Quand la voiture électrique affaiblit le business de la pièce détachée
Selon une étude de Roland Berger et du Clepa, l'entretien des véhicules électriques pourrait faire baisser de 30 % les achats de pièces détachées en Europe. D'ici à 2040, des équipementiers automobiles verront même leur chiffre d'affaires rechange fondre de 13 à 17 % par rapport aux ventes de 2019.
Selon le cabinet Roland Berger, les voitures électriques ont besoin d'environ 30 % de composants de rechange en moins, mais elles créent de nouvelles opportunités importantes
DR
Les voitures électriques n’ont pas bonne presse. Certaines voix s’élèvent contre ces autos pour leurs impacts environnementaux, sociaux, et économiques, et une étude l’anticipe une nouvelle fois. Le cabinet Roland Berger et le Clepa ont publié en septembre 2022 quelques chiffres alarmants pour le monde de l’après-vente automobile européen, et notamment pour la rechange. Car oui, le défi de l'électrification doit être relevé par les constructeurs, certes, mais aussi par les équipementiers, qui risquent de déchanter dans les prochaines années, tout comme les distributeurs et les réparateurs.
Les VE ont besoin de 30 % de composants de rechange en moins
En lien étroit avec la réglementation imposée par Bruxelles et l'arrêt de la vente de véhicules thermiques neufs à partir de 2035, les voitures 100 % électriques représentent déjà environ 10 % de part de marché en Europe. Et leur poids va logiquement grossir. Il atteindrait 82 % des ventes de véhicules neufs d'ici à 2030 selon le scénario d'électrification « le plus rapide » de l’étude. À l’échelle industrielle, c’est demain !
L’enquête, baptisée « Électrification des VL : aubaine ou fléau pour l'après-vente en Europe ? », avance que le véhicule 100 % électrique va faire baisser de 30 % les achats de pièces détachées. Quant au chiffre d’affaires global, il pourrait reculer de 13 à 17 % d’ici à 2040 par rapport à celui de 2019, avant le début de la crise du Covid, en fonction de la rapidité avec laquelle les immatriculations de BEV se multiplieront. Les éléments qui vont amputer les ventes sont évidemment les organes mécaniques, c'est-à-dire ceux liés à la complexité du moteur thermique, mais aussi à la boîte de vitesses, à l'échappement et à l'admission d'essence évidemment. Ces éléments connaîtront une forte baisse pour disparaître petit à petit des catalogues. À l’inverse, les demandes pour les suspensions et les pneus pourraient gonfler, en lien avec le poids plus important des véhicules électriques qui accélère leur usure.

Si pour certains acteurs de l’équipement et de la distribution de pièces l'avenir est compromis, il y a des opportunités à saisir concernant l’électronique de puissance, les pièces liées à la recharge et la batterie. Cette dernière sera la plus chère à changer avec sa durée de vie de 8 à 12 ans et un prix qui pourrait rester élevé, de 3 000 à 15 000 euros. Ce marché pourrait atteindre 4 milliards d'euros en 2040 sur les électriques et les hybrides rechargeables, selon Roland Berger.
À LIRE. Voiture électrique. Le défi de la réparation de batterie haute tension.
Les ateliers spécialisés dans les électriques vont se développer
« Il sera particulièrement important pour les acteurs de l'après-vente de développer le remanufacturing et les capacités de réparation pour les systèmes de batterie, les moteurs électriques, les essieux électriques et l'alimentation l'électronique, explique Frank Schlehuber, consultant principal en affaires du marché chez Clepa. Nous nous attendons à voir un changement dans les services après-vente, du matériel au logiciel. La maintenance prédictive gagnera également en pertinence, étant donné que la batterie est critique pour la sécurité. »
Les constructeurs pourraient récupérer une part du marché de l'après-vente, qu'ils avaient progressivement laissé à leurs sous-traitants (60 %). Certains de ces équipementiers, qui n'auraient pas commencé à se diversifier dans l'électrique, pourraient être menacés selon les experts. Notons aussi qu’il existe une diversification possible pour les distributeurs de pièces dans la récupération et le recyclage des éléments usagés. De leur côté, les réparateurs vont aussi devoir s’adapter et investir en matériel comme en formation, jusqu'à 200 000 euros pour les garagistes de marque. Le cabinet affirme que les ateliers spécialisés dans les voitures électriques devraient se développer aux côtés des garages traditionnels, qui n'offriront que des réparations basiques à ces nouveaux véhicules. Le consommateur, lui, bénéficiera de cette affaiblissement qui engendrera une réduction du coût des prestations d’entretien. Mais jusqu’à quand ?
