Ventes saines : Tesla détrône Dacia !
Depuis sa naissance en 2005, Dacia régnait sur le classement des marques aux ventes les plus saines. Autrement dit, les ventes à particuliers et aux sociétés. Ce n'est plus le cas. Tesla, marque haut de gamme, a chassé Dacia de son trône !
La Tesla Model 3 a représenté 1 153 immatriculations en mars 2019 en France
Il faut aller plus loin que les résultats officiels du marché français. Car toutes les ventes ne se valent pas entre elles, ni en rentabilité pour un constructeur, ni en valeur résiduelle de son véhicule pour un acheteur. D’un côté, les ventes « saines » : à particuliers ou à sociétés. De l’autre, un merveilleux concept inventé par les marques : les ventes sans « client final »…
Certes, ces véhicules sont officiellement immatriculés, mais très souvent aussitôt transformés en occasions récentes voire occasions zéro km s’ils ont été achetés par un concessionnaire. Ou connaissent le même sort quand un loueur les rend au terme du délai prévu dans le contrat, parfois trois mois. Quel intérêt pour une marque ? Ecouler les stocks d’un modèle qui ne trouve pas naturellement preneur. Rien ne coûte plus cher que d’interrompre la chaîne de production d’une usine. Et quand le vin est tiré, il faut le boire.
Des fausses ventes, tout simplement
Bien sûr, Avis ou Europcar ont besoin de voitures neuves pour leurs clients, les concessionnaires de véhicules de démonstration ou de courtoisie. C’est juste une question de proportions. Lors du premier trimestre 2019, Mini, dont la gamme est étroite, a réalisé 11% de ses ventes auprès de son propre réseau. Et Alfa Romeo, dont l’offre n’est guère plus vaste, 40%... Cet exemple le dit mieux qu’un discours : quand le client ne vient pas spontanément, forte est la tentation pour constructeur de tirer sur la ficelle des « ventes tactiques », également appelées « ventes grises » ou plus simplement « fausses ventes ».
Une marque en pleine santé se reconnait donc à deux critères. Primo, des résultats supérieurs à la tendance du marché : - 0,6% sur les trois premiers mois 2019. Dix-sept constructeurs remplissent cette condition. Secundo, une part de ventes à particuliers et sociétés supérieure elle aussi, ou au moins égale, à la moyenne nationale : 68% sur ce premier trimestre. La liste se restreint à treize noms : Tesla, Mini, Suzuki, Dacia, Toyota, Skoda, DS, Mitsubishi, Volvo, Smart, Citroën, Hyundai et Seat.
Tesla, entrée en fanfare
La présence de Dacia ne constitue pas une surprise. La filiale low-cost l’a toujours proclamé: elle privilégie les particuliers, ne mange pas le pain gris des ventes tactiques. De fait, elle a longtemps été hors concours au classement de la vertu commerciale, avec un taux de ventes à particuliers et sociétés avoisinant les 95%.
Puis, la vie étant la vie, les rebelles reviennent dans le rang, ou à proximité. Les tarifs ont monté chez Dacia, avec le Duster. Des clients demandaient à leur concessionnaire si par hasard il n’avait pas dans l’arrière-cour un Duster « presque neuf » à moindre prix. Et la part des ventes saines, quoique toujours très haute, a commencé à fléchir chez Dacia : 86% sur l’ensemble de l’année 2018.

Peugeot n’a pas cédé à la tentation
Pour le reste, toujours plus ou moins les mêmes acteurs en première partie du tableau. Dont Suzuki, marque fidèle à l’orthodoxie commerciale et qui grandit sans faire de bruit. La prime de conversion accordée par l’Etat pour vider le parc de ses vieux diesels a favorisé les petits véhicules, spécialité de la maison japonaise. Mais Suzuki a chipé à Dacia la palme de la part de ventes aux particuliers : 77%.
En dépit de résultats négatifs, Peugeot, Land Rover, Kia et Audi n’ont pas corrigé leurs chiffres en actionnant la machine à fabriquer des occasions récentes. Toyota campe depuis des années au-dessus de la moyenne nationale. Les marques du groupe VW aussi, ou pas loin comme Volkswagen, avec une mention particulière pour Skoda, auteur d’un très beau trimestre : immatriculations en hausse de 12%, 6e rang au hit-parade des ventes saines. Citroën et DS ont redressé la barre : pourquoi vendre aux loueurs ou forcer la main aux concessionnaires alors que la demande du client est forte pour C3 Aircross et DS 7 ?
Alfa Romeo, Honda : triste constat

Enfin, que dire d’Alfa Romeo et Honda, sinon sa tristesse face au déclin de deux marques au passé prestigieux. Les immatriculations baissent, voire s’effondrent chez Alfa Romeo (- 60%), en dépit d’un taux anormalement élevé de ventes directes aux concessionnaires : 38% chez Honda, 40% chez Alfa. C’est mauvais signe.
Quelles sont les marques qui vendent le mieux ?

- En bleu : les chiffres du marché français dans sa globalité lors du premier trimestre 2019
- En jaune : le classement des 30 premières marques de France, établi en fonction du pourcentage de ventes à particuliers et sociétés dans leurs ventes totales
- En vert : les cinq marques présentant la plus forte part de ventes à particuliers, et de ventes à sociétés
- En rouge : les cinq marques présentant la plus forte part de ventes à loueurs de courte durée, et de ventes directes au réseau
Comment lire ce tableau ?
Suzuki, par exemple, avec 7 734 modèles vendus, a augmenté sa diffusion de 7,6% lors d’un premier trimestre 2019 où le marché français a accusé un léger repli (- 0,6%). De surcroît, la feuille de résultats de Suzuki est saine : 82% des ventes opérées auprès de particuliers ou sociétés, soit bien davantage que la moyenne du marché français (68%). Seuls Tesla (95%) et Mini (83%) font mieux.
Suzuki vend pourtant peu aux sociétés : 5% de ses immatriculations (moyenne nationale, 22%). Mais présente la plus forte part de ventes à particuliers des 30 premières marques de France : 77%, alors que la moyenne nationale est de 46%.
La méthode employée par L’argus
L’argus base son étude sur le tableau détaillé des ventes diffusé chaque mois par le CCFA (Comité des Constructeurs Français d’Automobiles) à ses adhérents. Ce tableau ventile les ventes de chaque marque selon huit catégories d’acheteurs : particuliers, administration, salariés des constructeurs, loueurs de courte durée, loueurs de longue durée, sociétés hors secteur automobile, transit temporaire (plaques TT), concessionnaires (véhicules de démonstration ou courtoisie).
L’Argus agrège les ventes à loueurs de longue durée et à sociétés dans la colonne « Sociétés ». De même que ventes à salariés des constructeurs et ventes directes à concessionnaires dans la colonne « Réseau ». La colonne « Loueurs » concerne les ventes à loueurs de courte durée, type Europcar ou Avis, auxquelles sont ajoutées les ventes en TT : ces modèles sont rachetés quelques mois plus tard par les constructeurs, qui les écoulent sur le marché de l’occasion,
Les ventes à administrations, très majoritairement réalisées par les marques françaises, ne sont pas prises en compte dans ce tableau car d’un faible impact : 0,8% du marché total au premier trimestre 2019. Cette absence explique que pour certaines marques, notamment Citroën, le total des pourcentages soit parfois très légèrement inférieur à 100%.