Poincelet, CNPA :"Nous ne pourrons pas satisfaire toutes les demandes"
Depuis le 1er janvier 2017, les acteurs de la réparation sont obligés de proposer des pièces issues de l'économie circulaire. Patrick Poincelet, président de la branche des recycleurs au CNPA, pointe du doigt des failles.
Patrick Poincelet, président de la branche des recycleurs au CNPA
Cédric Lecocq
Les conséquences seront très lourdes pour les intervenants, car le champ d’actions de la loi est trop vaste. Nous souhaitions que cette loi ne concerne que les véhicules de plus de 8 ans pour cibler un segment que nos produits intéressent. L’avantage est que nous pourrions rendre possible l’entretien des véhicules âgés et en sauver certains de la casse. N’oublions pas que l’âge moyen de fin de vie d’une auto atteint 19 ans, voire 20 ans en 2017. Malheureusement, le gouvernement a souhaité élargir à tous les véhicules de plus de 2 ans. Nous ne pourrons donc pas satisfaire toutes les demandes.
Cela veut-il dire que la demande sera plus importante que l’offre...?
Bien sûr, ce texte va concerner 30 millions de voitures. Or nous ne démontons que 1,1 million de VHU chaque année. Le compte n’y est donc pas ! Nous ne pourrions même pas satisfaire les demandes pour les 4 millions de sinistres par an, dont la moitié concerne des véhicules de plus de 9 ans. De plus, 75 % des chocs touchent les côtés avant gauches des véhicules. C’est certain, nous ne suivrons pas !
Mais autour de quels axes se rédigera donc l’arrêté ?
Je pense que l’arrêté se construira autour de trois points qui seront liés à l’information avant tout. Le premier – qui est acté, le législateur ne reviendra plus dessus –, c’est que tous les professionnels devront installer au moins une affiche lisible et visible concernant la pièce de réemploi au sein de leur centre. Ensuite, ils auront l’obligation, avant travaux, voire même avant la recherche de panne, d’informer le client de l’existence et de la possible utilisation d’une pièce de réemploi pour toutes les prestations. Et le troisième axe rendra compte d’informations nécessaires liées à la pièce utilisée pendant la réparation par le biais de la traçabilité, par exemple.
Cette nouvelle obligation sera quand même une opportunité pour la profession...
Sans doute. Les professionnels pourront amener dans leur centre un certain volume de véhicules qui, jusqu’à présent, leur échappait complètement. Ils pourront alors placer l’utilisateur, et non plus le produit, au cœur de leurs réflexions. N’oublions pas que le consommateur raisonne en fonction de quatre critères : l’âge, la valeur et l’usage de son véhicule et ses moyens financiers. Cette réflexion détermine ainsi le choix de l’automobiliste.
La majorité des MRA réparent les plus anciennes voitures et il semblerait qu’ils soient les seuls à avoir un chifre d’affaires en progression dans l’après-vente.
Dès lors, ne sont-ils pas ceux qui capteront l’essentiel du marché ?
Ce qui est amusant, c’est que la plupart des économistes et autres dirigeants du marché ont annoncé leur mort il y a cinq ans. Ils sont toujours là, car ils savent s’adapter, et leur principal atout est leur lien direct avec la clientèle. Mais attention ! Ils captent en effet la majeure partie du parc ancien roulant, mais les autres acteurs ne vont pas tarder à s’emparer de ce marché. Rappelons que les groupes de distribution Dubreuil et Chanoine viennent de racheter des centres importants de recyclage. Tout peut donc arriver. Nous prendrons le pouls dans un an.
*Entretien réalisé le 1er décembre 2016
-Retrouvez les résultats de l'enquête réalisée sur la pièce de réemploi auprès des Français sur le site L'argus.fr