéry (groupe Maurin). L’an dernier, la concession a vendu 60 pick-up (soit 10 % de ses ventes totales), dont moitié en double cabine et moitié en Super Cab (des strapontins derrière les sièges du conducteur et du passager). Sur le premier semestre de 2019, seuls 19 Ranger ont été commercialisés, dont 4 en double cabine. « Beaucoup de clients sont venus nous voir pour que nous leur reprenions leur pick-up et ils ont opté pour la version Super Cab. Heureusement, nous avons cette alternative », confie le responsable.

Limiter la casse

Leader du segment avec son Ranger, la marque américaine espère ainsi limiter la casse grâce à une offre élargie et surtout à cette version Super Cab. Chez Ford France, la cabine simple a représenté 5% des livraisons en 2018 : « Les ventes devraient rester stables cette année. Les Super Cab ont pesé 47 % du total et devraient augmenter considérablement, tandis que les doubles cabines, qui représentaient 48 % des ventes, vont se réduire d’autant. » Chez Nissan France, en 2018, sur près de 3 500 Navara vendus, dont trois sur quatre à des professionnels, environ 40% étaient des King Cab (cabine allongée avec strapontins) et presque 60 % des Double Cab.

Ford a lancé une aide à la reprise de 2 000 € sur ce type de pick-up (toutes marques confondues). « Malgré ça, nous allons perdre des volumes, c’est inévitable. Nous pensons commercialiser de 25 à 30 pick-up cette année, guère plus, entrevoit Olivier Chastaing. La première taxe a découragé nos principaux acheteurs, qui sont des artisans, des restaurateurs, et la seconde va définitivement sceller le sort de ce segment. »

La concession Mont Blanc Automobiles de Chambéry

Plus gros distributeur Mitsubishi en France, via cinq concessions (Annecy, Chambéry, Sallanches, Valence et Annemasse), Jean-Paul Gonguet (Mont Blanc Automobiles) partage naturellement cette inquiétude : « Les artisans ou professionnels libéraux possesseurs d’un double-cabine ne récupéraient pas la TVA, mais ne payaient pas non plus de TVS. C’était un bon compromis. Aujourd’hui, ils sont agacés, car on leur demande de débourser entre 3000 et 3 500 € en moyenne. Beaucoup viennent par conséquent nous voir pour que l’on reprenne leur véhicule. Nous avons le modèle Club Cab, qui représente une alternative pour les sociétés qui ne veulent pas payer la TVS, même si, dans les faits, certains de nos clients optent plutôt pour une fourgonnette, mais pas pour les particuliers, qui souhaitent profiter de vraies places à l’arrière. »

Mont Blanc Automobiles vend entre 150 et 160 pick-up par an en Savoie et Haute-Savoie, dont la moitié en double cabine et 70 % auprès d’entreprises. « Nous sommes confrontés à un marché qui va tout simplement s’arrêter. D’ailleurs, Mitsubishi France a pris la décision de ne plus importer de véhicules. La marque a immatriculé tout son stock en juin, ce qui a eu pour effet de fabriquer du VO récent », indique Jean-Paul Gonguet.

Effet d’aubaine

Une pratique que toutes les marques ont logiquement adoptée avant l’entrée en vigueur du malus, le 1er juillet (voir notre graphique ci-dessus). « Nous ne pouvons nier l’effet d’aubaine incitant les clients et les concessions à immatriculer au plus tôt les véhicules en stock ou en arrivage », confirme Ford France. Les pick-up à double cabine continueront de s’acheter en occasion, le malus étant plus digeste. En neuf, les entreprises exerçant une activité professionnelle en zones de montagne (exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables) font l’objet d’une exemption. « Ils sont certes exonérés, sauf qu’il n’y aura plus d’offre sur le marché pour répondre à leurs besoins. S’ils veulent m’acheter un véhicule, c’est six mois de délai », soulève Jean-Paul Gonguet.

Finalement, chez les distributeurs, ce changement réglementaire provoque autant d’agacement que d’incompréhension. « L’État a voulu s’attaquer aux pick-up à double cabine, mais au final, il ne va rien rentrer dans les caisses, car il a tué ce segment. Pour l’instant, il s’agit surtout d’une perte de chiffre d’affaires pour les distributeurs. Nous allons regarder comment vont réagir les constructeurs sur le sujet », exprime Olivier Chastaing. Les premiers mouvements sont surtout techniques, à l’image du Navara dont une nouvelle mouture a été lancée en juillet.