Pneu européen contre pneu chinois : Christophe Rollet (Point S) réagit
La concurrence chinoise serait la cause des récentes fermetures d'usines de pneus en Europe. La faute plutôt aux surcoûts et aux taxes selon Christophe Rollet, directeur de général de Point S, qui pousse son coup de gueule.
Selon Christophe Rollet, DG de Point S, « les fermetures d'usines de pneus ne sont pas dues à une surproduction ou à la concurrence chinoise mais aux surcoûts et taxes qui pénalisent trop les entreprises ! »
Il y a un an, le français Michelin justifiait la fermeture de l’usine de La Roche-sur-Yon à cause de "l’invasion de produits asiatiques à bas prix". Mardi 15 septembre 2020, Continental a annoncé la fermeture de son usine de pneus à Aix-la-Chapelle (ouest de l'Allemagne) : "Nous avons trop de capacité dans la production de pneus", a expliqué un porte-parole. "C'est une évolution que nous voyons depuis des années, mais que le virus a encore renforcée". Et le lendemain, le japonais Bridgestone expliquait sa décision de cessation d’activité de son site de Béthune (Pas-de-Calais) de la même manière, afin "de sauvegarder la compétitivité de ses opérations en Europe".
L'arrivée des marques de pneus chinoises a fait mal à l'Europe
Le pneu européen serait écrasé par la concurrence chinoise. Freinées par un marché automobile arrivé à maturité, les ventes de pneumatiques stagnent depuis plus de dix ans en Europe. Dans ce contexte, l'arrivée des marques asiatiques à bas coûts, notamment chinoises, comprime les prix et les marges en créant des surcapacités de production.
La part de marché des producteurs asiatiques est passée de 6 à 25% entre 2000 et 2018, a expliqué mercredi à l'AFP Laurent Dartoux, président et directeur général de Bridgestone Europe Afrique et Moyen-Orient. Au détriment des fabricants historiques. Celui-ci estime souffrir actuellement d'une "surcapacité de production structurelle de 5 à 6 millions de pneumatiques". Sous pression, les manufacturiers se disent contraints de procéder à des arbitrages parmi leurs usines européennes au détriment des pays aux coûts salariaux les plus élevés. Cela touche particulièrement la France, mais aussi l'Allemagne, des pays difficilement compétitifs par rapport aux concurrents d'Europe centrale qui bénéficient souvent d'installations flambant neuves.
Christophe Rollet (Point S) réagit
Dans un communiqué, Christophe Rollet, directeur général de Point S, vice-président et trésorier du Syndicat des professionnels du pneu, a souhaité réagir à tout ce méli-mélo d’informations. Voici la totalité de son discours :
« Aujourd'hui, on parle de Bridgestone à Béthune, il y a quelques mois, c'était Michelin à la Roche-sur-Yon... Les annonces de fermetures d'usines de pneus se succèdent en France. Parmi les principales raisons avancées par les manufacturiers : une surproduction et la concurrence chinoise. Ces arguments ne sont pas valables !
En effet, les manufacturiers évoquent des surcapacités de production. Il y aurait des milliers de pneus en stock qui ne trouvent pas de clients... Ce n'est pas la bonne raison ! Chez Point S, qui achètent des millions de pneus par an, nous avons au contraire du mal à nous faire livrer, et nous ne sommes pas les seuls. Il y a sans cesse des pénuries de pneus chez les fabricants de pneus premiums, notamment depuis début 2020.
Le marché du pneumatique en France est stable, à environ 30 millions de pneus. Ceux qui évoquent une chute abyssale du marché due à la crise sanitaire se moquent du monde ! Les Français n'ont d'ailleurs jamais autant utilisé leur voiture pour partir en vacances cet été. Avec 570 centres spécialisés dans le pneumatique et l'entretien auto en France, nous mesurons bien le rebond de l'activité depuis le déconfinement.
« Un marché du pneu premium en France »
Les manufacturiers évoquent également la concurrence des pneus chinois sur le marché français. Chez Point S, nous n'en vendons pas ! Le marché du pneu en France est un marché majoritairement premium, les pneus chinois low-cost ne représentent pas la majorité des volumes écoulés, pas de quoi ébranler des leaders du secteur.
Les vraies difficultés des industriels aujourd'hui en France sont tout autres.
Les entreprises sont étouffées par la pression fiscale, que ce soit sur les charges salariales ou l'impôt sur les sociétés, qui n'est toujours pas au taux promis! Le taux d'imposition est beaucoup trop élevé et empêche les entreprises d'investir, d'embaucher, de mieux rémunérer... ou de sauver des emplois. Les manufacturiers ne vont pas réduire leur production, ils vont la délocaliser dans des pays, pas forcément très éloignés, pour réduire leurs coûts.
« Construire un nouveau modèle économique »
Quand on entend certains politiques s'agiter pour dénoncer des « fermetures scandaleuses et inacceptables », il serait plus profitable qu'ils travaillent à construire un nouveau modèle économique qui permette aux entreprises de produire en France. La pression que subissent les entreprises n'est plus acceptable, qu'elles soient des ETI ou de gros groupes. Il est temps que l'Etat gère mieux ses dépenses et leur donne plus de maniabilité et pour investir, et pour rémunérer à sa juste valeur le travail de leurs salariés. Moins de fiscalité, moins de charges sociales entraînera plus d'investissement et de redistribution salariale. Une vraie politique sociale et salariale passe obligatoirement par les sociétés qui les emploient, il est temps de ne plus opposer les deux. »