Voiture électrique. Quel impact pour l'industrie automobile en 2030 ?
Suite aux propositions européennes pour le paquet climat « Fit for 55 », la PFA a mandaté AlixPartners afin d'en évaluer l'impact sur l'industrie automobile. Prix des voitures en hausse, volumes de production en baisse et suppression de plusieurs milliers d'emplois apparaissent inéluctables.
D'ici 2025, la PFA estime qu'il faut investir massivement dans les nouvelles chaînes de valeur (moteur électrique, batteries, électronique de puissance, etc), à hauteur de 17,5 milliards d'euros
Michel GAILLARD/REA
Pour le compte de la Plateforme automobile (PFA), le cabinet AlixPartners a réalisé un décryptage détaillé portant sur les conséquences pour la filière automobile des futures réglementations européennes qui découleraient des propositions du paquet climat « Fit for 55 », dévoilées en juillet 2021. L’idée consiste à évaluer l’impact de la transition vers l’électrique pour les constructeurs automobiles, les équipementiers, ainsi que tout l’écosystème de fournisseurs de rang 1, 2 ou 3. Pour cela, AlixPartners a interrogé de nombreux acteurs de la filière entre juillet et novembre 2021. Au-delà de mieux connaître les futurs besoins en pièces et composants grâce à une évaluation plus fine de la taille du marché à l’horizon 2030, il s’agit également de savoir « comment le rythme de la transition est susceptible d’impacter le made in France et la localisation des activités industrielles en France ».
Ceci alors que dans sa feuille de route 2030, la PFA a déjà chiffré à 17,5 milliards d’euros d’ici 2025 les besoins en investissement « massifs » dans les nouvelles chaînes de valeur, que ce soient les batteries, l’électronique de puissance, l’hydrogène, la connectivité et les services associés, l’économie circulaire, ou encore les infrastructures de recharge. Marc Mortureux, directeur général de la PFA, estime en effet que la future réglementation européenne « risque d’accentuer le déclin de la filière automobile », mais il assure que cela peut également constituer « un atout pour un rebond ». Rappelons que dans l’hypothèse où les propositions du paquet climat Fit fo 55 annoncées en juillet 2021 seraient entérinées telles quelles, les émissions de CO2 des voitures particulières devraient diminuer de 55 % en 2030 par rapport à 2021 et de 50 % pour les VUL, puis de 100 % pour tous les véhicules légers d’ici 2035. Soit le scénario le plus radical parmi ceux envisagés initialement.
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Les composants d’un véhicule électrique coûtent 59 % plus cher
Le premier enseignement de cette étude, riche en données, réalisée par AlixPartners, concerne le coût des véhicules. Selon les chiffres de 2019, le coût des composants embarqués dans un véhicule électrique atteint en moyenne 24 000 euros, contre 15 000 euros pour un modèle thermique, soit 59 % de plus mais avec des composants très différents.Le groupe moto-propulseur (environ 1 120 euros), les batteries (environ 8 000 euros) et l’électronique de puissance (environ 1 500 euros) représentent quant à eux 45 % du contenu d’un véhicule électrique.

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Une production automobile européenne en baisse, des prix en hausse
Partant de ce constat, les experts d’AlixPartners ont défini plusieurs scénarios d’impact sur la filière, en fonction de la vitesse de bascule vers le véhicule électrique, mais aussi des gains de productivité pour chaque famille de composants. Le scénario de référence prévoit que le mix de ventes 2030 atteindra 49 % pour les modèles électriques et 21 % pour les modèles hybrides rechargeables, soit un total de 70 %. Du côté de la production, le scénario de référence indique que les gains de productivité peuvent atteindre – 8 % sur les sous-systèmes communs aux modèles thermiques et électriques entre 2019 et 2030, mais aussi – 20 à – 30 % sur l’électronique de puissance et – 50 % sur les batteries et cellules.En combinant ces prévisions, AlixPartners prévoit une baisse de 10 % des volumes de production de véhicules en Europe d’ici 2030, ainsi qu’un surcoût des composants s’élevant à 1 535 euros par véhicule, soit potentiellement un prix de vente moyen supérieur d’environ 3 070 euros par rapport à 2019. Le scénario le plus optimiste prévoit une production à – 4 % et un surcoût des composants à + 520 euros par modèle, tandis que le plus pessimiste prévoit une baisse de la production européenne de l’ordre de – 25 % pour un surcoût des composants de 4 526 euros par véhicule. Quel que soit le scénario retenu, AlixPartners prévoit forcément une baisse de la production européenne et un surcoût des composants – du prix total – des voitures en 2030. Donc un surcoût moyen des voitures compris entre 1 040 et 9 052 euros !

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52 000 emplois menacés en France
Alors que l’étude estime que 70 % de la production des groupes moto-propulseurs et batteries « semble fermée aux fournisseurs actuels de la filière française », AlixPartners note qu’une transition vers le véhicule électrique rapide risque d’accentuer les externalisations de production hors de France. Soit environ 4 % avec le scénario de référence. Alexandre Marian, directeur associé chez AlixPartners, relève que « ce n’est pas forcément négatif pour la France car certaines co-entreprises s’installent » sur notre territoire, notamment pour la fabrication de batteries, mais cela sera préjudiciable pour les sous-traitants.Évidemment, les sous-traitants spécialisés dans le décolletage-usinage, le traitement des métaux, la fonderie fonte, la forge, le caoutchouc, ou encore l’emboutissage seront les plus touchés par l’électrification, avec une activité en baisse de 20 à 70 % en fonction des hypothèses retenues. Résultat, une baisse « structurelle » de 15 à 30 % des effectifs français de production semble inévitable, soit 46 000 à 87 000 emplois potentiellement supprimés (52 000 emplois dans le scénario privilégié par AlixPartners). Marc Mortureux indique que « malheureusement, la fin du moteur thermique se traduira forcément par une réduction des emplois de production en France ». Pour lui, c’est « inévitable ». Tandis que la création potentielle de 11 000 nouveaux emplois liés à l’électrique ne permettra pas de compenser les licenciements, et encore « ce n’est pas gagné », met-il en garde. Le directeur général de la PFA indique toutefois que la filière automobile pourrait se diversifier grâce à l’électro-chimie des cellules de batteries, les bornes de recharge, ainsi que la pile à combustible.

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Conserver une diversité technologique
En conclusion, la PFA plaide pour laisser la possibilité aux constructeurs de conserver une certaine diversité technologique, car Marc Mortureux estime qu’il ne va « pas de soi que le 100 % électrique soit la solution partout en Europe ». Il souhaite également que les autorités européennes lient les objectifs fixés aux constructeurs au rythme de développement des infrastructures de recharge, tandis qu’il faut prendre en compte les spécificités des VUL. Enfin, l’Europe doit absolument, selon lui, se protéger aux frontières pour pouvoir conserver son tissu industriel.Alors que le principal enjeu consiste à créer des écosystèmes intégrés autour des nouvelles chaînes de valeur, le directeur général de la PFA n’est « pas très inquiet pour les constructeurs » mais plutôt pour les fournisseurs de rang 2 ou 3 dans le cadre de cette « reconversion très lourde ». Il faut donc « aider les entreprises et les salariés impactés à se repositionner », notamment en identifiant les domaines de croissance potentielle.
